Le gâteau basque, sujet sensible

Sa simple évocation suscite une gourmandise immédiate et provoque des réactions parfois passionnées sur la manière de le préparer, dans le respect de la sacro-sainte tradition. Mais pourquoi tant de haine ?

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part de gâteau basque

Il a pourtant l’air si bon et si inoffensif – Crédit photo : Joselu Blanco – Flick

De toute façon, t’y connais rien

C’est un fait. Le gâteau basque participe aujourd’hui à la culture de même nom. À l’instar de la langue, du folklore, de la pelote et même du béret (même si le béret est béarnais), il constitue une lourde pierre de l’édifice basque, à laquelle on ne touche pas.

Ce respect bétonné de la tradition ne tolère aucune déviation, s’agissant même de la recette du gâteau basque. Chaque gourmet est en effet persuadé d’avoir découvert le VRAI gâteau, acheté dans une petite boulangerie typique d’Ustaritz ou une maison réputée de Bayonne. Et forcément, les autres dégustations se sont révélées décevantes à cause d’une recette jugée un peu différente ou d’un savoir-faire moins bien maîtrisé.

Sans le vouloir, chacun s’improvise spécialiste ou gardien du temple. En discuter avec une connaissance peut gentiment tourner au pugilat, en considérant que l’autre n’y connaît pas grand-chose.

Il suffit de parcourir les commentaires laissés sur Internet pour constater le degré de passion. Ainsi, cette pauvre habitante de Montréal qui a dévoilé les photos de son « gâteau basque à la vanille et aux bleuets » a dû faire face à quelques remarques sarcastiques, dont celle d’un pâtissier bayonnais : « Tout ce qui ne respecte pas la recette n’a en aucun cas le droit de s’appeler gâteau basque. Le respect des valeurs avant tout. » Et vlan !

Sur les sites de cuisine, les recettes approximatives ou personnelles appellent des réactions nettes et claires : « nul », « aucun goût de gâteau basque », « allez faire un tour au musée du gâteau basque », « un vrai désastre cette recette », « tout est passé à la poubelle » …

La pâtisserie basque ne tolère aucune improvisation. Les puristes y veillent. Il n’est même pas raisonnable d’évoquer les deux versions, la première à la crème pâtissière et la seconde à base de confiture de cerises noires d’Itxassou.

À l’origine, le « gâteau de Cambo »

Si l’histoire du peuple basque se perd dans la nuit des temps, celle du gâteau se veut plus contemporaine. L’entremets aurait été popularisé par Marianne Hirigoyen, pâtissière à Cambo-les-Bains, dans les années 1830, après avoir hérité de la recette de sa belle-mère.

Ladite recette était déjà réalisée dans les foyers basques environnants tout au long du 19e siècle, chacun l’interprétant à sa manière.

Pour couper court aux inutiles polémiques, les garnitures pouvaient varier au gré des ingrédients disponibles : crème, cerise, prune, abricot…

Déjà heureuse de profiter d’une clientèle fournie et internationale grâce aux thermes de la ville, Marianne se rend chaque jeudi au marché de Bayonne, où ses fidèles clients attendent de se régaler du « etxeko bixkotxa » (gâteau maison). La réputation s’envole…

petits gâteaux basques

Reconnaissables entre mille – Crédit photo: anonphotography.com – Flickr

Au fil des décennies, les boulangers et pâtissiers locaux s’emparent de la recette et contribuent au succès du gâteau, que vient aider l’essor du tourisme à Biarritz dans les années 1930.

Le gâteau de Cambo devient le gâteau basque.

Protéger le patrimoine

Si le gâteau basque a connu différentes interprétations dans les foyers basques depuis sa naissance, la base n’a jamais varié : beurre, œufs, farine, sucre et sel. La crème pâtissière peut recevoir de la poudre d’amande, du rhum ou de la vanille. Bien sûr, la confiture de cerise noire d’Itxassou (et de nulle part ailleurs) est la bienvenue.

L’association Eguzkia, fondée en 1994, veille à défendre un gâteau basque authentique. Son cahier des charges, déposé à l’INPI, vise à privilégier l’utilisation de matières premières naturelles et le respect a minima de la recette traditionnelle.

« Eguzkia est une association d’artisans militants, convaincus que le gâteau basque doit se faire selon une charte de qualité, mais c’est également le ciment d’une amitié indéfectible entre tous ses membres » déclare ainsi le président. Aujourd’hui, le combat de l’association vise à obtenir le Label Rouge, avec l’appui de la Chambre des métiers des Pyrénées-Atlantiques.

affiche de la fête du gâteau basque 2021

Cette quête de la qualité se traduit notamment par la fête du gâteau basque, organisée chaque année en octobre à Cambo-les-Bains. L’évènement permet depuis 2003 de rapprocher les artisans et les milliers d’amateurs. C’est aussi l’occasion de participer à un atelier de fabrication, d’assister au spectacle du folklore basque, de découvrir la ville et bien sûr de se régaler des meilleurs gâteaux, auxquels veille la confrérie.

Le gâteau emblématique du Pays basque a aussi son musée, situé à Sare. L’établissement partage la mission de l’association Eguzkia en faveur des artisans. Outre la possibilité de découvrir des centaines d’objets usuels de la maison basque, il permet aux visiteurs de participer à différents ateliers et de cuisiner leur propre gâteau avec fierté sous l’égide d’un chef pâtissier.

La (vraie ?) recette du gâteau basque

Afin de ne pas susciter davantage de polémique, la recette ci-dessous est celle publiée par l’association Eguzkia. Bien sûr, si vous souhaitez ajouter du chocolat ou du mascarpone, évitez de publier vos photos sur les réseaux sociaux. Les puristes veillent, prêts à dégainer.

Pour 6 personnes – Préparation: 30 minutes – Cuisson: 30 à 40 minutes (160°C)

Les ingrédients :

LA PATE

  • 300 gr de farine
  • 3 pincées de sel
  • 120 gr de beurre
  • 200 gr de sucre cristallisé
  • 2 œufs
  • 2 cuillères à soupe de rhum ou de vanille
  • 1 sachet de levure
LA CREME

  • 4 œufs
  • 125 gr de sucre semoule
  • 40 gr de farine
  • 2 cuillères à soupe de rhum
  • 1-2 gousse(s) de vanille

Préparation de la pâte

Dans un saladier, commencez par bien mélanger le beurre coupé en morceaux et le sucre cristallisé.

Ajoutez les œufs, le sel, la farine, la levure et l’arôme.

Mélangez le tout jusqu’à l’obtention d’une pâte sablée non collante.

Laissez reposer la pâte au réfrigérateur à +4°C pendant au moins 1 heure.

Préparation de la crème pâtissière

Dans un bol, fouettez les œufs et le sucre semoule afin d’obtenir un mélange mousseux.

Ajoutez délicatement la farine et mélangez.

Portez le lait à ébullition avec les gousses de vanille ouvertes et un peu de rhum.

Après avoir retiré les gousses de vanille, précipitez la moitié du lait dans le bol contenant la préparation d’œufs et de sucre.

Mélangez puis remettre le tout dans la casserole.

Portez le mélange à ébullition 3 à 4 minutes en remuant sans cesse, afin que la crème s’épaississe.

Versez la crème dans un récipient et laissez‐la refroidir à température ambiante.

Montage

Préchauffez votre four à 160°C (thermostat 6).

Beurrez un moule de 22 cm de diamètre, puis le fariner.

Prendre la pâte reposée, la travailler légèrement et l’étirer grâce à un rouleau à pâtisserie sur une table farinée, afin d’obtenir une pâte de 4 à 5 mm d’épaisseur.

Disposez un cercle de pâte au fond du moule puis abaissez les bords.

Une fois la crème refroidie à 20‐25°C, garnissez le moule.

Vous pouvez également remplacer la crème pâtissière par de la confiture de cerises noires.

Allongez la pâte restante pour faire le « couvercle ». Veillez à bien refermer les bords afin que la garniture ne puisse sortir.

Dorez le dessus du gâteau avec du jaune d’œuf et le rayez à l’aide d’une fourchette.

Cuire à feu doux à 160°C pendant 35 à 40 minutes.

Qu’est-ce qu’on boit avec ça ?

Autant rester en terres du Sud-Ouest, en privilégiant un vin blanc plutôt jeune et tranquille, comme un jurançon, un saussignac, un haut-montravel ou un monbazillac (à consommer avec modération même si l’on se ressert une part de gâteau).