« La forêt, cathédrale sans fin sous le ciel atlantique » – Alain Dubos, Landes de terre et d’eaux (éditions Passiflore).
Olivier Sorondo – 19 août 2017 – Dernière MAJ : le 23 août 2017 à 16 h 42 min
Si elle constitue l’identité première du département, la forêt des Landes de Gascogne, dont la superficie frôle certes les 70 % du territoire, ne saurait faire oublier la richesse des paysages et la diversité de ses 14 pays, regroupés au sein de trois grandes zones géographiques.
Le plateau landais
Localisé au Nord de l’Adour, le plateau landais, qui englobe les Grandes Landes, est essentiellement composé de forêts, affichant des paysages aux lignes horizontales et droites. Nous sommes ici aux confins des Landes de Gascogne, qui ont remplacé à partir du XIXe siècle, sous l’impulsion du botaniste Chambrelent, la lande pastorale et les zones marécageuses.
La monotonie des paysages, due à la surabondance des pins maritimes, n’est qu’apparence. « Si une vision superficielle de la forêt peut amener l’impression d’une profonde tristesse liée à celle d’une lassante uniformité, cette réaction est le résultat d’une totale méconnaissance du milieu. Dans l’atmosphère paisible de ces grands arbres qui se balancent doucement au gré du vent, il faut suivre les sentiers sinueux de sable fin que bordent les massifs de bruyère et de genêts, ou longer les petits ruisseaux d’eau limpide à travers les fougères. Au creux d’un vallon, découvrir une lagune pittoresque, au détour d’un chemin, une charmante clairière, et par une belle journée d’été, dans cette ambiance de calme et de solitude reposante, écouter le chant gracieux de la cigale ou celui du coucou » écrit avec majesté Philippe Soussieux dans son livre le Guide des Landes (éditions La Manufacture – 1986).
Les Hautes Landes – Crédit photo : Marie Anne ROBERT – Own work, CC BY-SA 4.0
Plus à l’est, la forêt finit par trouver sa limite et laisse la place à des paysages de coteaux, sur lesquels l’homme fait pousser la vigne depuis des siècles. Nous sommes ici dans la région du Bas-Armagnac, célèbre (et célébrée) dans le monde entier pour sa précieuse eau-de-vie.
Au nord du Bas-Armagnac se détache le pays de Gabardan, limitrophe du Gers, où l’on découvre la forêt de pins, appelée ici Petites Landes, mais aussi des terres dédiées à la polyculture. Les rivières y sont nombreuses et serpentent à travers les forêts avant de devenir plus encaissées dans les gorges calcaires à proximité de Roquefort, situées plus à l’ouest. La nature y est omniprésente et préservée, se partageant entre landes humides et landes sèches dédiées à la sylviculture, où genêts et bruyères constituent souvent un sous-bois harmonieux. Le pays peut se découvrir grâce à la dizaine de parcours de randonnées, empruntant parfois les voies de Saint-Jacques-de-Compostelle.
Les pays de l’Adour
À la différence des Landes de Gascogne, les pays de l’Adour profitent d’une terre fertile, où vallons et plaine alluviale dessinent des paysages changeants.
Sur la rive gauche de l’Adour, on embrasse les territoires du Tursan, de la Chalosse et du pays d’Orthe. Le relief y est plus marqué et annonce déjà le massif pyrénéen. Le point culminant se trouve à Lauret, à 234 mètres d’altitude.
Les coteaux forment une grande partie du paysage et ont contribué à développer l’activité agricole, notamment l’exploitation viticole, sous l’appellation des vins de Tursan (AOC), que l’on servait déjà à la table des empereurs romains.
On y trouve également de nombreuses rivières, qui prennent naissance à partir de l’Adour et de ses affluents.
La Chalosse, située plus à l’ouest, offre des paysages remarquables, composés de bois de feuillus, de vallées, de coteaux, de rivières (le Louts et le Luy) et de larges prés au sol argileux. Grâce au bocage, le pays dévoile une alternance de terres cultivées et de bosquets, composant de magnifiques panoramas.
Le littoral
Le littoral landais se prolonge sur plus d’une centaine de kilomètres, bordé d’un imposant massif dunaire, constamment surveillé et entretenu par l’homme afin de renforcer sa fixation et éviter que le sable ne s’engouffre vers l’intérieur des terres.
Au nord du département, à hauteur de Mimizan, les dunes sont dites anciennes et de forme parabolique, formées lorsque le niveau de la mer était plus bas que celui d’aujourd’hui. Elles offrent les conditions de pousse idéale aux fougères et arbousiers.
Plage de Mimizan – Crédit photo : Office Intercommunal de Tourisme de Mimizan
Viennent ensuite les dunes plus récentes et longitudinales, qui se sont élevées au fur et à mesure de la progression de l’océan, plus « mobiles » selon les passages venteux
Les villages historiques du littoral, dont l’activité était essentiellement axée vers l’exploitation forestière et la culture viticole (vin de sable), ont vu au cours du XXe siècle apparaître des stations balnéaires, attirées par le potentiel de ces longues plages. Chaque année, des dizaines de milliers de touristes viennent profiter du sable blond, du soleil chaud et de l’agréable fraicheur de l’océan Atlantique, oubliant parfois le danger que représentent les baïnes, dont la force du courant constitue un piège redoutable et souvent mortel.
Derrière les dunes s’impose la majestueuse forêt de pins maritimes, où l’on trouve quand même des chênes-lièges ou pédonculés. C’est le décor parfait pour une gentille randonnée en VTT sur l’une des innombrables pistes cyclables mises à la disposition du public.
On trouve également tout au long de la bande littorale de très nombreux plans d’eau, nés de la barrière que constituent les dunes aux rivières côtières. Des dizaines d’étangs et de lacs agrémentent ainsi les paysages, du sud au nord, où l’on trouve et apprécie les étangs de Cazaux et Sanguinet (idéaux pour la baignade des enfants), de Biscarrosse, le lac d’Aureilhan et le courant de Contis. Au sud, le lac de Soustons, le courant d’Huchet ou encore le lac marin d’Hossegor (considéré comme « un joyau serti dans l’ombre et la clarté », selon le poète Maurice Martin) s’offrent à la vue ébahie des visiteurs.
De la sculpture de la Dame de Brassempouy à la visite de l’empereur romain Auguste aux thermes de Dax, de la formidable saga de la famille d’Albret à la naissance de la forêt des Landes de Gascogne, le département affiche une histoire mouvementée et passionnante.
Olivier Sorondo – 18 août 2017 – Dernière MAJ : le 4 avril 2020 à 19 h 58 min
Des fouilles et des merveilles
Si la Dordogne doit beaucoup à l’abbé Breuil (1877-1961), surnommé à juste titre le pape de la préhistoire, le territoire des Landes a pu révéler ses richesses archéologiques grâce à la volonté et à l’abnégation de Jacques-François de Borda d’Oro (1718-1814), mathématicien et naturaliste, passionné de préhistoire, collectionneur de silex taillés et auteur d’une œuvre abondante sur les fossiles et les fondements de la paléontologie locale (1500 pages au moins à lire et sans aucune vidéo publiée sur YouTube. Dur).
Le mouvement initié par Borda d’Oro est repris par différentes personnalités, dont le capitaine Pottier (1836-1886), qui découvre en 1870 les abris préhistoriques de la falaise du Pastou, à Sorde-l’Abbaye, longtemps habités par les Magdaléniens.
Des fouilles plus minutieuses entreprises en 1874 révèlent la présence de quatre gisements : Duruthy, Grand Pastou, Petit Pastou et Dufaure. On y trouve les restes d’une trentaine de squelettes humains, au côté desquels gisent des outils en silex, en os et en bois de renne, des pointes de sagaie et des harpons, également fabriqués à partir de bois de cervidé.
Le gisement de Duruthy en particulier fait la joie des archéologues lorsqu’ils découvrent divers objets d’art, dont des éléments de parure, notamment ceux fabriqués à partir de dents d’ours et de lion, décorés et percés.
Près d’un siècle plus tard, entre 1958 et 1987, le professeur Robert Arambourou, chargé de recherche au CNRS, organise différentes fouilles dans les abris. Elles permettent de mettre à jour des trésors du Magdalénien, dont la célèbre statuette en grès d’un cheval agenouillé.
À quelques dizaines de kilomètres de Sorde-l’Abbaye, à Brassempouy, une découverte majeure va secouer le petit monde de l’archéologie. En 1894, Joseph de Laporterie et Édouard Piette recueillent plusieurs fragments en ivoire de statuettes féminines, dont la tête à capuche ou dame de Brassempouy, l’une des plus anciennes représentations de visage humain. La pièce n’est pas impressionnante par sa taille (36 millimètres de haut et 19 millimètres de large) mais par son histoire (-25 000 ans) et surtout par son élégance et la finesse de son travail. La bouche et les yeux ne sont pas gravés. En revanche, le menton, le nez et les arcades sourcilières sont en relief. Le quadrillage qui orne son crâne peut faire penser à une représentation capillaire.
L’œuvre a ému de nombreux scientifiques et écrivains tout au long des décennies et montré que les hommes et femmes de cette période étaient capables d’une vraie sensibilité artistique. Elle est aujourd’hui conservée au musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye.
Il semblerait que le territoire fût privé de présence humaine pendant de longs millénaires après la période glaciaire, jusqu’au Néolithique final.
Les archéologues ont retrouvé des pièces de l’âge du Bronze, comme des bracelets, des pointes de lance et des haches, ainsi que des traces de premières enceintes à bestiaux. Les découvertes relatives à l’âge du Fer correspondent essentiellement à des tumuli, qui abritent des pots de terre cuite enfermant des cendres humaines. Ces tumuli sont, entre autres, situés dans les régions de Pomarez, de Vicq d’Auribat ou d’Arboucave.
Conquête romaine, invasions barbares et occupation anglaise
À l’instar des autres départements de l’Aquitaine, la très longue période entre l’époque gallo-romaine et le Moyen-Âge ne fut pas forcément la plus joyeuse pour les Landes.
Avant l’invasion de l’Aquitaine par le général Crassus, en 56 av. J.-C., le futur département est occupé par quelques tribus d’origine celto-ibérienne : les Tarbelli dans la région de Dax et de l’Adour, les Tarusates dans le pays de Tartas, les Bercorates et les Aquitaniens au Nord de l’Adour, les Élusates et les Sotiates aux frontières du Gers et du Lot-et-Garonne.
La présence romaine est plus difficilement lisible dans les Landes que dans d’autres territoires du Sud-Ouest, à cause, peut-être, de son environnement difficile et sauvage, de la mauvaise qualité des terres empêchant de vraies ambitions agricoles et de l’omniprésence des marais. Les hommes y sont peu nombreux et les cités relativement modestes.
La ville de Dax (Aquae Tarbelli) échappe pourtant à la règle. Grâce à ses sources d’eau chaude, très appréciées des légions romaines, elle prend une ampleur conséquente. On y construit des thermes, un temple, des villas et autres lieux de villégiature. La visite de l’empereur Auguste, qui daigne en personne prendre les eaux avec sa fille, assure une large campagne marketing à la cité thermale, considérée comme the place to be au sein de l’Empire.
Même l’empereur Auguste daigna se rendre à Dax.
Au IIIe siècle, les Romains déploient une nouvelle organisation administrative qui, à l’échelle de l’Aquitaine, prend le nom de Novempopulanie, ou pays des Neuf Peuples. C’est une période importante pour le territoire des Landes, synonyme de multiples projets et travaux. Des voies principales sont construites entre Bordeaux et l’Espagne, permettant aux Landais de vendre des peaux, du fer, du millet ou encore du miel. Les cités se développent, à l’instar d’Aire-sur-l’Adour ou de Mont-de-Marsan, dont le nom est tiré du temple de Mars.
Des fermes d’exploitation font leur apparition. Sur le littoral, le business du coquillage se développe. De somptueuses villas sont construites dans le sud du territoire. La Pax Romana semble s’accompagner d’une vie plus prospère, agréable et mieux organisée.
Le problème avec les empires, c’est qu’ils finissent toujours par tomber, laissant planer la crainte d’un avenir un tantinet moins douillet. Ce fut précisément le cas dans les Landes comme dans les autres contrées de l’Aquitaine. Dès le Ve siècle, les invasions dites barbares se succèdent gentiment pendant quelques (très longs) siècles. Wisigoths, Gascons, Arabes, Normands… Et vas-y que je tue, et vas-y que je viole, et vas-y que je brûle et pousse-toi d’là que je m’y mette. Quel manque de tact, franchement.
Au IXe siècle, un système féodal se met en place au sein du duché de Gascogne, poussé par la nécessité de se protéger des multiples attaques des envahisseurs. Des forteresses, des « caveries », des « capacazaux » sont édifiés, au gré de la hiérarchie seigneuriale. Même l’Église s’implique dans la protection de ses ouailles en bâtissant des sauvetés, de petits asiles dédiés à l’accueil des plus miséreux.
Depuis son château de Labrit, la Maison d’Albret s’impose comme le fief le plus important de la Gascogne, dont certains membres de la famille accèderont à la royauté. Les Albret participent à la première croisade (1096-1099). Ils s’appuient sur leur relation privilégiée avec le pape Clément V, ancien archevêque de Bordeaux, choisissent de rester fidèles aux Plantagenêt ou de rallier le roi de France en fonction de la conjoncture.
En 1368, le roi Charles V marie sa belle-sœur Marguerite de Bourbon à Arnaud-Armanieu d’Albret dans l’espoir d’une alliance solide entre le royaume de France et la puissante contrée gasconne.
En 1470, les Albret héritent du comté du Périgord et de la vicomté de Limoges. Une quinzaine d’années plus tard, la Navarre rejoint le patrimoine familial grâce au mariage de Jean d’Albret et de Catherine de Foix. Parmi les treize enfants nés de cette union, Henri II d’Albret (né en 1503), roi de Navarre, épouse Marguerite d’Angoulême, sœur de François 1er. Leur fille Jeanne d’Albret entrera dans l’Histoire de France comme la future mère du roi Henri IV.
C’est l’apogée de la famille d’Albret. Après cinq siècles d’ascension, nourris de combats, d’ambitions et de calculs, ayant apporté richesse, pouvoir et vastes propriétés terriennes, la noble maison subira l’invasion du royaume de Navarre puis l’asphyxie progressive de sa puissance tout au long du XVIe.
Quelques siècles plus tôt, le mariage d’Aliénor d’Aquitaine et d’Henri Plantagenêt en 1154 a placé la Guyenne et la Gascogne sous suzeraineté anglaise. Les Landes sont dès lors administrées par le sénéchal de Gascogne. C’est une période troublée, synonyme de luttes incessantes entre rois et seigneurs locaux, entre Anglais et Français, entre Plantagenêt et Valois. Les tensions perdurent jusqu’en 1346, date du début de la guerre de Cent Ans, qui s’achèvera lors de la célèbre bataille de Castillon, en 1453. Les Anglais quittent définitivement le Sud-Ouest et le royaume de France.
Les guerres de religion d’abord, la Fronde ensuite
Le futur département paye un lourd tribut aux guerres de religion, du fait de la relation étroite entre le territoire et les Albret et de la proximité avec le Béarn, terre protestante. L’intransigeance de Jeanne d’Albret génère de fortes tensions et des combats sanglants. En 1569, la reine de Navarre fait appel au comte de Montgomery pour reprendre ses États occupés par les armées catholiques. Ce dernier s’exécute et reconquiert le Béarn, Saint-Sever, Mont-de-Marsan avec une rare cruauté, exécutant les prisonniers catholiques et brûlant des centaines d’églises, d’abbayes et de châteaux. L’intervention de Blaise de Montluc, maréchal de France et serviteur du roi Charles IX, met un terme aux ambitions du comte de Montgomery. En septembre de la même année, son armée s’empare de Mont-de-Marsan et massacre la garnison huguenote.
Blaise de Monluc, maréchal de France, pourfendeur du comte de Montgomery et des armées protestantes à Mont-de-Marsan.
L’édit de Nantes, promulgué par Henri IV en 1598, met un terme aux guerres de religion, particulièrement cruelles dans les Landes et en terres béarnaises.
Quelques décennies de quiétude relative s’installent dans le beau pays des Landes. Enfin l’espoir d’un avenir meilleur pour nos enfants ? Nan. La Fronde bouleverse le royaume de France à partir de 1648, alimentée par la crise économique, une pression fiscale sans cesse plus gourmande et la volonté du pouvoir d’imposer la monarchie absolue. Les révoltes locales se multiplient. En 1653, le colonel Balthazar tente d’envahir avec ses régiments la Chalosse, dont la défense est assurée par les troupes des seigneurs d’Aubeterre, de Candale et de Poyanne. Les combats affaiblissent la région. Entre 1663 et 1666, une nouvelle révolte chalossaise éclate à la suite de l’instauration de la gabelle. De petites bandes landaises, placées sous la protection du seigneur local, Bernard d’Audigeos de Coudures, n’hésitent pas à s’attaquer aux troupes royales, mettant à profit leur parfaite connaissance du terrain pour organiser des embuscades ou des attaques surprises.
La renaissance des Landes
Sous le Second Empire, un jeune ingénieur agronome, François Jules Hilaire Chambrelent, décide de poursuivre les travaux initiés en 1786 par Nicolas Brémontier, qui fut l’un des premiers à lancer une vaste opération de fixation des dunes littorales ou intérieures en vue de protéger davantage les terres situées à proximité de l’océan.
Chambrelent constate que le sous-sol imperméable facilite les eaux stagnantes en hiver et la sécheresse en été et contribue à rendre le sol infertile, poussant de fait les habitants à une vie difficile, pour ne pas dire miséreuse, cantonnée à l’élevage de moutons (on en comptait près d’un million en 1850 !).
L’ingénieur parvient à organiser un système de drainage des eaux superficielles, en creusant des fossés d’écoulement dans la couche d’alios. Le sol est ainsi assaini, mais n’autorise pas pour autant la culture de céréales. Le salut passera donc par la culture forestière, et particulièrement celle de pins maritimes, parfaitement adaptés à l’environnement géologique. En cinq ans, plus de 20 000 hectares se transforment, donnant naissance à la future forêt des Landes de Gascogne.
Impressionné par le succès de la démarche, l’empereur Napoléon III impose, à travers la loi du 19 juin 1857, un vaste programme d’assèchement des zones marécageuses afin de favoriser leur mise en exploitation.
Les plus curieux pourront lire le roman Maître Pierre, écrit par Edmond About en 1858, qui relate cette formidable aventure.
Une nouvelle activité économique se développe autour du pin maritime, à l’instar de l’exploitation de bois et du gemmage. Le massif forestier ne cesse de s’étendre au fil des années, marquant la fin de l’agropastoralisme et la disparition progressive du célèbre berger landais dominant son troupeau de moutons du haut de ses échasses.
La relation entre l’empereur et le département des Landes est décidément étroite puisqu’en 1861 la commune d’Eugénie-les-Bains voit le jour, en hommage à l’impératrice, habituée à passer quelques jours dans cette petite cité thermale réputée lors de ses déplacements à Biarritz.
Chapelle Notre-Dame-du-Rugby : priez pour nous, pauvres plaqueurs
Dans le Sud-Ouest, le rugby dépasse souvent le cap de la passion pour atteindre celui de la religion. Il était donc logique qu’une chapelle lui soit entièrement dédiée.
Olivier Sorondo 13 avril 2016 – Dernière MAJ : le 14 novembre 2020 à 15 h 55 min
Crédit photo: Jibi44 – CC BY-SA 3.0
Comme un pèlerinage
Pour peu que l’on soit amateur de rugby, et surtout de rugby local, avec l’accent, les entraînements deux fois par semaine après le boulot, les bourre-pif encore vivaces pendant le match du dimanche, se rendre au village de Larrivière Saint-Savin, au cœur des Landes et du vignoble du Tursan, s’apparente en quelque sorte à une initiation. C’est un peu le sentiment de franchir une étape, c’est surtout la certitude que sa passion est sincère et entière.
On a d’ailleurs le cœur qui bat un peu plus fort en empruntant la très, très étroite route de la Chapelle, qui grimpe joliment tout en serpentant au milieu de la nature et qui finit par nous déposer devant un édifice modeste mais chaleureux, petit mais convivial, parfaitement entretenu et faisant honneur à sa réputation : la chapelle Notre-Dame-de-Rugby.
L’œuvre d’un abbé passionné
C’est à l’abbé Michel Devert, originaire de Mézos, une bourgade landaise située à 70 kilomètres plus à l’Ouest, que l’on doit le projet de la chapelle. Déjà très impliqué auprès des jeunes, et donc du rugby, l’abbé apprend avec tristesse la mort de trois rugbymen de l’US Dax en 1964, victimes d’un accident de la route au retour d’un match amical contre le CA Bordeaux-Bègles : Jean Othats, Émile Carrère et Raymond Albaladejo. La douleur est d’autant plus vive que les trois jeunes hommes avaient fréquenté son patronage à Dax.
« Le monde du rugby aura sa Chapelle bien à lui, pour veiller sur ses rudes gars, les protéger du mal, les aider dans leurs difficultés ; avoir la garantie de la protection divine, savoir ou demander la lumière quand l’épreuve surgit, n’être plus seul dans la lutte quotidienne, se retrouver sous le regard de Notre-Dame, n’est-ce pas une sécurité et l’une des joies de la terre ? Ce supplément d’âme qu’apporte la vie religieuse, je voudrais l’offrir en toute liberté au monde du Rugby ! » écrit alors l’abbé.
L’homme avait déjà repéré cette petite chapelle abandonnée sur les hauteurs de Larrivière Saint-Savin. Il prend la décision de défricher son proche environnement dès 1960 avec le projet d’offrir au rugby un lieu de dévotion. L’accident tragique conforte son dessein. Il obtient l’autorisation du secrétariat d’État à la Jeunesse et aux Sports un mois seulement après l’accident puis celle de la FFR.
Les travaux de réfection, financés grâce à l’organisation de matches réunissant des équipes de l’élite, se poursuivent pendant quelques années. Le 26 juillet 1967, Robert Bézac, évêque de Dax, inaugure la chapelle en y célébrant une messe. L’abbé Devert profite de l’évènement pour donner lecture de la prière qu’il vient de rédiger :
« Prière à Notre-Dame-du-Rugby
Vierge Marie qui avez enseigné votre Enfant Jésus à jouer sur vos genoux, veillez maternellement sur nos jeux de grands enfants.
Soyez à nos côtés lorsque la passion du jeu nous prend tout entier et qu’il faut malgré tout, garder la maîtrise de soi et maintenir au jeu toute sa noblesse. Soyez à nos côtés pour soutenir nos forces et nos volontés tendues vers la victoire.
Mais aussi, soyez avec nous, dans la terrible mêlée de l’existence, afin que nous sortions vainqueurs du grand jeu de la vie, donnant l’exemple, comme sur le terrain, du courage, de l’entrain, de l’esprit d’équipe en un mot d’un idéal à l’image du Vôtre.
Amen. »
Les couteliers enrichissent et diversifient leur production, au-delà du simple couteau. Ainsi, des ciseaux, des rasoirs et même des sécateurs commencent à sortir des ateliers.
Un édifice dédié à Marie et au rugby
La chapelle a pu profiter, pendant quelques années, de travaux supplémentaires grâce à la bonne volonté des amateurs de rugby, comme l’édification du clocher en 1971. L’intérieur a été progressivement rénové, au gré des fonds, contribuant à rendre le lieu fidèle à l’ambition de l’abbé.
Lorsque l’on pénètre dans l’édifice, le regard est immédiatement attiré par les quatre vitraux originaux. Le premier, « La Vierge à la touche » a été réalisé en 1969 par Pierre Lisse, alors capitaine du Stade Montois. Le suivant, « Le joueur blessé », est l’œuvre de l’artiste Patrick Geminel, ancien militaire et lauréat du Prix de Rome. Enfin, les deux derniers vitraux sont nés de la main d’Alfred Henquinbrant et s’intitulent « La Vierge aux Pèlerins » et « La Vierge au-dessus de la mêlée ».
Le visiteur peut également admirer les deux statuettes, dont celle de « Notre-Dame-de-Rugby », placée à l’extérieur, juste à côté de l’entrée, que l’on doit également à Pierre Lisse. La seconde « La Vierge à l’enfant », toute dorée, domine l’autel et accompagne de son regard bienveillant les nombreux amateurs de ballon ovale qui visitent les lieux chaque année.
Bien sûr, l’attrait majeur de la chapelle reste son impressionnante collection de maillots, donnés par des joueurs de tous les horizons, inconnus ou célèbres, d’équipes locales ou internationales, vivants ou décédés. Certains ont été portés lors de compétions majeures, d’autres au cours de matches de Fédérale 3. Parfois, une note manuscrite signée d’un joueur célèbre est épinglée sur le maillot.
L’édifice retrouve sa vocation religieuse à travers le reliquaire exposant les maillots et affichant les photos de jeunes joueurs décédés trop rapidement.
Posé sur l’autel, un livre d’or permet à chacun de laisser ses réflexions, impressions et mêmes ses prières avant un match important.
Plus de 10 000 visiteurs chaque année
Le succès dépasse l’estime puisque pas moins de 12 000 personnes décident chaque année de se rendre à Larrivière. La mairie s’est adaptée à cette affluence bienvenue et à la générosité des joueurs en décidant de la construction d’un petit musée du rugby, en 2010, juste à côté de la chapelle, où l’on peut découvrir plus de 500 maillots supplémentaires, mais aussi des chaussures, des ballons, des trophées, des fanions et des photos d’équipes. De nombreux dons sont le fait de personnes souhaitant rendre hommage aux disparus, de parents ayant perdu leur enfant.
Le musée a également pu compter sur la générosité et l’abnégation de Morgan Bignet, un ancien gendarme passionné de ballon ovale qui a pu, avec l’aide son entourage, collecter des maillots du monde entier avant d’en faire don.
Les amateurs de rugby les plus fervents participent au pèlerinage annuel, organisé chaque lundi de Pentecôte. La journée est l’occasion d’assister à la messe organisée sur la petite esplanade devant la chapelle et de partager son repas au cours du pique-nique qui suit le verre de l’amitié. C’est surtout l’opportunité de rendre un vibrant hommage à l’abbé Devert, décédé en 2012 à l’âge de 88 ans et qui repose juste à côté.
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