Nature et paysages en Gironde
La Gironde profite de sa large superficie, la plus importante de France, pour présenter aux visiteurs ébahis sa ribambelle de paysages et de pays. Petit tour d’horizon.
L’estuaire
L’estuaire de la Gironde est le plus vaste d’Europe occidentale, confluent de deux fleuves, la Garonne et la Dordogne, joignant leur cours au Bec d’Ambès. L’origine montagneuse des deux cours d’eau (Pyrénées pour le premier, Massif central pour le second), qui charrient en leur profondeur graves, limons et galets, explique cette couleur si particulière de la « mer de Bordeaux » ou encore la « mer de Garonne ».
Long de 75 kilomètres, doté d’une largeur pouvant atteindre par endroits les 12 kilomètres et couvrant une superficie de 635 km², l’estuaire est composé de paysages variés et différents selon que l’on se trouve sur la rive gauche ou droite.
Sur la rive gauche, les marais, très en aval, s’imposent dans le paysage du Bas-Médoc, avant de laisser la place à de larges vignes, qui profitent allègrement du bienfait des plaines alluviales pour donner naissance à l’un des meilleurs vins au monde.
Sur la rive droite, le territoire est plutôt composé de collines et de falaises. Les vignes y sont moins importantes.
Le charme de l’estuaire, ce sont aussi ses îles qui, parfois, au gré des crues, naissent ou disparaissent. Nombreux sont ceux à pleurer encore l’île de Croûte, mangée par l’eau en 2004. Fort heureusement, à la faveur de la tempête Klaus (si l’on peut dire) en 2009, l’île sans nom (ou île de Cordouan) est apparue grâce à l’accumulation des sédiments sur une surface de quatre hectares.
D’autres îles connaissent une situation géologique plus stable, à l’image de l’île Verte, forte de ses 790 hectares, où s’est posé jadis un petit village de près de 500 âmes. Le Conservatoire du littoral a pu acquérir une quarantaine d’hectares en 2001, dédiés aux oiseaux migrateurs. On continue d’y produire du vin, d’excellente réputation, sous l’appellation Bordeaux supérieur.
L’île de Patiras mérite également le coup d’œil. Située au milieu de l’estuaire, entre Cussac et Blaye, on dit qu’elle servit de lieu de retraite au pirate Dimitri de Monstri. Au Moyen-Âge, l’île accueillit les lépreux de la région.
Les champs de maïs occupent aujourd’hui une bonne partie de son territoire, même s’il subsiste encore quelques vignes.
Le milieu naturel d’exception que représente l’estuaire de la Gironde est propice au développement d’une faune importante et variée. Parmi les poissons migrateurs, il convient de citer l’alose et la lamproie, espèces emblématiques des lieux, que l’on pêche au printemps. La pibale, le maigre et encore l’esturgeon européen ont adopté cet univers aquatique, profitant malgré eux des mesures de sauvegarde mises en place pour empêcher leur disparition.
Les marais de l’estuaire sont des sources de nourriture de première importance pour la centaine d’espèces d’oiseaux migrateurs (aigrette, héron cendré, cigogne blanche, linotte mélodieuse…) qui traverse cette région chaque année. Ces zones humides sont également des lieux de reproduction et d’hivernage.
L’estuaire accueille de nombreuses autres espèces animales, parmi lesquelles le vison d’Europe, la cistude ou encore le crapaud à couteaux, dont le nom est lié à ses tubercules à l’extrémité de ses pattes lui permettant de s’enfouir dans le sable pour passer l’hiver tranquillos.
Enfin, selon les études menées par le Conservatoire Botanique National du Sud Atlantique, près de 400 espèces de végétaux ont été recensées localement, dont l’angélique des estuaires et le sénéçon à feuille de barbarée, aujourd’hui protégé.
Le vignoble
Au regard de la superficie qu’il occupe en Gironde depuis déjà un très long moment, le vignoble peut finalement être considéré comme un paysage à part entière. Du Nord du Médoc au Sud-Est de la région des Graves, les vignes, parfaitement entretenues et alignées, se déploient sur 120 000 hectares et permettent, chaque année, la production de six millions d’hectolitres de vin, des chiffres assez réconfortants.
Six régions viticoles apparaissent sur la carte : le Médoc, les Graves, le Sauternais, l’Entre-deux-Mers, le Libournais et enfin le Blayais et Bourgeais.
Sur la rive gauche de l’estuaire puis de la Garonne, les vignes du Médoc, des Graves et du Sauternais profitent de reliefs peu marqués. Sur la rive droite de la Dordogne, le vignoble de Saint-Émilion et de Pomerol s’étire sur des terres plus vallonnées, à flanc de coteaux. Cette petite astuce naturelle permet de drainer le surplus d’eau après une bonne pluie, empêchant ainsi les racines de s’asphyxier.
À chaque région vinicole correspond un ou plusieurs cépages, en fonction de la nature du sol. Ainsi, le Médoc, les Graves et le Sauternais, plus à l’Ouest, profitent d’un sol graveleux acide, propice au cabernet sauvignon. Pour le Blayais, le Libournais et l’Entre-Deux-Mers, où le sol est essentiellement argilocalcaire, le cépage roi est le merlot.
D’autres cépages sont néanmoins utilisés, mais sur des surfaces plus restreintes : le villard noir, le petit verdot, le malbec ou encore le carmenère. Pour le vin blanc (20 % de la production vinicole), les viticulteurs privilégient le sémillon, le sauvignon ou encore l’ugni blanc.
On se doute aisément que l’univers des vins de Bordeaux est vaste et parfois complexe. En fonction de la région, de la nature des sols, du relief des paysages, du choix des cépages ou du savoir-faire séculaire, des dizaines d’appellations ont vu le jour (Saint-Estèphe dans le Médoc, Pessac-Léognan dans les Graves, Premières-Côtes-de-Bordeaux dans l’Entre-Deux-Mers, etc.). Nous vous faisons grâce de la classification des grands crus classés ou du classement des crus bourgeois du Médoc.
Les amateurs de bon vin et de jolis paysages sont chaque année plus nombreux à se laisser tenter par l’œnotourisme, afin d’affûter leur palais et d’aller à la rencontre des producteurs. Pour tous ceux qui auraient trop affûté leur palais et rencontré trop de producteurs, les opportunités d’hébergement sur la route des vins se multiplient. À moins que l’on ne préfère s’endormir à la belle étoile, en chantonnant : « Auprès de ma vigne, qu’il fait bon, fait bon dormir ! »
Les Landes de Gascogne
À l’Ouest de la Garonne, et courant jusqu’au littoral, les Landes de Gascogne occupent une superficie de 1,5 million d’hectares, dépassant allègrement la frontière entre Gironde et Landes.
Les millions de pins qui constituent la forêt ne sont pas le fruit d’une évolution naturelle, mais le résultat de la volonté d’un ingénieur tenace du Second Empire, François Jules Hilaire Chambrelent (FJH pour les intimes), soucieux de poursuivre le travail initié par Nicolas Brémontier en 1786. Brémontier, lui-même ingénieur, fut l’un des premiers en France à lancer une vaste opération de fixation des dunes littorales ou intérieures. Pour ces dernières, il fait planter des milliers de pins maritimes, protégés par des genêts.
Quelques décennies plus tard, Chambrelent pousse l’expérience plus loin. Il constate que le sous-sol imperméable, constitué de sables agglutinés par des sucs végétaux, est à l’origine des eaux stagnantes, surtout en hiver, lorsque les précipitations sont importantes. De fait, cette inondation hivernale et la sécheresse provoquée par les chaleurs d’été rendent le sol infertile. La végétation est composée de bruyères, de genêts et d’ajoncs.
Fort logiquement, l’ingénieur en chef en déduit que l’écoulement de ces eaux superficielles doit être la première étape de l’assainissement des sols. Hélas, la déclivité du terrain est très faible sur l’ensemble du territoire des Landes. La solution passe par le creusement de fossés de 50 à 60 cm de profondeur, en fonction des irrégularités du sol, suivant un « plan bien parallèle à la pente générale du terrain ». Ainsi, l’eau s’écoule régulièrement et le sol est enfin assaini.
Le problème de drainage réglé, FJH comprend que la culture de céréales n’est pas envisageable à court terme. Il faudrait, pour la rendre possible, ajouter au sol sableux un mélange d’argile et de calcaire. Qui plus est, les cultivateurs ne sont pas nombreux dans cette région pauvre et hostile. En revanche, la culture forestière, notamment de pins maritimes et de chênes, apparaît être une alternative crédible.
Ses premières expériences sont couronnées de succès et suscitent l’intérêt des propriétaires locaux. La célèbre forêt des Landes de Gascogne est en train de naître, et à une vitesse surprenante. En cinq ans, plus de 20 000 hectares sont transformés, modifiant le paysage et les habitudes ancestrales des habitants, finalement ravis de ne plus subir un environnement qui les pousse à la misère.
Séduit, l’Empereur Napoléon III en personne, à travers la loi de 1857, impose des travaux d’assainissement à grande échelle.
La culture des pins génère de nouvelles activités très lucratives, comme le gemmage et l’exploitation du bois, contribuant à améliorer les conditions de vie des villageois. Les bergers disparaissent progressivement, les échasses sont de moins en moins utilisées.
Créée et maîtrisée par l’homme, la forêt est paradoxalement une invitation à redécouvrir et à s’imprégner de la nature. Profondes, mystérieuses lorsque la brume s’invite, parfois monotones en raison de la prédominance du pin maritime (80 % de la surface), les Landes de Gascogne offrent pourtant une multitude de milieux naturels à celui qui prend le temps d’observer.
La rivière L’Eyre serpente dans cet univers particulier, dévoilant par endroits un tout autre décor, nourri de frênes, de catalpas et de peupliers. Les rives sont mangées par l’osmonde royale, une grande fougère, et les roseaux. Ici, c’est le territoire du héron cendré, du martin-pêcheur, de la foulque macroule, du bécasseau royal et d’une centaine d’autres espèces d’oiseaux migrateurs ou sédentaires.
La forêt se compose également de vallées luxuriantes, de clairières de cultures, d’airials ou se regroupent quelques maisons traditionnelles.
Ce monde à part est une invitation à la découverte, qu’elle se fasse avec de bonnes chaussures de marche, en VTT ou à bord d’un canoë. La sensation de liberté, de dépaysement et même d’aventure peut facilement être garantie.