Côtes du Marmandais : des vins méconnus et précieux

La région de Marmande, réputée pour ses tomates charnues et savoureuses, pourrait l’être davantage grâce à ses vins.

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Le jour se lève sur le vignoble: Crédit photo: Cave du Marmandais

Catalogué parmi les vins du Sud-Ouest

C’est le destin de tous les vignobles régionaux qui n’entrent pas dans le périmètre de Bordeaux. Leur existence propre, leur histoire, leur particularité et leur qualité dépendent en premier lieu d’une classification générique et un peu floue. Il convient donc de se pencher sur la carte viticole pour mieux identifier la trentaine d’appellations AOC et/ou AOP du Sud-Ouest, parmi lesquelles figure presque modestement celle des Côtes du Marmandais.

Elle rejoint d’ailleurs les autres appellations du Lot-et-Garonne, à l’instar du Brulhois, de Buzet et des Côtes de Duras, permettant au département de s’imposer comme une terre viticole à part entière.

logo côtes du marmandais

Un vignoble à la superficie modeste

Si le vignoble bordelais s’étend sur près de 118 000 hectares, celui des Côtes du Marmandais ne dépasse pas les 1320 hectares, agencés sur les deux rives de la Garonne.

On dit de la rive gauche qu’elle est terre de Gascogne. Son paysage se compose de vastes plaines et de collines à pente douce. Le sol repose sur une grave perméable que viennent enrichir des couches d’argile, des marnes bleues et grises et des gros sables, propices au drainage.

La rive droite, ou terre de Guyenne, se distingue par ses coteaux abrupts, dont la géologie révèle des épaisseurs de molasses argilocalcaires.

À chaque nature de sol correspondent des cépages particuliers, qui contribuent à considérer les deux rives comme deux terroirs distincts et complémentaires.

Avant tout, la variété des cépages

« Le Marmandais est caractérisé par des vins d’assemblage. Nous ne pouvons pas faire du Marmandais en monocépage, il faut forcément associer au minimum deux cépages. » Interviewé pour le site Vins et Variations, Fabien Tarascon, vigneron, résume bien l’esprit qui prévaut en terre lot-et-garonnaise.

Ici, les cépages sont nombreux et variés. Le cabernet franc, le cabernet sauvignon et le merlot, qui représentent 85% de l’encépagement, doivent aussi compter avec le malbec, la syrah, le fer servadou et le gamay.

Si tous contribuent peu ou prou à apporter cette touche particulière aux vins locaux, l’abouriou peut se targuer d’être le chef de file de l’assemblage et la mascotte du Marmandais.

Cépage endémique, sauvé et choyé par les producteurs, « il peut accoucher de vins très fruités, aux parfums de baies noires (cassis, mûre, myrtille), parfois enrobés de notes boisées à la suite d’un élevage en barriques assez fréquent. La bête demande à se patiner avant d’être bue, elle est musclée et ses épaules peineraient à passer la porte du palais. Fine sur la rive droite, elle gagne en charpente sur les graves » écrit fort joliment Ophélie Neiman dans Le Monde (25/08/2019).

Même s’il ne représente que 10% de la production, le blanc se nourrit des cépages sémillon, sauvignon blanc et sauvignon gris.

Le rôle central joué par la Cave du Marmandais

L’AOC, obtenue en 1990, a-t-elle contribué à installer progressivement la Cave du Marmandais, née de la fusion de la Cave du Cocumont (rive gauche) et de la Cave de Beaupuy (rive droite) ?

Il n’empêche que depuis 2003, elle regroupe 90% de la production locale, assurée par une centaine de vignerons. Cette concentration ne perturbe pas la qualité intrinsèque des vins ni la subtilité de l’assemblage. Le rôle de la coopérative consiste avant tout à installer les Côtes du Marmandais parmi les appellations dignes d’intérêt et à assurer une meilleure communication auprès du public.

Une petite dizaine de producteurs indépendants poursuit la même démarche, convaincus du potentiel de leurs vins. Ainsi, Elian Da Ros mène un combat sans répit en faveur de l’excellence depuis son installation en 1998. Ses vins sont aujourd’hui inscrits sur la carte de 120 restaurants étoilés et continuent d’être recherchés par des amateurs du monde entier.

« J’ai commencé à vendre mes vins à des sommeliers qui avaient la niaque, comme moi. Ils ont apprécié que je leur propose quelque chose de différent. Ce sont vraiment eux qui ont été la clé de la reconnaissance de mes vins. Les jeunes chefs, surtout, ne sont pas des buveurs d’étiquette, ils n’ont pas d’a priori » déclare-t-il à Laure Gasparotto, du Monde (19 juin 2019).

Aucun complexe face aux bordeaux

« Les vins produits ici ont leur typicité et c’est comme ça qu’on les aime. Vouloir essayer d’élaborer un vin typé « bordeaux » est selon nous une erreur, peut-être pas d’un point de vue commercial, mais très certainement d’un point de vue de l’intérêt gustatif. » Ce court passage tiré du site spécialisé Le Guide Vigne-Vin semble résumer l’esprit qui prévaut chez les vignerons marmandais.

La richesse des cépages autorise il est vrai la revendication d’une production singulière. Elle naît de la liberté de création lors de la phase d’assemblage.

« Nous avons une grande diversité de profils de vins. Nous pouvons aller sur des vins croquants, des vins copains, mais aussi des vins plus structurés » déclare à ce titre Fabien Tarascon.

Même discours chez Emmanuelle Piovesan, vigneronne elle aussi : « Il y a une trame au Marmandais, mais qui est en fait très diverse. On va trouver des choses très différentes chez les mêmes producteurs, entre les cuvées, ou d’un vigneron à l’autre. Je pense que c’est presque à l’infini au niveau de ce que l’on peut faire. »

Des critiques plutôt flatteuses

En rouge, les vins affichent une robe intense et profonde. « En bouche, c’est un vin à l’attaque franche, à la matière dense et à la structure fine, une belle rondeur qui enveloppe le tout, pas de lourdeur, car l’acidité et de très grande qualité. Les tanins sont fermes, fins, mais sont là pour donner au vin une tenue et pour le maintenir dans le temps, car c’est un vin qui est prédisposé à la garde » indique le site Guide Vigne-Vin.

Pour le Guide Hachette des Vins, « la matière est ronde, ample, sans excès, avec une sensation tannique bien équilibrée. »

Le rosé laisse pour sa part exprimer des notes de fruits rouges et impose des tannins dotés d’une vraie personnalité.

Le blanc profite des arômes propres au sauvignon, avec des notes d’agrumes, de pamplemousse ou encore de tilleul. À l’instar du rouge et du rosé, l’attaque en bouche se veut plutôt costaude, mais toute en rondeur.

Enfin, le dernier argument en faveur des Côtes du Marmandais est peut-être celui de leur prix. Une invitation supplémentaire à les découvrir et, sans nul doute, à les apprécier.