AOC Rosette, vin blanc résistant

Menacés de disparition dans les années 1950, les vins de l’appellation Rosette, en terres bergeracoises, traversent le temps en toute discrétion.

Vignoble de l'AOC Rosette
Un cadre d'exception pour un vin rare et précieux - Crédit photo: Pays de Bergerac Tourisme - Flickr

Un vignoble installé depuis… 1322

Partir à la conquête des vins et appellations de Bordeaux et du Sud-Ouest impose une solide motivation tant leur diversité est grande. Si les vins prestigieux du Médoc ou charpentés de Madiran jouent les têtes d’affiche, d’autres se détachent de toute ambition de célébrité.

Ainsi, le vin blanc moelleux de l’AOC Rosette poursuit son bonhomme de chemin à travers les siècles. Son territoire correspond à celui délimité en 1322 sous l’appellation de « Vinée de Bergerac ». La vinée aurait d’abord correspondu à la fusion du vignoble du châtelain de Bergerac et de celui de la paroisse de Saint-Martin, avant de s’étendre plus au sud en 1495.

Malgré la modestie de sa surface de production, le Rosette profite pleinement du commerce des vins aquitains vers l’Angleterre pour asseoir sa réputation. Du 17e au 18e siècle, le développement du commerce avec la Hollande lui permet de contribuer au rayonnement des vins du Sud-Ouest, en apportant sa touche souple et moelleuse.

En 1881, la crise du phylloxéra ravage le petit vignoble, comme tous ceux de France. Les quelques pieds survivants ne résistent pas aux terribles gelées hivernales un an plus tard.

Replantées, les vignes reprennent leur existence confidentielle, à l’ombre des fameux Monbazillac et Pécharmant, leurs voisins de terroir. Tout vient à point à qui sait attendre, car en 1946 un décret hisse le Rosette au rang d’AOC, en récompense de sa qualité et de sa singularité.

Hélas, l’appellation ne contribue pas vraiment à son essor commercial. Jusqu’aux années 1980, sa consommation dégringole. Éloigné des attentes du public, à une période où la publicité impose la notoriété à ceux qui peuvent se l’offrir, le vignoble se contracte. La densification urbaine de Bergerac grignote aussi son territoire.

Il faut toute l’énergie d’une petite équipe de viticulteurs rapatriés d’Afrique du Nord pour lui éviter de disparaître.

Continuer d’exister

L’appellation Rosette dépend d’une aire de production délimitée entre les communes de Bergerac, Creysse, Ginestet, Lembras, Maurens et Prigonrieux. Le vignoble est installé sur les coteaux de la rive droite de la Dordogne, dans un environnement enchanteur composé de collines et de massifs forestiers.

carte du vignoble de Bergerac

Sa superficie officielle s’étend sur 125 hectares, mais seule une quarantaine est actuellement exploitée. La surface reste certes modeste, mais elle s’est étirée depuis les années 2000. En 2008, elle ne dépassait pas les 11 hectares. Le vignoble a su échapper à une disparition lente et inéluctable.

Il profite de sérieux atouts pour justifier sa survivance. D’abord, le microclimat qui couvre cette petite zone de la Dordogne se révèle particulièrement bien adapté à la maturité du raisin. Protégées par un amphithéâtre de collines et plantées sur des coteaux baignés de soleil, les vignes profitent de conditions précieuses.

Ensuite, le sol se compose de sables argileux, d’alluvions et de graviers charriés par la rivière. Riche en fer et en minéraux, il se réchauffe rapidement au printemps, aidé par les coteaux drainants.

Enfin, les trois cépages de l’AOC Rosette (sémillon, sauvignon et muscadelle) restent particulièrement appréciés des consommateurs, justifiant leur pérennité. Ils contribuent à singulariser le Rosette, considéré comme un blanc moelleux et non pas liquoreux.

Aujourd’hui, une dizaine de viticulteurs se consacre à l’appellation. Ils procèdent au passerillage pour obtenir une bonne surmaturation des grains et s’assurer d’une teneur en sucres résiduels suffisante.

Les vendanges sont lancées avant l’apparition du botrytis (ou peu après selon les parcelles) et suffisamment tôt pour conserver la fraîcheur, l’acidité et l’arôme des raisins. Toute l’identité de l’AOC Rosette tient en cette alchimie entre grains suffisamment sucrés et récolte pas trop tardive.

Les raisins sont pressés immédiatement et la fermentation alcoolique se produit en quatre à cinq jours. Le breuvage est ensuite conservé deux à trois mois en cuve ou barrique avant d’être embouteillé.  

La production reste modeste, pour atteindre les 14 000 bouteilles les années fastes.

Un plaisir forcément rare

Il n’est bien sûr pas envisageable de trouver des bouteilles d’AOC Rosette dans son supermarché de quartier, à moins, peut-être, d’habiter Bergerac et ses environs.  Le vin sait se faire discret pour encore mieux se faire désirer.

Les amateurs chanceux apprécient le travail d’assemblage effectué par les vignerons, signature d’un vrai savoir-faire.

À l’œil, le vin dévoile une robe pâle et un jaune paille aux reflets dorés.

Au nez, « les premières senteurs dévoilent un bouquet complexe où les fleurs blanches, l’acacia et le chèvrefeuille en tête, rencontrent les agrumes. À cela s’ajoutent des notes de mangue et d’ananas pour une pointe d’exotisme et de savoureuses touches de poire » écrit Le site spécialisé Tout le Vin.

Des notes anisées ou mentholées peuvent parfois se dévoiler, renforçant le sentiment de fraîcheur.

En bouche, le sucre apporte une sage onctuosité au nectar, en bon équilibre avec la fraîcheur. « Le sémillon apporte la structure, le gras, l’onctuosité, et le sauvignon, la fraîcheur aromatique. On retrouve l’alliance de notes suaves de fruits exotiques et de nuances plus fraîches d’agrumes, qui soulignent la vivacité de la finale » précise le Guide Hachette des Vins.

Le Rosette s’apprécie bien sûr à l’apéritif, servi entre 8 et 10°. À table, il accompagne les volailles, les fruits de mer, les poissons en sauce, le foie gras, les plats truffés ou encore les formages à pâte persillée.

Sa dégustation rend hommage à sa longue histoire, parfois tourmentée. Considéré comme élégant et de grande distinction, le Rosette continue d’exister vaille que vaille et en toute confidentialité.