Le Pousse Rapière, apéritif gascon (encore) trop méconnu

A l’instar du Floc de Gascogne, le Pousse Rapière s’impose comme un apéritif authentique et goûteux, à même de séduire un public plus large.

bouteilles de pousse rapière
Nouveau design pour le Pousse Rapière, prêt à conquérir de nouveaux marchés - Crédit photo: Château Monluc

Le château Monluc, fief du Pousse Rapière

À quelques kilomètres au sud de Condom, dans le Gers, le village de Saint-Puy profite d’une vue exceptionnelle. Juché sur une colline, il accueille le château de Monluc, dont la première pièce fut posée il y a près de dix siècles.  L’édifice a bravement traversé les péripéties de l’Histoire. Il subit pourtant les assauts du comte d’Armagnac en 1272, qui l’assiégea et le brûla en partie après le refus du Comte de Gaure de le lui céder. Fort heureusement, le château fut reconstruit sous l’impulsion du roi de France, Philippe le Hardi.

En 1425, le roi Charles VII fait cadeau du comté de Gaure à son cousin Charles d’Albret. Ce dernier offre le château en 1470 à son maître d’hôtel, Pierre de Lasseran-Massencôme, Seigneur de Monluc, rattaché à la Maison de Montesquiou.

C’est dans cette vaste demeure que naît Blaise de Monluc en 1500. L’homme connaît une carrière militaire brillante grâce à sa fougue et à son entière dévotion aux rois de France. Il reçoit d’ailleurs le titre de maréchal de France en 1574, au crépuscule de sa vie.

Surtout, Blaise de Monluc a ramené des guerres d’Italie une longue et fine épée, la rapière, particulièrement appréciée des Gascons. Légère et tranchante, elle se révèle redoutable au combat, à la différence des lourdes épées du Moyen-Âge. Il était d’usage de « pousser la rapière » sur l’ennemi.

chateau de Monluc
Le château de Monluc, à Saint-Puy - Crédit photo: Google Street View

Le seigneur de Monluc profite aussi sur ses terres de la culture des vignes, introduite par les Romains en Gascogne. Au 15e siècle, les vignerons commencent à distiller une partie de leur production et donnent naissance à l’armagnac.

Ces éléments historiques ne laissent pas de marbre René Lassus, l’héritier du château de Monluc. Issu d’une famille de vignerons, il entreprend de champagniser les vins de son vignoble, en considérant qu’ils pourraient joliment se marier avec un fond d’armagnac.

Sa démarche s’inspire d’une recette familiale, qu’il entend améliorer. Il a ainsi la bonne idée d’aromatiser la liqueur d’armagnac à l’orange amère, dont toutes les saveurs se révèlent dès lors qu’on y ajoute un vin gascon brut et mousseux.

Une création et une fierté gasconnes

L’année 1961 voit donc naître un nouvel apéritif qui revendique son origine et son terroir. René Lassus le surnomme Pousse l’Amour et limite sa diffusion auprès de ses amis, dont ceux de la Compagnie des Mousquetaires d’Armagnac.

Néanmoins, le divin breuvage suscite un tel enthousiasme qu’il envisage de le commercialiser. Il réfléchit à un nouveau nom et se tourne presque naturellement vers l’histoire du seigneur de Monluc, redouté en son temps grâce à son maniement de la rapière. C’est ainsi qu’il choisit le terme de Pousse Rapière avant de partir à l’assaut des clients.

Son concept, consistant à marier la liqueur d’armagnac au vin brut produit selon la méthode traditionnelle champenoise, fait mouche. « Son succès tient au fait que les deux composants sont élaborés, dès l’origine, dans le souci de réaliser un mélange équilibré. Le vin et la liqueur sont faits l’un pour l’autre, à partir du même terroir, du même vignoble et leur mariage est le plus naturel et heureux qui soit » expliquait Noël Lassus, le fils de René, à Sud-Ouest en 2011.

La liqueur d’Armagnac est ainsi préparée avec le jus issu de la macération des zestes d’orange amère et une pointe de sirop de sucre. L’orange apporte ce goût inimitable au Pousse Rapière.

Il convient également d’utiliser, si l’on souhaite pleinement profiter de l’apéritif gascon, le vin sauvage produit par le château de Monluc. Issu du même vignoble, il se compose des mêmes cépages blancs que celui de l’armagnac, le gros manseng et l’ugni-blanc. La première cuvée permet la fermentation du raisin. La seconde fermentation intervient lors de l’assemblage final, au cours duquel sont ajoutées de la liqueur de sucre et des levures. L’opération permet de donner naissance aux bulles, après élimination des levures mortes et leur remplacement par une « liqueur de tirage ».

Dans un souci de qualité, l’assemblage se nourrit de vins produits au cours de l’année, mais aussi de ceux des deux années précédentes

Il en résulte un vin mousseux brut, à la saveur vive et au léger goût de citron.

Le Pousse Rapière fête ses 50 ans

Déjà un demi-siècle d’existence pour l’apéritif gascon, quelquefois imité, mais jamais égalé. Sa dégustation obéit à une règle simple : 1 volume de liqueur de Pousse Rapière pour 6 volumes de vin sauvage, sorti du réfrigérateur. On peut y ajouter un quart de rondelle d’orange.

En l’absence de vin sauvage, un autre vin mousseux peut être utilisé, à la condition qu’il soit brut. Un vin demi-sec ou doux ne conviendrait pas, du fait que la liqueur d’armagnac est déjà sucrée.

Malgré ses indéniables qualités gustatives, le Pousse Rapière peine à rencontrer un plus large public, qu’il mérite pourtant. Le précieux nectar reste surtout distribué dans le Sud-Ouest du pays. Le château Monluc écoule ainsi 150 000 bouteilles chaque année.

affiche pousse rapière
Le Pousse Rapière et son vin sauvage avant leur relooking.

Si la vente en ligne peut contribuer à améliorer les ventes, les propriétaires du domaine consentent des efforts en matière de marketing et de promotion commerciale. Le château Monluc a ainsi rejoint le Club des marques en 2018, qui regroupe d’autres maisons d’armagnac, en vue de développer son activité à l’export.

Le design a également été entièrement revu, donnant naissance à une bouteille en verre noire, sur laquelle se détache une étiquette relookée.

Autre nouveauté, le Pousse Rapière se décline désormais selon trois degrés d’alcool différents : 20, 24 et 36 degrés, signalés par une couleur différente de l’étiquette.

Enfin, la liqueur orangée est aujourd’hui commercialisée sous deux formats de bouteille (70 et 35 cl) afin de mieux répondre aux attentes des consommateurs.

Le produit ne change pas, heureuse conclusion d’une recette familiale toujours gardée secrète. Tout comme le Floc de Gascogne, le Pousse Rapière offre une alternative singulière lorsque sonne l’heure de l’apéritif. Il promet un plaisir sincère de dégustation, et, surtout, toute l’authenticité d’un pays dédié à l’art de bien vivre.