La Chalosse : petit paradis discret

Située au Sud du département des Landes, à la naissance du Béarn, la Chalosse préserve son intimité depuis des siècles, peut-être pour protéger ses paysages contrastés, son patrimoine précieux et sa douceur de vie.

paysages de la chalosse
Ô calme, ô volupté - Crédit photo: Office de tourisme Landes Chalosse

Lorsque s’efface la forêt des Landes de Gascogne

« Demandez à un Français ce qu’est la Chalosse, vous ne recevrez point de réponse, pas même d’un méridional. » Extraite d’un article publié en 1935 dans la Revue du Touring Club de France, cette phrase susciterait sans nul doute la même interrogation aujourd’hui.

De fait, la Chalosse a toujours su s’entourer d’une certaine discrétion. Pour la découvrir, il convient de quitter la vaste forêt des Landes de Gascogne, symbole de l’identité landaise, et d’emprunter la direction du Béarn, là où se dessinent les premières collines pré-pyrénéennes. 

S’il n’a jamais bénéficié de contours officiels ni même historiques, le pays de Chalosse s’étire au Nord jusqu’à l’Adour, se perd non loin de Dax à l’Ouest, s’ouvre aux vignes de Tursan à l’Est et, enfin, devient Béarn au Sud.

Ici, les célèbres pins maritimes ne composent plus un décor monotone et presque infini. La Chalosse tire sa beauté de la diversité de ses paysages, constitués de coteaux adoucis, de forêts, de prairies, de champs et de vignobles que découpent les rivières.

« Le paysage n’est jamais le même ; il se fond, se contracte ou s’étale suivant l’inclinaison du soleil. Horizons infinis qui se perdent dans le rêve, la méditation. Paysages mouvants, mais aussi merveilleusement composés qui ravissent peintres et poètes » écrit, inspirée, Michèle Barrault, dans son ouvrage Les Landes (Collection Découverte, Éditions Beba, 1988).

La Chalosse se caractérise aussi par les bocages, qui ajoutent une note bucolique au panorama à travers la multitude de bosquets et de haies entre les champs de maïs, les prairies artificielles et les landes d’ajoncs. Les interminables plages landaises semblent bien lointaines à quiconque admire la vallée de l’Adour depuis les belvédères de Montfort-en-Chalosse et de Mugron.

Un pays riche d’une (très) longue histoire

La Chalosse a accueilli les hommes dès le Paléolithique supérieur (de -4000 à 9500) comme en témoignent les outils en silex et en os, ainsi que diverses parures, retrouvés dans la grotte du Pape, à Brassempouy. Le lieu jouit d’une renommée mondiale depuis la découverte, en 1894, de neuf figurines en ivoire de mammouth, dont la célèbre « Dame à la capuche ». Le précieux objet, d’une hauteur de 3,65 cm, est considéré comme l’une des plus anciennes représentations du visage humain.

dame de Brassempouy
La célèbre statuette de la dame de Brassempouy - Crédit photo : Jean-Gilles Berizzi

À l’époque gallo-romaine, le terroir profite de la richesse de ses sols pour permettre une activité agricole intense. La culture du blé, du lin, du seigle, puis plus tard du maïs, assure l’approvisionnement des cités alentours, notamment celle de Dax, très fréquentée grâce à ses sources thermales.

Surtout, les coteaux ensoleillés se prêtent parfaitement bien à la plantation et au développement de la vigne. Au fil des siècles, le vin s’impose comme la ressource principale de la Chalosse.

De fait, grâce à son activité agricole séculaire, la Chalosse a accueilli une population importante, essentiellement partagée entre les propriétaires terriens, issus de la petite noblesse ou de la bourgeoisie, et les paysans. Dans leur immense majorité, les fermiers dépendaient du métayage pour survivre. Le terroir se compose d’ailleurs d’une multitude de petites exploitations. « La Chalosse était à la fois un pays riche par ses terres et pauvre par les gens qui y résidaient » précise avec justesse le site Terres de Chalosse.

Le métayage a perduré jusque dans les années 1920, lorsque les paysans se révoltent, excédés par leurs conditions précaires.

Aujourd’hui, les petites fermes composent toujours le paysage chalossais, dispatchées entre les villages et monuments moyenâgeux, qui participent eux aussi au charme de ce pays préservé.

L’attrait du patrimoine et du mode de vie

Édifice emblématique de la Chalosse, l’abbaye de Saint-Sever fut fondée à la fin du 10e siècle par Guillaume Sanche, comte de Gascogne. L’église abbatiale a été classée monument historique en 1911 puis inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1998, au titre des chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle en France.

L’église a conservé un magnifique chevet à sept absides (tête de l’église, l’extrémité du côté de l’autel, lorsque cette extrémité est de plan arrondi ou polygonal) échelonnées, la forme la plus courante n’en proposant que trois. Autre particularité : les 77 chapiteaux et le tympan nord, véritable chef-d’œuvre du 11e siècle. La surface, qui fut l’une des toutes premières de l’art roman à être sculptée, représente une scène tirée de l’Apocalypse, dernier livre du Nouveau Testament.

Parmi les autres monuments religieux, l’abbaye d’Arthous (et son espace d’exposition) ou encore l’abbaye de Sordes, à l’architecture impressionnante, méritent amplement le coup d’œil.

Les visiteurs tombés amoureux de l’endroit ne manqueront pas de fréquenter le musée de la Chalosse, qui propose un parcours immersif. C’est l’occasion rêvée de s’imprégner des paysages, des cultures et de la douceur de vie de ce pays que l’on dit salubre.

La Chalosse tire aussi son charme de ses petits bourgs, édifiés au Moyen-Âge sur des sites perchés pour faciliter leur défense. En leur cœur, les communes typiques accueillent l’incontournable arène, dédiée à la course landaise, la place du foirail sur laquelle se tient le marché, le terrain de rugby et bien sûr l’église romane. Peu visitées, les églises chalossaises révèlent pourtant des trésors grâce à leurs chapiteaux naïfs, leur nef colorée ou encore leurs Vierges polychromes.

Le chevet de l'abbatiale de Saint-Sever
Le chevet de l'abbatiale de Saint-Sever - Crédit photo : Ville de Saint-Sever - CC BY-SA 4.0

L’héritage agricole s’est bien sûr accompagné d’une riche tradition culinaire. Les habitants du terroir de la Chalosse aiment le plaisir de la table et savent y contribuer. À travers une cuisine simple, le bœuf de Chalosse, le canard gras ou la truie gasconne régalent les familles depuis des siècles. On étanche sa soif en profitant d’un vin des côteaux-de-Chalosse, ce qui n’empêche pas de se tourner vers le Tursan ou le Madiran. Le premier, doté d’une IGP, s’invite souvent à l’apéritif alors que le second s’avère puissant et racé en bouche.

Mais que voir et que faire en Chalosse ?

Le pays peut représenter une destination de vacances opportune, à l’abri du tourisme de masse et à toute proximité de ses habitants. C’est la garantie d’un séjour dépaysant, serein, gourmand et réconfortant.

Pour ressentir l’esprit de la Chalosse, pourquoi ne pas emprunter, sur quelques kilomètres, l’un des deux chemins du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle ? La voie limousine traverse les villages de Saint-Sever, Audignon, Horsarrieu, Hagetmau, Argelos et Beyries, que séparent de magnifiques paysages. La voie du Puy-en-Velay mène les marcheurs vers les communes de Miramont-Sensacq et de Pimbo.

D’autres possibilités de randonnée s’offrent au public, notamment celle de la Voie Verte, ancienne voie ferrée réaménagée. Elle permet de belles et longues promenades à pied, en VTT ou à dos de cheval.

la voie verte en chalosse
La Voie Verte serpente entre les arbres - Crédit photo : Tourisme Landes

Bien sûr, le patrimoine local représente une multitude d’opportunités de découverte. Montfort-en-Chalosse, Saint-Sever, Mugron, Samadet, Amou, Pimbo ou encore Castelnau-Tursan… Autant de villages, souvent médiévaux et souvent haut perchés, qui ne demandent qu’à être découverts. Les amateurs de course landaise ne manqueront de se rendre à Pomarez, considéré comme la Mecque de la discipline.

La Chalosse, ce sont aussi des abbayes, des châteaux et des manoirs qui parsèment le paysage, sans même évoquer les maisons de maître, typiques de la région.

En période printanière et tout au long de l’été, les activités se multiplient : baignade dans les six piscines de la région, plaisir du canoë sur l’Adour, pêche à la ligne sur les berges des rivières Adour, les Gaves ou le Luy, initiation au jeu de quilles traditionnel, relaxation totale aux thermes de Préchacq-les-Bains.

Ne pas évoquer le sens de la fête constituerait une erreur impardonnable. Comme dans l’ensemble des Landes, les ferias dictent la vie nocturne de bon nombre de communes, où bodegas et bandas promettent une ambiance haute en décibels.

Enfin, entre les producteurs locaux (dont les éleveurs de poulet de Saint-Sever), les marchés et les bons petits restaurants, il est à parier que le temps passé à table grignotera joyeusement les après-midi et soirée.

Mais n’est-ce pas finalement la philosophie de ce petit territoire discret, tout entier dédié à la douceur de vie ?


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