La piperade, ce délicieux plat béarnais, enfin gascon ou plutôt basque

La piperade, ce délicieux plat béarnais, enfin gascon ou plutôt basque


Dans le Sud-Ouest, on est capable de s’étriper (amicalement bien sûr) pour revendiquer l’origine d’un simple plat composé de tomates, de piments et d’oignons. C’est comme ça.

Crédit photo : Arnaud 25 – CC BY-SA 4.0

Diplomatie gastronomique et culturelle avant tout

Pour bon nombre de gourmets, l’origine de la piperade ne fait aucun doute : le plat est basque et puis c’est tout. Ne contribue-t-il d’ailleurs pas à l’élaboration du poulet basquaise ? Oui, certes.

Cependant, une petite recherche d’informations de-ci de-là rabote quelque peu la provenance géographique.

Le Larousse se la joue classique : « Apprêt de tomates et de poivrons cuits avec des oignons, mêlés à des œufs brouillés et servis avec du jambon de Bayonne. (Spécialité basque.) »

Pour sa part, Wikipédia pousse l’analyse un peu plus loin, en s’attachant à l’étymologie du mot : « Le nom piperade est issu de la francisation du béarnais piperada (plat de piment), issu du mot pipèr (piment rouge) — passé en basque sous la forme biper/piper — emprunté lui-même au latin piper (poivre). Il a donné piperrada en basque et en espagnol. »

La définition laisse donc entendre que le plat aurait été conçu en terres béarnaises avant d’être adopté par le voisin basque. D’ailleurs, n’est-ce pas la ville de Salies-de-Béarn qui organise chaque été la Pipéradère ?

Cette étymologie est reprise par un internaute du site Gasconha, dédié à la Gascogne : « En tout cas, le nom piperade est bien gascon (pipèr = piment en gascon + suffixe occitan « ada »). Mais « pipèr » existe en basque sous la forme « biper » ou « piper »

Dans un souci d’apaisement, on parlera donc d’un plat basco-béarnais ou béarno-basque. On conviendra que la Gascogne est un peu trop étendue pour l’inclure dans notre proposition.

Et la composition, on en parle de la composition ?

Si l’origine du plat suscite des crispations, le choix de ses ingrédients génère parfois des dépressions nerveuses. En cause ? Le poivron. Les puristes se montrent formels et définitifs à ce sujet. Pas de poivron dans une piperade qui se revendique comme telle.

Non, l’ingrédient de choix qui apporte toute sa saveur au plat est le piment. Le piment vert des Landes. Bien sûr, il n’est pas acceptable pour certains d’intégrer un produit landais dans un plat basque, enfin basco-béarnais ou béarno-basque (ça devient compliqué). C’est la raison pour laquelle on peut lui préférer le piment d’Anglet, aussi doux et savoureux que son cousin du Nord. Le problème, c’est que le piment d’Anglet serait lui aussi cultivé dans les Landes, non loin de Seignanx. A ce titre, les producteurs ont créé le syndicat du Piment doux du Pays basque et du Seignanx en 2000, doté de l’AOC en 2016. Comme ça, tout le monde est content.

piment doux d'Anglet
Un bon stock de piments doux – Crédit photo :  Syndicat des producteurs de Piment Doux du Pays Basque et du Seignanx

Le piment est présent sur les étals des marchands basques et landais (on va dire du Sud-Ouest) de mai à octobre.

Inutile d’étendre le débat au choix des tomates et des oignons, au risque de rédiger un article interminable.

La recette

Les ingrédients (pour 6 personnes) :

  • 2 kg de tomates
  • 1 kg d’oignons (jaunes bienvenus)
  • 1 kg de piments doux
  • 2 gousses d’ail
  • Thym frais
  • Piment d’Espelette en poudre
  • Sel et (éventuellement) sucre en poudre

Préparation :

Éplucher les oignons et les émincer.

Éplucher les gousses d’ail et les hacher.

Tailler les piments dans le sens de la longueur, les épépiner puis les couper en parties d’un à deux centimètres.

Faire bouillir de l’eau, y plonger les tomates pendant une petite dizaine de secondes puis les éplucher et les couper en morceaux. Les plus maniaques peuvent les épépiner.

Dans une poêle ou une sauteuse, ajouter un bon filet d’huile d’olive et faire chauffer à feu moyen. Lorsque l’huile est suffisamment chaude, ajouter les oignons émincés et les faire fondre en remuant régulièrement. Ne pas faire colorer.

Ajouter les piments et laisser mijoter, toujours à feu moyen, une bonne quinzaine de minutes.

Enfin, ajouter les morceaux de tomates et les gousses d’ail et bien mélanger avant d’y jeter quelques petites branches de thym. Laisser la cuisson se poursuivre pendant encore 20 minutes à petit feu.

Ne pas hésiter à touiller gentiment et régulièrement. Vers la fin de la cuisson, ajouter la pincée de poudre de piment d’Espelette et rectifier l’assaisonnement (bien sûr, pas de poivre).

Ajouter une petite cuillère à café de sucre si nécessaire.

Le plat ne doit pas être liquide, mais juteux comme il le faut. Si besoin, ajouter un peu d’eau.

Et voilà !

Il existe bien sûr la variante basque, qu’on ne peut quand même pas oublier. Elle consiste à ajouter deux œufs battus à la préparation en fin de cuisson. Il convient ensuite de les mélanger, en toute délicatesse, pendant quelques petites minutes.

La piperade, agrémentée d’œufs ou pas, accompagne divinement le poulet, le jambon de Bayonne ou encore le chorizo. En version végétarienne, elle peut se servir en accompagnement d’un plat de pâtes ou de riz.

Sinon, elle se suffit à elle-même et constitue une excellente idée de repas, tellement savoureux.

Qu’est-ce qu’on boit avec ça ?

Hé bien, un rosé pourrait tout à fait convenir. On peut rester dans la région et porter son choix sur un Irouléguy. Un Côtes du Marmandais (dont nous parlons ici) ferait également l’affaire.


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Le jambon de Bayonne, une longue histoire d’Adour

Le jambon de Bayonne, une longue histoire d’Adour


Doté de l’IGP en 1998, le jambon peut se targuer de régaler les papilles depuis le Moyen-Âge. Qui dit mieux ?

Crédit photo : Consortium du Jambon de Bayonne

Le jambon de Bayonne est peut-être né par hasard

La légende raconte qu’au XIVe siècle, le célèbre Gaston Phoebus, comte de Foix, partit chasser le sanglier sur ses terres béarnaises lors d’une rude journée d’hiver. Il réussit à blesser la bête, mais perdit sa trace. Quelques mois plus tard, au retour de l’été, il trouva l’animal mort, parfaitement conservé. Le corps du sanglier, tombé dans le lit desséché d’une rivière, était recouvert de sel, naturellement présent dans les cours d’eau de la région.

La viande fut goûtée et appréciée par tous, et plus particulièrement la cuisse. Cet « accident » permit aux habitants de conserver la viande de porc et de sanglier dans le sel, abondant dans la région de Salies.

On peut aussi apercevoir sur le portail de la cathédrale de Sainte-Marie d’Oloron des sculptures du XIIe siècle représentant des sacrifices de porc et de gros jambons.
Ce n’est donc pas précisément à Bayonne qu’apparurent les premiers jambons. Mais la cité basque, forte de l’intense activité de son port, permit d’exporter le jambon et d’en assurer la promotion. Au fil des années, l’appellation « jambon de Bayonne » s’imposa presque logiquement.

Le noble produit devient une référence gastronomique. Rabelais lui ouvre les portes de la littérature. Les rois de France, d’Henri IV à Louis XIV, s’en délectent. Et même la Révolution l’épargne !

Une aire de production bien définie

Afin de pérenniser la qualité qui entoure le jambon de Bayonne, des critères précis ont été définis au fil du temps. En 1998, l’Union européenne a attribué son IGP (Indication Géographique protégée), qui permet notamment d’officialiser le terme « jambon de Bayonne » et d’éviter d’éventuelles copies commerciales.

Cette reconnaissance s’entoure néanmoins de règles strictes à respecter. À titre d’exemple, les porcs du Sud-Ouest doivent être engraissés avec un aliment contenant au moins 60% de céréales ou de céréales et de poids. La zone de production englobe 22 départements, répartis entre la Nouvelle Aquitaine et l’Occitanie.

Parmi les animaux retenus, citons les cochons de race « Large White » croisée « Piétrain », qui donneront les jambons estampillés « Ibaïona » (les meilleurs, selon les puristes !). Les animaux sont élevés au minimum 11 mois, dès que leur poids dépasse les 180 kg.

Les porcs de « race basque » (ou pie noir) sont particulièrement appréciés. La race, qui a failli disparaître il y a quelques années, se développe aujourd’hui, grâce aux efforts conjoints des éleveurs basques et béarnais.

Le long processus de l’élaboration

Si la plus grande attention entoure l’élevage des porcs, la salaison est considérée comme l’étape fondamentale de la fabrication du jambon. Elle est cantonnée à la région du bassin de l’Adour, qui présente les meilleures conditions géologiques et climatiques, notamment grâce au Foehn, le vent sec du Sud. Il permet au sel de pénétrer les jambons, leur apportant ce goût si particulier.

Les salaisonniers respectent un cahier des charges bien précis. Les jambons frais entiers sont d’abord frottés avec du sel provenant exclusivement du bassin de l’Adour, puis recouverts de sel. On les place alors au saloir, et ce au début de l’hiver.

Vient ensuite la période du repos. Les jambons sont pendus et commencent à sécher, à faible température. La période du séchage intervient juste après et permet au jambon de dégager ses premières vraies saveurs. C’est au cours du séchage que l’on procède au pannage, consistant à appliquer sur les parties charnues, un mélange de graisse de porc et de farine. Le pannage permet de mieux accompagner le séchage, en évitant notamment l’apparition d’une croûte dure.

Enfin, l’affinage conclut cette longue période de maturité et d’observation de la part des producteurs. En moyenne, le séchage prend 9 mois, mais peut parfois atteindre les 15 mois, comme c’est le cas pour les jambons Ibaïona.

À l’arrivée, les jambons retenus sont frappés du sceau  » Bayonne  » et peuvent être commercialisés.

Oui au plaisir coupable !

S’il existe probablement mille et une façons de consommer le jambon de Bayonne, rien n’empêche de se servir une tranche avec les doigts et de la dévorer en rentrant du boulot. Outre le plaisir gustatif né de sa souplesse et de ses arômes, le jambon se révèle riche en vitamines B1, en acides gras Omega 6 et acide oléique, que l’on retrouve aussi dans l’huile d’olive.

Affiche de la campagne publicitaire initiée par le Consortium du Jambon de Bayonne

Le produit intervient également dans bon nombre de recettes, chaudes ou froides, parmi lesquelles la piperade ou le cake au jambon et olives. On peut même l’ajouter à sa recette de tarte et/ou de pizza.

Enfin, il convient de mentionner la célèbre foire au jambon, organisée au début mois d’avril à Bayonne depuis 1426 ! Une date qui impose le respect et justifie la gourmandise.


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La garbure, plus forte que Red Bull

La garbure, plus forte que Red Bull


Plat emblématique du Sud-Ouest, la garbure a richement nourri des générations de Gascons soumis au travail de la ferme et aux conditions climatiques parfois rudes en hiver.

Plus fort que l’hiver – Crédit photo : Garburade – CC BY-SA 3.0

On reste calme

L’origine précise du plat suscite encore quelques agacements entre Béarnais et Landais, qui en revendiquent la paternité. Afin d’éviter tout regain de tension, nous parlerons donc d’un plat gascon, qui autorise de toute façon des centaines de recettes différentes, au gré de son garde-manger, de ses envies ou des produits disponibles proches de soi.

La garbure, c’est donc une soupe traditionnelle (très) généreusement composée de légumes de saison (surtout du chou) et de viandes confites. On peut tout à fait la considérer comme un plat principal, sans craindre la petite fringale à l’heure du goûter ou au milieu de la nuit.

Après s’être repu d’une bonne garbure, les paysans gascons étaient fins prêts à affronter le vent glacé des Pyrénées (s’agissant des Béarnais) ou l’humidité des tourbières (s’agissant des Landais). Le plat a surtout permis à des populations pauvres de se nourrir correctement et même de se régaler.

Bon à… savoir :

Il est vivement recommandé de faire tremper ses haricots secs (tarbais de préférence) pendant au moins 12 heures.

Si la garbure reste très savoureuse après avoir été réchauffée, il convient quand même de la consommer assez rapidement, sans une trop longue conservation, du fait de la présence de chou et de navet parmi les ingrédients, des légumes qui fermentent assez vite.

L’autocuiseur est à bannir pour cette recette, qui préfère plutôt une cuisson à feu doux, sans précipitation (entre 2 heures 30 et 4 heures). C’est le prix du bonheur.

Enfin, le championnat du monde de garbure, la Garburade, est organisé le premier week-end de septembre à Oloron-Sainte-Marie, au cœur du Béarn. Les équipes s’affrontent afin de proposer à un jury de professionnels la meilleure garbure de l’année (ou la plus originale ou la plus innovante). C’est surtout l’occasion d’organiser une grande fête gourmande, à laquelle participe plus d’un millier de convives.

Le haricot tarbais, ingrédient indispensable de la garbure – Crédit photo : Patrick BOILLAUD

La recette

Les ingrédients (pour 6 personnes) :

  • 1 crosse de jambon
  • 1 kg de lard maigre
  • 1 confit d’oie ou de canard
  • 1 chou vert
  • 3 carottes
  • 1 poireau
  • 1500 g de pommes de terre
  • 4 navets
  • 500 g de haricots blancs secs
  • 2 oignons piqués d’un clou de girofle
  • 1 bouquet garni
  • Sel et poivre du moulin

Préparation :

Prendre une cocotte, la remplir d’eau et y déposer la crosse de jambon. Porter à ébullition.

Passer ensuite le jambon sous l’eau froide, l’égoutter et renouveler l’opération. Procéder de même avec le lard fumé, afin de bien le blanchir. Bien égoutter la crosse de jambon et le lard et les remettre dans la cocotte nettoyée. Ajouter 4 litres d’eau et faire cuire pendant 1h30 à petit bouillon.

Nettoyer les carottes, le poireau et les navets et les couper en petits morceaux. Éplucher les oignons et les gousses d’ail. Ajouter tous ces légumes, ainsi que les haricots blancs et le bouquet garni, dans la cocotte, avec la viande et porter à ébullition. Couvrir ensuite la cocotte et laisser mijoter à feu doux pendant 3/4 d’heure.

Couper le chou en quartiers, en prenant soin de supprimer le trognon. Faire blanchir 5 minutes à l’eau bouillante, passer sous l’eau froide, bien égoutter et réserver. Éplucher les pommes de terre, les laver et les couper en morceaux. Les mettre avec les autres ingrédients dans la cocotte. Dès que les haricots commencent à être cuits, ajouter le chou et le confit d’oie. Couvrir et laisser cuire encore 15 minutes.

Lorsque la cuisson touche à sa fin, retirer les oignons, le bouquet garni et penser à désosser toutes les viandes, en les coupant en très petits morceaux. Remettre les chairs dans la cocotte.

Rectifier l’assaisonnement si besoin et servir bien chaud.

Vous pouvez accompagner la garbure de tranches de pain de campagne bien grillées.

Qu’est-ce qu’on boit avec ça ?

La garbure étant avant tout un plat robuste, on peut lui associer sans difficulté un Madiran, suffisamment tannique et charpenté pour l’accompagner comme il se doit. De plus, on reste dans la même région, ce qui n’est que justice.

S’il reste un fond de bouillon dans l’assiette après avoir terminé son plat, ne pas hésiter une seule seconde à faire chabrot, c’est-à-dire à verser un peu de son vin dans l’assiette, qu’on porte directement à sa bouche pour se régaler de ce divin mélange.

« Un p’tit chabrot pour faire passer tout ça, un p’tit Armagnac et au lit.« 

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