Dune du Pilat, le sable mouvant

Dune du Pilat, le sable mouvant


Ses dimensions imposent le respect : 103 mètres de haut, 600 mètres de large et 3 kilomètres de long. Balayée par les vents, chatouillée par la marée, alimentée par le sable volant, la dune du Pilat ne cesse de se mouvoir, de se transformer et d’exercer la même fascination auprès du public.

Temps de lecture : 8 mn

Crédit photo : Guillaume Commin – Flickr

La star du Bassin d’Arcachon

Les embouteillages estivaux le confirment. Chaque année, des dizaines de milliers de visiteurs envahissent la D218, joliment bordée de pins maritimes, avec la même ambition : se rapprocher de la plus haute dune d’Europe en trépignant d’impatience à l’idée de la gravir.

Dans quelques décennies, ils auront peut-être le sentiment qu’elle s’est rapprochée. Soumise à la force des vents et des courants marins, la dune se déplace chaque année de 1 à 5 mètres vers la forêt, engloutissant pins et végétation. Le phénomène pourrait être amplifié par le changement climatique, synonyme d’une probable élévation du niveau de la mer et d’une augmentation des tempêtes.

Mais il est peu probable que la dune disparaisse pour autant. La plus grande attention lui est réservée depuis son classement comme site naturel protégé par la loi. Elle est surveillée de près par les équipes du Conservatoire du littoral et de l’Observatoire de la côte de Nouvelle Aquitaine, sans même évoquer l’implication des services de la DREAL et de l’ONF.

Le souhait est de veiller à la pérennité de ce lieu exceptionnel qui s’étend sur près de 7000 hectares si l’on tient compte de la forêt usagère de La Teste-de-Buch. Chaque année, la dune accueille deux millions de visiteurs, se hissant en tête des sites les plus visités de Nouvelle Aquitaine. Ce sont ainsi plus de 10 000 touristes qui partent quotidiennement à sa conquête au plus fort de la période estivale. Une telle affluence justifie donc une certaine vigilance de la part des autorités, notamment pour préserver sa biodiversité, son paysage unique et sa dynamique naturelle. Des efforts sont également mis en œuvre pour sensibiliser le public à l’importance de la conservation de ce lieu emblématique.

Un long et puissant serpent de sable – Crédit photo : Jörg Braukmann — CC BY-SA 4.0

Un écosystème impressionnant, mais fragile

La dune du Pilat abrite une diversité remarquable de faune et de flore, adaptée à son environnement unique. La végétation joue un rôle majeur dans la fixation du sable, notamment l’oyat, dont les longues racines stabilisent les grains et aident à créer des conditions plus favorables pour d’autres plantes. L’oyat est capable de résister aux vents forts et aux conditions arides. Une fois le sable stabilisé, le liseron des sables, plante rampante, ou le chardon bleu des dunes, reconnaissable par ses feuilles épineuses et ses fleurs bleues, peuvent s’épanouir.

Ces plantes sont halophiles, capables de tolérer des niveaux élevés de sel, et s’adaptent bien aux conditions arides, grâce à leurs racines profondes leur permettant d’accéder à l’eau. Leurs feuilles réduites minimisent le phénomène d’évaporation.  

Divers projets de restauration écologique sont mis en place pour renforcer la résilience de la flore face aux changements climatiques et aux pressions humaines. Ils incluent par exemple la plantation de végétation stabilisatrice et la création de barrières naturelles pour réduire l’érosion.

Plus éloignés de la dune, les pins maritimes ne cessent de se développer et contribuent aussi à la stabilisation du sable tout en offrant l’environnement idéal à une grande variété d’espèces animales, dont les oiseaux, notamment des migrateurs comme les hirondelles et les sternes. On y trouve aussi de nombreux insectes, dont des papillons, des abeilles, des scarabées, des coléoptères, des sauterelles et des grillons. Pour leur part, les mouches et les moustiques privilégient les zones humides, adjacentes à la dune.

Bien que moins visibles, des espèces comme le renard roux, le sanglier, le lapin de garenne ou la couleuvre à collier peuvent évoluer dans les zones environnantes. En novembre 2020, le site officiel du Pilat a même publié sur sa page Instagram la photo d’un chevreuil traversant la dune pour rejoindre la forêt.

Petit tas de sable deviendra immense

Il faut quand même remonter jusqu’aux périodes glaciaires (environ -6000 avant J.-C.) pour trouver les prémices de ce qui allait devenir la dune, lorsque le niveau marin se stabilise et que les vents transportent du sable en provenance du plateau continental pour le déposer sur la côte, recouvrant une ancienne forêt.

Quelques milliers d’années plus tard, au gré des évolutions climatiques, les courants marins acheminent à leur tour le sable le long de la côte, qui s’accumule progressivement, formant des dunes plus petites. Elles finissent par se consolider en une plus grande. La dune du Pilat est le résultat de ce processus d’accumulation continue, aidée par la topographie de la région avec ses courants marins et ses vents dominants.

Au 19e siècle, la campagne de reforestation de pins maritimes initiée par Napoléon III contribue à fixer les dunes du littoral, dont celle du Pilat. Mais pourquoi donc est-elle plus haute que les autres ? Parce que la dune du Pilat profite d’un réservoir de sable gigantesque : le banc d’Arguin. La célèbre petite île doit son imposante masse à la géographie du bassin d’Arcachon, qui permet, à chaque marée, d’accumuler du sable à l’embouchure.

Le climat local, avec ses précipitations et ses tempêtes, influence également la formation et la stabilité de la dune. Les tempêtes peuvent apporter de grandes quantités de sable, tandis que les périodes de calme permettent la stabilisation du site.

Toujours bon à savoir !

Les recherches archéologiques ont montré que l’homme vivait déjà sur place il y a 2 600 ans. Une quarantaine de sites ont été découverts dans les environs, datant de la Préhistoire jusqu’au 17e siècle. Des touristes ont même retrouvé, en 2013, une urne funéraire en parfait état datant du 8e siècle avant J.-C. et renfermant des fragments d’os calcinés. Les scientifiques supposent qu’un village entier pourrait se trouver sous la dune.

La longue histoire du Pilat s’accompagne bien sûr de nombreuses légendes. On raconte par exemple que des pirates auraient enterré leurs trésors sous les sables (mais où ??). Une autre histoire mentionne la présence d’un esprit, protecteur des lieux, qui apparaîtrait parfois aux visiteurs pour les mettre en garde contre les dangers de la dune. Plus triste, une légende romantique raconte l’histoire de deux amants maudits qui se seraient retrouvés sur la dune pour échapper à leurs familles ennemies. Malheureusement, ils auraient été surpris par une tempête de sable et auraient disparu, emportés par les vents. Enfin, certains croient que la dune du Pilat est bien vivante et qu’elle se déplace chaque nuit. Elle changerait de forme et de position pour protéger ses secrets et pour échapper aux hommes qui cherchent à la dompter.

En 1994, le compositeur bordelais Garlo installait une cinquantaine de guitares sur le sommet de la dune pour enregistrer « Vents de guitares », en profitant de la variation du vent sur les cordes. « Il y a des guitares classiques, des électroacoustiques, des électriques, des basses, et même des espèces de vibraphones fabriqués avec de gros élastiques pour produire du son plus grave. Les plus aiguës en haut, les plus basses en bas (forcément). Elles ont été soigneusement réglées, chacune pour un accord bien particulier. Une multitude de micros et de fils les relient toutes à des magnétos 16 pistes et à des tables de mixage. Ce mardi 4 octobre 1994, le vent s’appelle Eric Clapton » écrit David Patsouris dans Sud-Ouest (20/09/2024). Le résultat est surprenant et envoûtant.

Profiter pleinement de la dune

Attraction touristique majeure en Nouvelle Aquitaine et même dans le pays, la dune du Pilat cherche aujourd’hui à recevoir le label Grands Sites de France, à l’instar du marais poitevin ou de la baie de Somme. La dernière mission d’expertise vient de livrer ses préconisations. Certaines cherchent à réduire la « pollution visuelle » que constituent les mobile homes des campings alentour, dont il faudrait réduire le nombre. D’autres recommandations suggèrent d’étendre le périmètre du futur site ou de valoriser la parcelle de forêt usagère épargnée par les feux de 2022 en sensibilisant le public au risque d’incendie.

Il n’en demeure pas moins que la Dune du Pilat continue de séduire, année après année, un large public. L’exceptionnel panorama qu’elle offre sur le bassin d’Arcachon et le banc d’Arguin, les nombreuses animations proposées, les balades commentées, les ateliers ludiques pour les enfants, les départs de parapente… Les arguments se multiplient pour (re)découvrir ce magnifique site naturel.

Ceux qui aiment contrôler leur budget seront ravis d’apprendre que l’accès à la dune est gratuit. Seul le parking (et les activités) demande de sortir sa carte bleue : 7 € pour 4 heures en haute saison ou 11 € pour la journée.

Il est également possible (et même recommandé) de venir en bus depuis la gare d’Arcachon. Bien sûr, les cyclistes, qui profitent des pistes cyclables du Bassin, dont la Vélodyssée, trouveront sur place tous les racks nécessaires.

En été, il peut s’avérer utile de s’équiper d’une casquette, de crème solaire et d’une bouteille d’eau.

Sur place, deux boutiques culturelles, un bureau d’information, trois restaurants et trois commerces de vente à emporter se tiennent à la disposition du public.

Enfin, les escaliers (placés sur le versant Est de la dune) sont installés d’avril à octobre. Hors saison, la grimpette requiert un peu plus d’énergie.


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