Le lac de Bordeaux est-il naturel ?
Site incontournable du paysage urbain, le lac de Bordeaux est bien né de la main de l’homme, après quatre ans de chantier entre 1962 et 1966.
Les marais comme lieu de vie
Le nord de Bordeaux a été, pendant des siècles, occupé par de vastes marais. Au Moyen-Âge, ces espaces permettaient de nombreuses activités, au prix d’aménagements hydrauliques. Une zone accueillait ainsi une vigne, qui profitait du bourrelet alluvial, alors qu’une autre était transformée en pâture.
La bande marécageuse, appelée « la Palu de Bordeaux », restait très importante et s’étendait des remparts de la ville jusqu’à Parempuyre, en passant par Eysines, Bruges et Blanquefort. On la retrouve d’ailleurs en partie sur l’emplacement actuel de la réserve naturelle de Bruges.
À la fin du 16e siècle, le roi Henri IV décide de l’assèchement du marais de Bordeaux. On le considère comme un lieu hostile, dont les eaux stagnantes contribuent à propager les maladies, comme la peste. Pourtant, les terres de la Palu sont réputées pour leur fertilité, à la condition d’assurer un drainage permanent.
Le roi définit lui-même les plans d’assainissement et fait appel à Van Peule et Conrad Gaussens, deux Flamands expérimentés.
La construction des premières digues constitue le point de départ des travaux d’assèchement, qui se poursuivent jusqu’au 17e siècle.
Trois siècles plus tard, les marais couvrent une superficie de 3000 hectares, infestée de moustiques en été et inondée en hiver. C’est bien ce constat qui suscite la réflexion sur un ambitieux projet de construction, dès les années 1930.
Un lac pour remplacer une zone marécageuse
L’architecte Cyprien Alfred-Duprat est le premier à envisager la création d’un lac artificiel, qu’il relate dans son ouvrage « Bordeaux Visions d’avenir », publié en 1930. Séduit par le projet, le maire finit par y renoncer en raison des coûts trop élevés.
Il faut attendre l’année 1958 pour que la municipalité acquière 1000 hectares d’espaces inondables au nord de Bordeaux. La crue de 1952, exceptionnelle, a laissé de mauvais souvenirs.
Le souhait du maire Jacques Chaban-Delmas, également président de l’Assemblée nationale, est donc d’anticiper au mieux les débordements de la Garonne et d’urbaniser cette partie de la ville, composée de quelques dizaines de maisons.
Lauréat du concours, l’architecte Xavier Arsène-Henry se voit confier la mission de dessiner puis d’aménager la future zone de Bordeaux Lac.
Le chantier, initié en 1962, se prolonge jusqu’en 1966, au prix d’efforts soutenus et d’aléas nombreux. Le futur lac est creusé par dragage, nécessitant l’emploi d’une puis finalement de trois dragues. Des bulldozers délimitent les contours du lac en montant des digues de 3 mètres.
Les dragues doivent souvent s’arrêter du fait que leur pompe aspire en permanence la végétation des lieux (surtout composée de roseaux), qui finit par créer un bouchon.
Pendant l’hiver 1962, particulièrement froid, le responsable du dépôt, à bord de l’une des dragues, tombe à l’eau. Son corps n’est retrouvé qu’en avril 1963, à cause de l’épaisseur de la glace.
En 1963, les pompiers de Bordeaux sont chargés d’attraper les carpes du bassin de la place Gambetta puis de les transporter sur le site du lac. Quelques poissons ne supportent pas l’acidité de l’eau, mais la plupart survivent et s’adaptent, très contents de profiter d’un environnement moins exigu.
Le dragage se poursuit jusqu’en 1966. Au final, plus de 18 millions de m3 de sable et de graviers sont prélevés, permettant de surélever le site afin de ne plus subir la colère de la Garonne sur la rive gauche.
Étendu sur 160 hectares, le lac a profondément changé la physionomie du nord de Bordeaux. Sa création a représenté la première partie du vaste chantier, qui incluait aussi de nombreux aménagements.
Naissance de Bordeaux Lac
Si le joli lac de Bordeaux représente l’identité des lieux, il n’en constitue qu’un élément. Le projet de Xavier Arsène-Henry, très ambitieux, s’est nourri de diverses constructions, dont celle du parc des expositions. Édifié en 1969, il est considéré comme le plus grand hall de France, long de 861 mètres.
Sa construction visait à mieux accueillir la Foire internationale de Bordeaux, qui souffrait d’un emplacement trop restreint sur la place des Quinconces.
Bordeaux Lac n’a cessé d’évoluer au fil des années et des décennies. Les premiers logements sortent de terre à la fin des années 1960, que vient agrémenter le parc floral sur une superficie de 33 hectares. Cet attrait des espaces verts se confirme en 1975, année d’inauguration du bois de Bordeaux, entièrement créé par l’homme sur 87 hectares.
Le casino théâtre Barrière est quant à lui construit en 2004. En plus des salles de jeux, il offre une salle de spectacle de 700 places. Le camping international ouvre ses portes en juin 2009, fort de 193 emplacements et résidences de loisirs.
Pour de nombreux Bordelais, Bordeaux Lac signifie le vaste centre commercial, au côté duquel se dresse l’enseigne Ikea.
Les dernières réalisations marquantes sont bien sûr le nouvel écoquartier Ginko et le stade Matmut-Atlantique.
Outre les nombreuses activités sportives que son environnement permet (aviron, golf, voile, cyclisme, course), le lac de Bordeaux profite d’une plage de sable blanc, propice à la baignade sitôt les beaux jours venus.
Les marais semblent bien loin.