De l’homo erectus à l’addict iPhonus, la Dordogne est le témoin privilégié de notre très longue histoire.
Olivier Sorondo – 28 mars 2016 – Dernière MAJ : le 13 mars 2020 à 21 h 38 min
La préhistoire
La présence humaine est attestée en Dordogne depuis 450 000 ans. Ce furent d’abord les Homo erectus ou Acheuléens, dont des traces ont été découvertes dans le gisement de la Micoque aux Eyzies, puis les Hommes de Néandertal (-100 000 ans), repérés au Moustier, et les Homo sapiens sapiens (-35 000 ans), aussi connus comme les Hommes de Cro-Magnon, selon le nom du lieu-dit aux Eyzies.
Les Homo erectus (dont le qualitatif est tiré du fait qu’ils se tenaient droit et marchaient sur leurs deux pieds) savaient allumer un feu, tailler des silex, dits bifaces, et édifier des huttes sommaires à l’aide de branchages. Leur survivance reposait sur la chasse et la cueillette de végétaux.
Les Hommes de Néandertal ont également vécu dans la région périgourdine, jusqu’à leur disparition vers -35 000. À la différence des Acheuléens, les Néandertaliens enterraient leurs morts. Des tombes d’adultes et d’enfants ont ainsi été retrouvées au Moustier, au Pech de l’Aze ou encore à la Ferrassie.
Ce furent enfin les Homos sapiens sapiens, sans doute originaires de l’Est de la Méditerranée, qui s’installèrent en terres périgourdines. Les Hommes de Cro-Magnon, considérés comme nos ancêtres directs, savaient concevoir des statuettes, peindre sur les parois des grottes, fabriquer des outils, pêcher des poissons à l’aide d’hameçons et profiter des nombreuses ressources offertes par leur territoire. En revanche, il semblerait qu’ils n’aient jamais dépassé les phases éliminatoires de Questions pour un champion.
Grâce aux fouilles menées depuis 1863, plus de 200 gisements préhistoriques ont été découverts en Dordogne, principalement dans la zone des Eyzies-de-Tayac et tout au long de la Vézère et de la Beune. Ainsi, l’abri de Laugerie-Haute a servi de refuge pendant des millénaires aux populations préhistoriques. Le gisement de la Madeleine, en aval de Tursac, a révélé lors des premières fouilles d’innombrables richesses : outils en ivoire, accessoires de parures, silex taillés et même une plaquette d’ivoire affichant un magnifique dessin de mammouth. L’abri du Moustier a permis d’exhumer le squelette d’un adolescent de type néandertalien.
Dans le domaine de l’art pariétal, la grotte des Combarelles provoqua l’étonnement puis la joie des préhistoriens, dont le célèbre abbé Breuil, lors de son exploration en 1901. Près de 300 figures y furent découvertes (pour la plupart gravées), datant du magdalénien et représentant notamment des animaux, une main cernée de noir, des formes humaines et même des anatomies génitales, ce qui tendrait à prouver que les graffitis vulgaires que l’on observe parfois sur les murs de nos cités modernes seraient en fait l’œuvre de personnes particulièrement cultivées et férues d’histoire.
En 1940, quatre adolescents découvrirent accidentellement, à proximité de Montignac, une grotte dont les parois étaient ornées de somptueuses fresques d’animaux, éclatantes grâce à leurs coloris préservés depuis près de 17 000 ans. La grotte de Lascaux suscita rapidement l’engouement phénoménal du public et des scientifiques. Les visites de multiplièrent et, en l’espace d’une vingtaine d’années, la pollution engendrée par les curieux commença à dégrader les peintures. Il fut décidé de fermer définitivement le site en 1963.
La dernière découverte est celle de la grotte de Cussac, en septembre 2000, à proximité de la commune du Buisson de Cadouin. La grotte révèle des centaines de gravures d’animaux (mammouths, chevaux, rhinocéros…) dont certaines sont gigantesques. On y a également retrouvé des ossements humains de plus de 29 000 ans.
Par souci de conservation, la plupart des sites préhistoriques de la Dordogne sont fermés au grand public. Il est possible de se consoler en visant le site de Lascaux II, fac-similé situé à 200 mètres de la grotte originale. Les plasticiens ont effectué un travail de grande qualité, reproduisant, au centimètre près, les peintures originales de la salle des Taureaux et du diverticule des Félins. La précision de la reconstitution semble avoir séduit le public puisque 250 000 visites sont enregistrées chaque année.
Enfin, les passionnés de grottes et de silex peuvent visiter le musée national de la Préhistoire, aux Eyzies, qui conserve des dizaines de milliers de pièces issues du paléolithique. Il convient de mentionner également le centre d’accueil du pôle international de la Préhistoire, ouvert depuis 2010, dont la vocation est de valoriser le patrimoine de la vallée de la Vézère. Le centre fournit toutes les explications utiles à ceux qui envisagent d’emprunter le parcours des sites préhistoriques et de s’imprégner d’une époque au cours de laquelle les hommes réussissaient à (sur)vivre sans smartphone ni GPS. Chapeau.
L’Antiquité et le Moyen-Âge
Les terres de la Dordogne, essentiellement les vallées de l’Isle, de la Vézère et de l’Auvézère, furent longuement habitées par les Petrocorii (ou encore Pétrocores ou Prétocoriens), peuple gaulois d’origine celte, dont l’étymologie signifie « quatre tribus » ou bien « quatre armées », selon les historiens. C’est d’ailleurs ce terme de Petrocorii qui a fini par donner le nom de Périgord.
En -52, les Prétocoriens, réputés pour l’excellence de leur travail du fer, envoyèrent 5 000 hommes prêter main-forte à Vercingétorix pour lutter contre l’invasion des légions romaines, en toute connaissance de cause si l’on se réfère à ce court passage historique :
« Prends garde, fier Pétrocorien,
Réfléchis avant de prendre les armes,
Car, si tu es battu,
César te fera couper les mains ! »
C’est donc légèrement amputés que nos ancêtres durent se résoudre à accepter la présence romaine dans leurs belles contrées, qui était déjà avérée depuis quelques décennies. La culture, la langue, la pratique religieuse changèrent. Les terres reçurent de nouvelles cultures, comme le châtaignier et la vigne. L’architecture urbaine se modifia, au profit d’un agencement en plan ordonné autour de deux axes : le cardo (nord-sud) et le decumanus (est-ouest). Vesunna (Périgueux) qui devint une cité réputée et prospère, riche de 10 000 habitants, illustre bien ce nouvel agencement citadin. Les curieux peuvent retrouver quelques vestiges, comme ceux de l’amphithéâtre (construit au 1er siècle, considéré comme l’un des plus vastes de Gaule) et des remparts de l’ancienne citadelle.
Au Ve siècle, les Wisigoths installèrent leur empire en Aquitaine et dans tout le midi de la Gaule. En 507, la bataille de Vouillé, aussi brève que violente, contraria quelque peu les projets du roi Alaric II, ce dernier se faisant transpercer par l’épée vengeresse de Clovis en personne, rois des Francs et guerrier redoutable. Désemparés, les Wisigoths prirent la sage décision de décamper plus au Sud. Grâce à cette victoire, qui précéda la conquête de Toulouse un an plus tard, Clovis repoussa les limites du royaume jusqu’aux Pyrénées.
Quand même un peu fatigués par toutes ces invasions de gens pas forcément sympas (on ne parle même pas de celles des Gascons et des Normands), les habitants du Périgord durent encore supporter les hordes sarrasines au début du VIIIe siècle. Leur présence est toujours visible à travers le nom de certaines communes du département : Maurens, Sarrasac, Mauriac…
Le Périgord fut ensuite érigé en comté et rattaché au royaume d’Aquitaine, sous l’impulsion des Carolingiens. Au cours du Xe siècle, quatre baronnies se firent jour : Mareuil, Brison, Bourdeilles et Beynac, toutes dévouées à la cause royale.
Parmi la lignée de comtes, l’histoire retient Adalbert, réputé pour son appétit guerrier, successeur d’Hélie de Talleyrand-Périgord. En juillet 987, la proclamation d’Hugues Capet comme roi de France sonne le glas de la dynastie carolingienne. Le nouveau souverain, élu par les vassaux, doit faire face à Adalbert, qui combat le comte de Blois aux portes de Tours. Le roi lui enjoint par lettre de lever le siège et lui rappelle que les comtes sont avant tout des fonctionnaires au service de la royauté. Piqué, Adalbert lui répond que ce sont pourtant les ducs et les comtes qui l’on élu roi.
L’échange est resté célèbre :
« – Adalbert, qui t’a fait comte ?
– Hugues, qui t’a fait roi ? »
Ca-ssé !
Aliénor d’Aquitaine par Frederick Sandys, 1858, musée national de Cardiff
En 1154, le mariage de la jolie duchesse Aliénor d’Aquitaine avec Henri II Plantagenêt fit basculer le Périgord du côté british de la force, ce qui émoussa quelque peu l’humeur pourtant joviale des comtes périgourdins. De longues décennies durant, des châteaux furent édifiés et de nombreuses batailles engagées contre l’envahisseur angloy. Ainsi, en 1356, les assauts de l’armée anglaise contre la ville de Périgueux furent repoussés à trois reprises. Mieux encore, jamais Sarlat-la-Canéda ne courba l’échine face aux Anglais. Le Périgord dut néanmoins faire face à des épisodes moins heureux tout au long de la guerre de Cent Ans, comme les violentes chevauchées du Prince Noir, fils d’Edouard III, et de son armée, dépêchés sur place pour défendre les possessions familiales. Fort heureusement, Bertrand du Guesclin parvint à reprendre quelques territoires, dont Bourdeilles en 1377 et Saint-Astier en 1379.
Au terme de multiples soubresauts et changements de souverains, le comté du Périgord rejoignit la couronne de France en 1454, non sans une dernière petite baston entre amis, qui est restée gravée dans l’histoire : la bataille de Castillon.
De la Renaissance à la Dordogne
Ce qu’il y a de bien avec les guerres, c’est que même quand on n’en veut plus, il y en a encore. Aux conflits territoriaux succédèrent les luttes religieuses. Au XVIe siècle, le Périgord fut particulièrement perméable à la Réforme et à l’expansion du protestantisme. Périgueux tomba ainsi en 1575 sous l’influence de Guy de Montferrand, dit Langoiran, et son fidèle copain Geoffroy de Vivans. La cité resta aux mains des protestants jusqu’en 1581, date à laquelle ils furent renversés par les catholiques. D’autres villes périgourdines subirent également les sanglantes ambitions des protestants à cette période : Bergerac, Monpazier, Ribérac, Nontron…
L’édit de Nantes, promulgué en 1598 par le roi Henri IV, mit un terme aux troubles secouant le Périgord et les autres territoires du royaume. La révocation du verset religieux de l’édit, décidée par Louis XIV en 1685, provoqua finalement l’exil de milliers de protestants des principales cités de la région. Beaucoup d’entre eux s’installèrent définitivement en Hollande.
La Révolution française ne souleva pas de puissants bouleversements à l’échelle locale – quelques nobles décapités pour marquer le cou(p) – et permit la création du département de la Dordogne en 1790, aux contours proches de l’ancienne province du Périgord.
À l’instar de la Dordogne, les ressources naturelles de la Gironde (abris sous roche, nombreux cours d’eau, vastes forêts pleines de délicieux gibiers) ont favorisé l’installation de nos ancêtres dès l’ère préhistorique.
Si le patrimoine est moins copieux que celui découvert en terres périgourdines, il présente un intérêt historique certain, ne serait-ce que grâce à la proximité des basses vallées de la Dordogne et de la Garonne. Ainsi, la grotte de Pair-non-Pair, près de Bourg-sur-Gironde, découverte en 1881, a révélé la présence de milliers d’outils en silex, d’objets en ivoire et d’ossements d’animaux, datant de l’Aurignacien (-30 000). Mieux, une soixantaine de figures gravées orne les parois, représentant des cervidés, des mammouths, des bovidés ou encore des félins.
Entrée de la grotte de Pair-non-Pair par Xabi Rome-Hérault, CC BY 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=3565987
En terres médocaines, à proximité de Soulac, les archéologues ont retrouvé des silex aziliens datant de 9 000 à 8 000 av. J.-C. Il semble d’ailleurs que les hommes se soient durablement installés pendant quelques millénaires sur la façade atlantique, trouvant dans cet environnement maritime une source continuelle de nourriture (poissons, crustacés, gibier) et la garantie d’un joli bronzage doré grâce aux vastes plages qui n’étaient pas encore, ô luxe suprême, sujettes à une surfréquentation touristique.
Dans la région de Pauillac, les hommes de l’âge du Bronze (1 500 avant J.-C.) habitaient des campements à proximité du fleuve.
Le dolmen de Curton, à Jugazan, forme un autre précieux témoignage de la Préhistoire, et plus précisément du Néolithique. Découvert en 1904 par l’abbé Labrie, inscrit au titre des Monuments historiques en 1995, le dolmen abritait huit corps inhumés. L’abbé a également constaté la présence d’un mobilier funéraire, composé de coquillages troués, d’une hache et même d’un vase. Le site, bien conservé, peut toujours être visité aujourd’hui.
Autre vestige digne d’intérêt : l’allée couverte de Roquefort, à Lugasson. D’abord étudié par l’abbé Labrie en 1922, le site a fait l’objet de nouvelles analyses en 1971. Il a été occupé par les hommes il y a environ 6 000 ans (Néolithique). À l’instar du dolmen, l’allée était dédiée aux rites funéraires et servait de sépulture collective.
On trouve aussi quelques menhirs en Gironde, dont le plus remarquable est celui dit de Peyrefitte, à Saint-Sulpice-de-Faleyrens. Probablement érigé entre 2 600-2 300 av. J.-C. (Néolithique récent), il affiche une hauteur respectable de 5,20 m pour une largeur de 3 m.
Tribus gauloises et invasions
En Gironde, deux tribus principales se partageaient le territoire : les Vasates et les Bituriges Vivisci. Les premiers sont un peuple aquitain, proto-basque dont la capitale, Cossio, est connue aujourd’hui sous le nom de Bazas. Les Bituriges Vivisci (ou Bituriges déplacés) sont quant à eux d’origine celtique, ayant quitté la région de Bourges entre la fin de la guerre des Gaules et le règne d’Auguste. Cette peuplade se subdivise en plusieurs entités à travers la Gironde : les Boïates dans le pays de Buch, les Belendi dans celui de Belin et enfin les Medulli, installés à Burdigala (Bordeaux).
Lors de la conquête romaine, les Vasates tentent de résister aux légions de César mais les Bituriges se soumettent sans trop de difficulté, en 56 avant J.-C., à l’autorité de Rome.
Contrairement aux Pétrocoriens installés en Dordogne, les tribus gauloises de la Gironde n’envoient aucun homme prêter main-forte à Vercingétorix lors de la bataille d’Alésia (- 52). Au contraire, Vasates et Bituriges, conscients d’habiter une région qui contrôle entre autres le commerce de l’étain, denrée précieuse, anticipent rapidement les bienfaits de la Pax Romana. À titre d’exemple, la grande voie romaine reliant Arles à Toulouse est prolongée jusqu’à Burdigala, offrant un axe de communication majeur avec les autres contrées.
Doucement mais sûrement, l’organisation et la culture romaines s’imposent. Sous le règne de l’empereur Vespasien (69-79), Burdigala devient une cité importante et acquiert le statut de capitale de province. Quelques décennies plus tard, la ville s’impose comme la métropole de la seconde Aquitaine, un vaste territoire. Afin de confirmer son essor commercial, de nouvelles routes sont pavées, en direction de Périgueux, Agen et Dax.
Vestiges de l’amphithéâtre Gallien (ou Palis Gallien) -Par I, F.rodrigo, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=2327239
Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes. Burdigala prospère et se fait belle, notamment grâce à la construction de son amphithéâtre Gallien, de ses thermes, temples et palais, sans oublier la spécialité romaine, les aqueducs. Aux alentours, on procède aux premières plantations de vignes, en privilégiant le cépage vitis biturica, l’ancêtre du cabernet. Le commerce de l’étain de Cornouailles, du bois, de la résine et encore des vins méditerranéens prend son essor. Burdigala est alors considérée comme la « petite Rome ».
Les premiers missionnaires envoyés de Rome suscitent quelques agacements, à l’image de Martial de Limoges (ou Saint-Martial), fondateur de l’église d’Aquitaine, en mission dans le Bordelais vers 250 afin d’évangéliser cette région toute acquise aux dieux romains. Il est inutile de préciser que son accueil n’est pas des plus chaleureux. Néanmoins, il pose les premiers jalons de la religion chrétienne, officielle à partir de 325.
Le personnage emblématique de cette douce époque est sans conteste le poète et universitaire Ausone (310-395), dont la vivacité d’esprit et les qualités oratoires ont dépassé le seul périmètre de Burdigala. On vient de tout l’Empire pour l’écouter et l’empereur Valentinien le convoque à Trèves en 364, où il devient le précepteur du jeune Gratien.
Amoureux fou de sa ville natale et de sa région, Ausone est un épicurien, amateur des huîtres du Médoc, des gibiers et surtout des vins de propriétaires. « Temperat ingenuos qua laeta Aquitanica mores » : L’Aquitaine où s’adoucit la rudesse des mœurs primitives… Les femmes ressentent quelques douces chaleurs à son passage dans les rues de Burdigala, avec l’ambition secrète de partager la couche d’Ausone.
Le Ve siècle siffle le coup d’envoi des invasions diverses et variées. Ce sont d’abord les Vandales qui pillent Bordeaux en 409 et s’installent dans la région, où ils ne resteront que deux années. Viennent ensuite les terribles Wisigoths, maîtres du sud-ouest de la Gaule dès 475. Fort heureusement, Clovis, à la tête des Francs, remporte la bataille de Vouillé en 507 et transperce le cœur d’Alaric II, poussant les guerriers germaniques à reculer jusqu’en Espagne.
Les invasions se succèdent pendant quelques siècles. Musulmans, Carolingiens, Gascons et encore Normands livrent les terres girondines et la cité de Bordeaux aux tueries, pillages, incendies, destructions et autres joyeusetés.
La bataille de Castillon, une date clé de l’Histoire de France
Par Martial d’Auvergne — Antoine Leduc, Sylvie Leluc et Olivier Renaudeau (dir.), D’Azincourt à Marignan. Chevaliers et bombardes, 1515-1515, Paris, Gallimard / Musée de l’armée, 2015, ISBN 978-2-07-014949-0, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=44096517
Aliénor d’Aquitaine épouse en 1152 le fougueux Henri Plantagenêt, duc d’Anjou, couronné roi d’Angleterre deux ans plus tard. Elle lui offre en dot son joli duché, qui passe de fait sous domination anglaise. Il le restera pendant près de trois siècles, poussant le royaume de France à initier les premières luttes de reconquête.
Les princes anglais viennent s’installer en Aquitaine. Soucieux de ne pas exacerber les tensions des populations locales, notamment en Gironde, ils autorisent les premières franchises communales, permettant aux villes d’instaurer leur propre gouvernement, d’élire leurs magistrats et de se défendre librement.
Le commerce du vin est resplendissant. Deux fois l’an, 200 voiliers transportent le précieux nectar des quais de Bordeaux vers l’Angleterre.
La « période anglaise » de l’Aquitaine est marquée par de nombreux troubles. Le fils d’Henri II, Richard Cœur de Lion, se comporte en maître abusif. Il pille les richesses du duché, mate les nobles gascons, est accusé à multiples reprises de viols et de meurtres.
En 1337, les rivalités persistantes entre Français et Anglais, entre la dynastie des Plantagenêt et celle des Valois aboutissent à la guerre de Cent Ans avec, en ligne de mire, la mission de récupérer la Guyenne.
En 1362, le roi Édouard III transforme l’Aquitaine en principauté et la confie à son fils aîné Édouard Plantagenêt, dit le « Prince noir ». Ce dernier impose des impôts importants à tous ses sujets pour maintenir son train de vie. Le comte d’Armagnac, Jean 1er, s’y oppose résolument, livre bataille et quémande le soutien du roi de France, Charles V.
Les tensions entre les royaumes d’Angleterre et de France ne cessent de croître. Au gré des conflits locaux, les terres d’Aquitaine sont prises puis rendues aux Anglais.
En 1451, l’armée royale de Charles VII vient de reconquérir la Normandie et se dirige vers la Guyenne, où elle s’empare des villes de Blaye, Libourne, Castillon, Saint-Emilion et Bordeaux. En réponse, le roi d’Angleterre Henri VI envoie une armée, placée sous les ordres de John Talbot. Il reprend Bordeaux en 1452, permettant de réactiver les réseaux commerciaux entre les deux pays.
Fort marris, les Français décident de tendre un piège à proximité de Castillon, le 13 juillet 1453. Les frères Jean et Gaspard Bureau, respectivement trésorier général de France et grand maître de l’artillerie, profitent de la géographie des lieux pour installer stratégiquement les troupes. Le millier d’hommes de la cavalerie bretonne se planque sur la colline d’Horable. Jean Bureau fait installer 300 canons mobiles sur la plaine de Colle.
Lorsque Talbot et ses hommes arrivent à Castillon, au matin du 17 juillet, ils ne perçoivent pas clairement les positions de l’armée française. Les assauts qu’il ordonne sont systématiquement repoussés. Surtout, ils sont tombés dans le piège imaginé par Jean Bureau, qui positionne ses canons sur les troupes anglaises et les quelques milliers de Gascons. Les premiers tirs sont dévastateurs.
Les soldats anglais, dans la force du désespoir, parviennent néanmoins à lancer plusieurs assauts mais ignorent que la cavalerie bretonne, toujours en retrait, est sur le point d’intervenir. C’est le coup de grâce.
Plus de 4 000 Anglais perdent la vie. John Talbot et deux de ses fils sont également tués. De leur côté, les Français ne déplorent qu’une centaine de tués et de blessés. Cette large victoire permet à la Guyenne de redevenir française et, surtout, de mettre fin à la guerre de Cent Ans.
Le 14 octobre de la même année, le roi Charles VII parade dans les rues de Bordeaux, sous les acclamations inquiètes des habitants, qui ont quand même soutenu la cause anglaise.
Les premières décisions ne tardent d’ailleurs pas à être prises : Bordeaux perd ses privilèges, des dizaines de seigneurs de la province sont condamnés à l’exil et le roi déploie des garnisons dans toute la Guyenne, au cas z’où les Anglais émettraient le souhait d’un come-back.
La traite négrière au XVIIIe siècle
Dès l’époque gauloise, Bordeaux a su tirer parti de sa situation géographique privilégiée et parfois même de ses envahisseurs pour s’imposer comme une ville commerciale de renom.
Au XVIIIe siècle, la ville profite d’une vraie prospérité, notamment grâce à l’activité de son port, passerelle privilégiée vers l’Espagne et les colonies. La production vinicole annuelle avoisine les 200 000 tonneaux, dont plus de la moitié est exportée en Angleterre.
La capitale de la Guyenne va considérablement augmenter ses activités de négoce autour de la traite des esclaves africains. Le « trafic triangulaire » est somme toute assez simple. Les armateurs bordelais envoient des navires sur la côte ouest-africaine (principalement en Guinée et au Sénégal), chargés de denrées et de bibelots, qu’ils échangent contre le « bois d’ébène », les esclaves. Ces derniers, entassés comme des animaux pendant la traversée de l’Atlantique, sont vendus à prix d’or dès leur arrivée aux Antilles (Cuba et Saint-Domingue), à la recherche d’une main d’œuvre importante pour répondre aux attentes des grandes villes européennes. Les voiliers reviennent ensuite à Bordeaux, les cales débordant de sucre, de bois précieux, de cuir ou encore de café.
Très rapidement, Bordeaux devient la deuxième ville négrière du royaume de France, derrière Nantes et à niveau égal avec La Rochelle, suscitant l’admiration d’Étienne François de Choiseul, ministre, qui écrit en 1768 : « « Le Roi étant informé que les négociants du port de Bordeaux se livrent avec beaucoup de zèle au commerce de la Traite des Nègres, qu’il résulte des états qui lui ont été présentés que, depuis le 30 avril 1767 jusqu’au 30 octobre de la même année, ils ont armé sept navires pour la côte de Guinée, qu’ils en ont actuellement six autres en armement pour le même objet ; et que si la traite était favorable, ils pourraient introduire 5 190 nègres aux colonies […] ils jouiront de l’exemption du droit de livres par tête. »
De fait, de nouvelles fortunes, souvent rapides, se font jour à Bordeaux. Les prises de position de Montesquieu contre l’esclavagisme ne pèsent pas lourd face aux puissants acteurs du négoce bordelais. Ces derniers défendent leurs intérêts jusqu’à Paris en 1789.
Le mouvement abolitionniste est néanmoins amorcé, grâce à des personnalités comme André-Daniel Laffon de Ladebat. Ce dernier, commissaire député de la Guyenne, prononce son discours à l’Assemblée, le 13 août 1789, sur « la nécessité et les moyens de détruire l’esclavage dans les colonies ».
L’esclavage est définitivement interdit en 1817, après la déportation de 150 000 hommes, femmes et enfants organisée par les négriers bordelais. Certains d’entre eux poursuivront leur activité clandestinement pendant quelques années.
La naissance des Girondins (pas l’équipe de foot)
Le député girondin Pierre Vergniaud, décapité en 1793.
La création du département de la Gironde intervient en 1790, au détriment de la province de la Guyenne. Des tensions apparaissent localement, certains souhaitant une séparation du Bazadais et du Bordelais, d’autres espérant la formation d’un nouveau département entre la Gironde et les Landes.
Les principaux acteurs de la Révolution à Bordeaux, tels Roland, Brissot, Vergniaud, Guadet, Gensonné, acquièrent une solide réputation, qui dépasse rapidement le périmètre de la cité gasconne, notamment grâce à leur éloquence et leur idéalisme politique. Issus de la bourgeoise, occupant des fonctions d’avocat, de professeur ou de journaliste, on les surnomme les Brissotins ou les Rolandins. C’est à Lamartine que l’on doit le terme de Girondins, au XIXe siècle.
Ils constituent le groupe parlementaire majoritaire à l’Assemblée législative en 1791. Adaptes de la pensée voltairienne, épris de liberté politique, ennemis jurés des partisans de la monarchie constitutionnelle, les Girondins défendent avant tout les valeurs de la bourgeoisie, sans vouloir se soucier des démarches initiées en faveur des couches de la population les plus défavorisées. Ils ne partagent aucunement les revendications et les attentes du peuple révolutionnaire.
Membres du club des Jacobins, ils siègent à gauche de l’Assemblée, où ils développent leurs arguments contre les immigrés (discours du 31 octobre et 9 novembre 1791) puis contre les prêtres réfractaires (discours du 29 novembre).
En mars 1792, le roi Louis XVI appelle plusieurs d’entre eux à occuper différents ministères. Ils contribuent à faire adopter la déclaration de guerre contre l’Autriche un mois plus tard, soulageant ainsi leur soif de combat à l’encontre des dynasties européennes.
Majoritaires à l’Assemblée, occupant les ministères clés, les Girondins alimentent la colère des Montagnards, parmi lesquels Danton, Robespierre et Marat. À leurs yeux, les velléités guerrières sont susceptibles de fragiliser le mouvement révolutionnaire français.
Les revers militaires, le véto du roi à deux décrets révolutionnaires, le départ un peu précipité des trois ministres, les difficultés économiques et l’aveuglement dont ils font preuve face aux attentes populaires poussent les Girondins, fragilisés, à adopter une ligne politique plus ferme.
Lors de la mise en place de la Convention nationale, qui succède à l’Assemblée législative le 21 septembre 1792, ils siègent à droite, face aux Montagnards, avec lesquels, néanmoins, ils abolissent la royauté et proclament l’instauration de la première République. Les tensions entre les deux groupes se font vives.
L’insurrection populaire du 10 août 1792 est un désaveu cinglant pour les Girondins. Ils se retirent du club des Jacobins et ne peuvent s’opposer à la création du Tribunal révolutionnaire et du Comité du Salut public entre mars et avril 1793.
Les Montagnards préparent le coup de grâce et encouragent les sans-culottes « à se mettre en insurrection contre les députés corrompus ». Le 2 juin, les Girondins sont chassés de la Convention. Certains tentent d’initier une révolte fédéraliste contre les Montagnards, rapidement réprimée. Le cri de Vergniaud : « Hommes de la Gironde, levez-vous ! » poussé le 5 mai n’est pas entendu.
Le Tribunal révolutionnaire juge et condamne à mort vingt-et-un députés, guillotinés le 31 octobre. D’autres exécutions suivront tout au long de la Terreur, jusque sur la place Gambetta de Bordeaux, qui vit tomber la tête du député Elie Guadet en 1794.
En mémoire à ses héros, la ville fait ériger, un siècle plus tard, l’impressionnant Monument aux Girondins, colonne toujours fièrement dressée sur la place des Quinconces.
NATURE ET PAYSAGES
La Gironde profite de sa large superficie, la plus importante de France, pour présenter aux visiteurs ébahis sa ribambelle de paysages et de pays. Petit tour d’horizon.
L’estuaire
L’estuaire de la Gironde est le plus vaste d’Europe occidentale et représente le confluent de deux fleuves, la Garonne et la Dordogne, joignant leur cours au Bec d’Ambès. L’origine montagneuse des deux cours d’eau (Pyrénées pour le premier, Massif central pour le second), qui charrient en leur profondeur graves, limons et galets, explique cette couleur si particulière à la « mer de Bordeaux » ou encore la « mer de Garonne ».
Long de 75 kilomètres, doté d’une largeur pouvant atteindre par endroits les 12 kilomètres et couvrant une superficie de 635 km², l’estuaire est composé de paysages variés et différents selon que l’on se trouve sur la rive gauche ou droite.
Sur la rive gauche, les marais, très en aval, s’imposent dans le paysage du Bas-Médoc, avant de laisser la place à de larges vignes, qui profitent allègrement du bienfait des plaines alluviales pour donner naissance à l’un des meilleurs vins au monde.
Sur la rive droite, le territoire est plutôt composé de collines et de falaises. Les vignes y sont moins importantes.
Vue de l’estuaire et de la falaise de Barzan depuis Talmont-sur-Gironde – Crédit photo: Jacqueline Poggi – Flickr
Le charme de l’estuaire, ce sont aussi ses îles qui, parfois, au gré des crues, naissent ou disparaissent. Nombreux sont ceux à pleurer encore l’île de Croûte, mangée par l’eau en 2004. Fort heureusement, à la faveur de la tempête Klaus (si l’on peut dire) en 2009, l’île sans nom (ou île de Cordouan) est apparue grâce à l’accumulation des sédiments sur une surface de quatre hectares.
D’autres îles connaissent une situation géologique plus stable, à l’image de l’île Verte, forte de ses 790 hectares, où s’est posé jadis un petit village de près de 500 âmes. Le Conservatoire du littoral a pu acquérir une quarantaine d’hectares en 2001, dédiés aux oiseaux migrateurs. On continue d’y produire du vin, d’excellente réputation, sous l’appellation Bordeaux supérieur.
L’île de Patiras mérite également le coup d’œil. Située au milieu de l’estuaire, entre Cussac et Blaye, on dit qu’elle servit de lieu de retraite au pirate Dimitri de Monstri. Au Moyen-Âge, l’île accueillit les lépreux de la région.
Les champs de maïs occupent aujourd’hui une bonne partie de son territoire, même s’il subsiste encore quelques vignes.
Le milieu naturel d’exception que représente l’estuaire de la Gironde est propice au développement d’une faune importante et variée. Parmi les poissons migrateurs, il convient de citer l’alose et la lamproie, espèces emblématiques des lieux, que l’on pêche au printemps. La pibale, le maigre et encore l’esturgeon européen ont adopté cet univers aquatique, profitant malgré eux des mesures de sauvegarde mises en place pour empêcher leur disparition.
Les marais de l’estuaire sont des sources de nourriture de première importance pour la centaine d’espèces d’oiseaux migrateurs (aigrette, héron cendré, cigogne blanche, linotte mélodieuse…) qui traverse cette région chaque année. Ces zones humides sont également des lieux de reproduction et d’hivernage.
L’estuaire accueille de nombreuses autres espèces animales, parmi lesquelles le vison d’Europe, la cistude ou encore le crapaud à couteaux, dont le nom est lié à ses tubercules à l’extrémité de ses pattes lui permettant de s’enfouir dans le sable pour passer l’hiver tranquillos.
Enfin, selon les études menées par le Conservatoire Botanique National du Sud Atlantique, près de 400 espèces de végétaux ont été recensées localement, dont l’angélique des estuaires et le sénéçon à feuille de barbarée, aujourd’hui protégé.
Au regard de la superficie qu’il occupe en Gironde depuis déjà un très long moment, le vignoble peut finalement être considéré comme un paysage à part entière. Du Nord du Médoc au Sud-Est de la région des Graves, les vignes, parfaitement entretenues et alignées, se déploient sur 120 000 hectares et permettent, chaque année, la production de six millions d’hectolitres de vin, des chiffres assez réconfortants.
Six régions viticoles apparaissent sur la carte : le Médoc, les Graves, le Sauternais, l’Entre-deux-Mers, le Libournais et enfin le Blayais et Bourgeais.
Sur la rive gauche de l’estuaire puis de la Garonne, les vignes du Médoc, des Graves et du Sauternais profitent de reliefs peu marqués. Sur la rive droite de la Dordogne, le vignoble de Saint-Émilion et de Pomerol s’étire sur des terres plus vallonnées, à flanc de coteaux. Cette petite astuce naturelle permet de drainer le surplus d’eau après une bonne pluie, empêchant ainsi les racines de s’asphyxier.
À chaque région vinicole correspond un ou plusieurs cépages, en fonction de la nature du sol. Ainsi, le Médoc, les Graves et le Sauternais, plus à l’Ouest, profitent d’un sol graveleux acide, propice au cabernet sauvignon. Pour le Blayais, le Libournais et l’Entre-Deux-Mers, où le sol est essentiellement argilocalcaire, le cépage roi est le merlot.
D’autres cépages sont néanmoins utilisés, mais sur des surfaces plus restreintes : le villard noir, le petit verdot, le malbec ou encore le carmenère. Pour le vin blanc (20 % de la production vinicole), les viticulteurs privilégient le sémillon, le sauvignon ou encore l’ugni blanc.
On se doute aisément que l’univers des vins de Bordeaux est vaste et parfois complexe. En fonction de la région, de la nature des sols, du relief des paysages, du choix des cépages ou du savoir-faire séculaire, des dizaines d’appellations ont vu le jour (Saint-Estèphe dans le Médoc, Pessac-Léognan dans les Graves, Premières-Côtes-de-Bordeaux dans l’Entre-Deux-Mers, etc.). Nous vous faisons grâce de la classification des grands crus classés ou du classement des crus bourgeois du Médoc.
Les amateurs de bon vin et de jolis paysages sont chaque année plus nombreux à se laisser tenter par l’œnotourisme, afin d’affûter leur palais et d’aller à la rencontre des producteurs. Pour tous ceux qui auraient trop affûté leur palais et rencontré trop de producteurs, les opportunités d’hébergement sur la route des vins se multiplient. À moins que l’on ne préfère s’endormir à la belle étoile, en chantonnant : « Auprès de ma vigne, qu’il fait bon, fait bon dormir ! »
Les Landes de Gascogne
À l’Ouest de la Garonne, et courant jusqu’au littoral, les Landes de Gascogne occupent une superficie de 1,5 million d’hectares, dépassant allègrement la frontière entre Gironde et Landes.
Les millions de pins qui constituent la forêt ne sont pas le fruit d’une évolution naturelle, mais le résultat de la volonté d’un ingénieur tenace du Second Empire, François Jules Hilaire Chambrelent (FJH pour les intimes), soucieux de poursuivre le travail initié par Nicolas Brémontier en 1786. Brémontier, lui-même ingénieur, fut l’un des premiers en France à lancer une vaste opération de fixation des dunes littorales ou intérieures. Pour ces dernières, il fait planter des milliers de pins maritimes, protégés par des genêts.
Forêts de pins maritimes à proximité de la Teste-de-Buch
Quelques décennies plus tard, Chambrelent pousse l’expérience plus loin. Il constate que le sous-sol imperméable, constitué de sables agglutinés par des sucs végétaux, est à l’origine des eaux stagnantes, surtout en hiver, lorsque les précipitations sont importantes. De fait, cette inondation hivernale et la sécheresse provoquée par les chaleurs d’été rendent le sol infertile. La végétation est composée de bruyères, de genêts et d’ajoncs.
Fort logiquement, l’ingénieur en chef en déduit que l’écoulement de ces eaux superficielles doit être la première étape de l’assainissement des sols. Hélas, la déclivité du terrain est très faible sur l’ensemble du territoire des Landes. La solution passe par le creusement de fossés de 50 à 60 cm de profondeur, en fonction des irrégularités du sol, suivant un « plan bien parallèle à la pente générale du terrain ». Ainsi, l’eau s’écoule régulièrement et le sol est enfin assaini.
Le problème de drainage réglé, FJH comprend que la culture de céréales n’est pas envisageable à court terme. Il faudrait, pour la rendre possible, ajouter au sol sableux un mélange d’argile et de calcaire. Qui plus est, les cultivateurs ne sont pas nombreux dans cette région pauvre et hostile. En revanche, la culture forestière, notamment de pins maritimes et de chênes, apparaît être une alternative crédible.
Ses premières expériences sont couronnées de succès et suscitent l’intérêt des propriétaires locaux. La célèbre forêt des Landes de Gascogne est en train de naître, et à une vitesse surprenante. En cinq ans, plus de 20 000 hectares sont transformés, modifiant le paysage et les habitudes ancestrales des habitants, finalement ravis de ne plus subir un environnement qui les pousse à la misère.
Séduit, l’Empereur Napoléon III en personne, à travers la loi de 1857, impose des travaux d’assainissement à grande échelle.
La culture des pins génère de nouvelles activités très lucratives, comme le gemmage et l’exploitation du bois, contribuant à améliorer les conditions de vie des villageois. Les bergers disparaissent progressivement, les échasses sont de moins en moins utilisées.
Créée et maîtrisée par l’homme, la forêt est paradoxalement une invitation à redécouvrir et à s’imprégner de la nature. Profondes, mystérieuses lorsque la brume s’invite, parfois monotones en raison de la prédominance du pin maritime (80 % de la surface), les Landes de Gascogne offrent pourtant une multitude de milieux naturels à celui qui prend le temps d’observer.
La rivière L’Eyre serpente dans cet univers particulier, dévoilant par endroits un tout autre décor, nourri de frênes, de catalpas et de peupliers. Les rives sont mangées par l’osmonde royale, une grande fougère, et les roseaux. Ici, c’est le territoire du héron cendré, du martin-pêcheur, de la foulque macroule, du bécasseau royal et d’une centaine autres espèces d’oiseaux migrateurs ou sédentaires.
La forêt se compose également de vallées luxuriantes, de clairières de cultures, d’airials ou se regroupent quelques maisons traditionnelles.
Ce monde à part est une invitation à la découverte, qu’elle se fasse avec de bonnes chaussures de marche, en VTT ou à bord d’un canoë. La sensation de liberté, de dépaysement et même d’aventure peut facilement être garantie.
PATRIMOINE ET CULTURES
Un habitat qui contribue à l’identité girondine
La présence millénaire de la vigne a représenté une forte influence sur l’organisation sociale des Girondins. Au XVIIIe siècle, quand les salariés agricoles se contentaient de maisons modestes, généralement composées de deux pièces (salle commune et chambre), les propriétaires et autres bourgeois bordelais épris de soudaine passion viticole faisaient édifier de belles demeures et même des petits châteaux, ayant souvent servi de modèle à des maisons moins prestigieuses pour des raisons de publicité et d’affichage sur les étiquettes des bouteilles.
Parmi les bâtiments remarquables, il convient de citer les chartreuses, bâties par les notables bordelais à la recherche d’une villégiature confortable en pleine nature, mais sans être pour autant trop éloignée de la ville et du monde des affaires.
La chartreuse est édifiée sur un étage, sur la base d’un rez-de-chaussée surélevé. Sa façade affiche de hautes fenêtres et un fronton triangulaire qui marque l’entrée principale. Souvent, des escaliers à double révolution permettent d’accéder à la terrasse ou à l’entrée, apportant indéniablement une touche de majesté à l’ensemble.
Le parc entourant les chartreuses se doit d’être grandiose, parfaitement entretenu et d’influence anglaise. On y accède en poussant des portails un peu revendicatifs de la position sociale du propriétaire.
Dans la zone des Landes, l’habitat a subi une évolution, due en grande partie à l’apparition de nouvelles activités, comme la récolte de résine ou le commerce de bois. Les propriétaires ont progressivement abandonné leurs logis traditionnels construits en torchis et colombages, récupérés par les métayers, au profit de solides maisons en pierre.
Chaque pays du département aborde une architecture différente, au regard de l’environnement et des ressources naturelles à proximité. Le Pays de Buch respecte la tradition landaise, avec des maisons dont l’auvent, dit estandad, protège la façade. Dans le Nord du Bazadais, les moellons extraits des carrières de la vallée du Ciron sont utilisés pour édifier les demeures.
Le patrimoine architectural de la Gironde dépend aussi d’Arcachon et du style inimitable de ses maisons. La ville, habitée par des pêcheurs, s’est transformée sous le Second Empire en station balnéaire prisée par la bourgeoisie et l’aristocratie européenne.
De magnifiques villas voient le jour, dont l’architecture, pour le moins variée, s’inspire de différents styles : néogothique, néoclassique, mauresque, colonial, etc. On y trouve même des chalets suisses. Les toitures sont généralement à large débord, ornementées de lambrequins dentelés.
Chaque villa est affublée d’un nom, parfois original et empreint d’humour : Silence de la mer, Giroflée, Nénette, Fantaisie, la Joconde…
À Bordeaux, les fameuses échoppes contribuent grandement à l’identité de la ville. Les premières sont construites au XVe siècle à destination des commerçants et des artisans. Trois siècles plus tard, sous le Second Empire, elles sont dédiées à l’habitation des employés et ouvriers.
Les échoppes sont des maisons basses, la plupart du temps d’un seul niveau, édifiées en pierre de taille, dont la façade varie de 5 à 10 mètres et la longueur dépasse souvent la vingtaine de mètres.
La cave, à laquelle on accède par un escalier pour le moins abrupt, est une pièce vitale où l’on conserve le vin, le jambon, le charbon, le bois.
À l’arrière, on trouve souvent une cour ou un jardin de quelques dizaines de mètres carrés, qu’un mur de séparation protège du voisinage.
Souvent considérées comme identiques, contribuant à rendre les rues monotones, les échoppes révèlent pourtant des décors de façade originaux, composés notamment de moulures sculptées autour de la porte et des fenêtres et de fort jolies corniches au sommet des murs.
On en dénombre plus de 10 000 à Bordeaux. Réhabilitées et réagencées pour répondre au confort moderne, elles constituent aujourd’hui un logis apprécié des citadins.
Une longue tradition de pêche et d’ostréiculture
La géographie de la Gironde a toujours été une invitation à la pêche : littoral atlantique, estuaire de la Gironde, Garonne et Dordogne, bassin d’Arcachon, lacs, étangs, rivières… Fort logiquement, l’activité s’est développée au cours des siècles, pratiquée par des professionnels mais aussi par de nombreux amateurs, chacun considérant que l’accès à l’eau et à ses ressources est un droit traditionnel.
Néanmoins, la raréfaction des ressources a changé les règles. Au début du XXe siècle, la pêche à la sardine représente une activité économique à part entière du bassin d’Arcachon. Les pinasses qui parcourent la petite mer intérieure dès le printemps sont nombreuses et les prises faites au filet, que l’on appelle aussi la chardinèira, sont nombreuses. Pas moins de sept conserveries s’établissent à Gujan-Mestras.
Aujourd’hui, l’activité a quasiment disparu et les conserveries ont toutes fermé. On continue quand même de fêter la sardine chaque été à Gujan, en souvenir des temps prospères.
Longtemps pratiquée aux abords du littoral, la pêche à la senne reposait sur une organisation bien rodée et permettait de récupérer des volumes conséquents de poissons sans pour autant atteindre le large.
Un groupe d’hommes marchait le long de la plage, avec la mission de repérer les éventuels bancs de poissons. Sur l’eau, la pinasse accompagnait cette marche à quelques mètres. Dès que le signal était donné par le groupe terrestre, les marins se rapprochaient du sable afin de donner la corde du filet aux marcheurs. La pinasse se plaçait alors à l’arrière du banc en vue d’initier une manœuvre d’encerclement jusqu’à gagner une nouvelle fois le rivage. Ensuite, les hommes de la pinasse et ceux de la plage tiraient les deux bouts du filet et ramenaient ainsi leur précieux butin au sec.
Force est de constater que ces pêches artisanales, encore pratiquées il y a quelques décennies, ont disparu au profit d’une activité plus professionnelle. La flottille du port d’Arcachon privilégie aujourd’hui la pêche au chalut de fond et aux filets.
Sur le bassin, quelques dizaines de professionnels continuent d’assurer leur activité. Les espèces les plus pêchées sont la daurade royale, le bar commun, la seiche, le mulet ou encore la sole. Il convient d’ajouter que les coquillages (coques, palourdes…) constituent les stocks les plus importants.
Sur l’estuaire, la pêche vise avant tout les espères migratrices, comme l’alose, la lamproie, le maigre, la pibale ou encore l’esturgeon, au gré des saisons correspondant à leur présence dans les eaux girondines.
Le bar, le carrelet, la crevette grise, la sole et le mulet sont également pêchés.
Les techniques utilisées passent notamment par l’utilisation du tramail, un filet lesté à trois rangs de mailles. Les poissons sont capturés dans le filet intérieur et sont retenus par les grandes mailles du filet extérieur.
La technique la plus emblématique de l’estuaire est celle dite du carrelet, nom du filet carré, monté sur deux cerceaux et suspendu à une armature, elle-même fixée sur le ponton d’une cabane surélevée. Le pêcheur descend le filet, patiente quelques minutes puis le remonte, à l’aide d’un treuil, en espérant avoir fait quelques prises.
Les excès de la pêche humaine et la pollution des eaux ont contribué à la raréfaction des ressources. L’esturgeon européen a quasiment disparu de l’estuaire, la pibale se fait de plus en plus rare, tout comme l’alose et la lamproie.
Face à cette situation inquiétante, différentes démarches politiques ont été initiées. A la question posée par un sénateur, le ministère de l’Écologie a répondu (JO Sénat du 3/01/2013) :
« Les principaux acteurs concernés par la gestion de ces espèces, les pêcheurs professionnels et amateurs, marins et fluviaux, les hydroélectriciens, les agriculteurs, les associations de protection de l’environnement, associations « grands migrateurs » ont été réunis afin d’établir une stratégie nationale de gestion des poissons migrateurs amphihalins, qui a été validée fin 2010. Cette stratégie insiste sur la nécessité d’agir sur la qualité des milieux et la continuité écologique. »
Enfin, quand on parle de la Gironde, on pense quand même un peu à ses délicieuses huîtres du bassin d’Arcachon, que l’on savoure avec un bon p’tit vin blanc de l’Entre-Deux-Mers.
Dégustation des huîtres au village de L’Herbe (Cap-Ferret) – Crédit photo : O.S. pour FranceSudOUest
L’ostréiculture se développe lors de la seconde moitié du XIXe siècle. Jusqu’à cette période, on se contentait de cueillir l’huître sur les bancs naturels, sans trop se soucier de la reproduction ou de l’élevage.
Il est vrai qu’elle jouissait déjà d’une solide réputation depuis déjà quelques siècles. Jacques-Auguste de Thou, premier Président du Parlement de Paris, écrit dans ses Mémoires en 1620 (attention, français d’époque dans son jus) :
« Ces Meffieurs firent dreffer une table pour dîner fur le rivage ; comme la mer étoit baffe, on leur aportoit des huîtres dans des paniers ; ils choififfoient les meilleures & les avalloient fi tôt qu’elles étoient ouvertes ; elles font d’un goût fi agréable & fi relevé qu’on croit refpirer la violette en les mangeant. »
Un siècle plus tard, la surexploitation pousse le Parlement de Bordeaux à interdire la pêche pendant trois ans, de 1750 à 1753. Décision politique judicieuse. Les bancs se reconstituent, générant une nouvelle pêche déraisonnable.
En 1848, l’espèce est menacée et, progressivement, l’idée d’élevage se met en place, renforcée par l’innovation de Jean Michelet, maçon de son état, qui met au point la technique de chaulage. Elle consiste à enduire les tuiles rangées dans un collecteur de chaux et de sable. Ainsi, l’ostréiculteur peut retirer les jeunes huîtres sans aucun risque.
L’ostréiculture prend réellement son essor. De nombreux pêcheurs artisanaux abandonnent leur activité et se convertissent à l’élevage de la gravette. Cette espèce doit cependant cohabiter quelques années plus tard avec l’huître portugaise, apparue sur les côtes girondines à la suite de cargaisons jetées à l’eau par un bateau de commerce en 1868. La portugaise remplace progressivement la gravette.
Au début des années 1970, une épizootie décime quasiment tous les bancs d’huîtres du bassin. La portugaise disparaît à son tour, au profit de la crassostrea gigas, importée du Japon. Cette espèce est toujours commercialisée.
Aujourd’hui, l’ostréiculture arcachonnaise se déploie à travers 23 ports, impliquant plus de 300 entreprises et un millier d’emplois, pour un chiffre d’affaires annuel de 40 M€. La surface ostréicole s’étend sur 2 000 hectares. La production avoisine les 20 000 tonnes annuelles.
Les nostalgiques de la gravette se consoleront un peu en apprenant qu’elle n’a pas complètement disparu et qu’il est toujours possible de se régaler de son arrière petit goût de noisette qui fit sa réputation.
Menacé de disparition à la fin du XIXe siècle, un peu chahuté tout au long du XXe, le célèbre couteau a su négocier un formidable retour.
Olivier Sorondo 11 janvier 2016 – Dernière MAJ : le 3 mars 2021 à 14 h 43min
Crédit photo: La Coutellerie nontronnaise
Une longue histoire
Les Petrocorii, tribu gauloise installée en terres nord-périgourdines, étaient réputés pour la qualité de leur travail du fer, profitant des gisements de minerais riches en manganèse.
La région de Nontron offre, il est vrai, toutes les ressources naturelles nécessaires à la production de couteaux : des forêts composées d’une large variété d’arbres, un sol généreux en minerai de fer, les eaux très fraîches de la rivière Bandiat, parfaites pour la trempe les lames.
Tout au long du Moyen-Age, les Compagnons couteliers faisaient étape à Nontron lors de leur Tour de France. Au XIIIe siècle, Guillaume de la Villeneuve cite les « couteax de Pierregort » (couteaux de Périgueux) dans son Dit des crieries de Paris, qui décrit l’activité des marchands ambulants de la capitale.
Il est également avéré que l’épée du roi Charles VII (1403-1461) fut forgée à Nontron, un gage de qualité lorsqu’on regarde le CV guerrier plutôt fourni du compagnon d’armes de Jeanne d’Arc.
En 1653, Guillaume Legrand, maître coutelier parisien, tombe follement amoureux de Marie Belleterie, Nontronnaise pure souche, l’épouse et décide de s’installer en Périgord vert. Coup double ! En plus de gagner une femme aimante, il constate rapidement le potentiel de la région et initie la production artisanale et structurée des couteaux de Nontron. Ses descendants prendront le relais pendant quelques décennies et contribueront certainement à assoir la tradition coutelière de la magnifique bourgade périgourdine.
Au XVIIIe siècle, l’activité sidérurgique s’impose en Dordogne. Les forges se multiplient le long des rivières. Une quarantaine de coutelleries voit le jour, dont cinq à Nontron, parmi lesquelles la coutellerie Bernard, gérée par deux frères et leurs quatre fils. L’un d’entre eux, Guillaume, se marie en 1777 à Marguerite Petit et initie son beau-père. Les familles Bernard et Petit dominent la production locale tout au long du XIXe siècle, même si d’autres couteliers contribuent à la renommée du fameux couteau : Bardy, Bouchaud, Mériguet…
Les couteaux Petit sont remarqués dans de nombreuses expositions commerciales et industrielles. En 1849, André Petit, très ému, est récompensé à l’exposition quinquennale des produits de l’industrie de Paris. Une médaille lui est également remise lors de l’exposition universelle de Paris en 1900. Le sacre.
Ville de Nontron – Crédit photo: Patrick Nouhailler – Flickr
L’artisanat nontronnais est à son apogée, la maîtrise technique impressionne. Un document de 1827 relate la fabrication de couteaux si minuscules qu’ils peuvent être rangés dans une coquille de noix. Ces mini-pièces sont d’ailleurs toujours conçues aujourd’hui.
Les couteliers enrichissent et diversifient leur production, au-delà du simple couteau. Ainsi, des ciseaux, des rasoirs et même des sécateurs commencent à sortir des ateliers.
Hélas, la fin du XIXe et le début du XXe marquent un coup d’arrêt au développement de la petite industrie nontronnaise. Les couteliers n’ont certainement pas su anticiper suffisamment les nouvelles attentes des clients, les évolutions des procédés de fonte ou adapter leurs outils de production et doivent fermer boutique les uns après les autres. En 1905, seules deux coutelleries perdurent, dont l’entreprise Petit, qui deviendra l’unique fabricant à partir de 1928. Elle change de nom, au profit de la Coutellerie Nontronnaise. En 1931, elle est rachetée par Alphonse Chaperon, le garagiste de la ville.
Son fils Gérard assure la direction de l’établissement de 1943 à 1986, date à laquelle il est acquis par Bernard Faye, qui le cède finalement à la société Forge de Laguiole en 1992.
Le dernier rebondissement intervient en 2007 lorsque la Forge de Laguiole dépose son bilan. Son repreneur, Thierry Moysset, assure depuis la gérance de la Coutellerie Nontronnaise, qui emploie une petite vingtaine d’artisans, dont les mains expertes façonnent chaque année près de 60 000 pièces. L’entreprise, qui a su diversifier sa production et contribuer à préserver le savoir-faire séculaire, continue de nourrir la culture locale, que l’on n’imagine pas voir disparaître un jour.
Les amateurs de belles choses peuvent se rendre à l’atelier, magnifique bâtiment dessiné par Luc Arsène-Henri en 2000, afin d’observer le minutieux travail de l’équipe de la coutellerie..
Fabrication artisanale avant tout
C’est un fait : le couteau de Nontron est une très belle pièce, reconnaissable entre mille. Sa fabrication, loin de la production quasi industrielle des Opinel, nécessite une quarantaine d’opérations, toutes réalisées manuellement par le même artisan.
Chaque maître-coutelier conçoit une vingtaine de pièces par jour. Ce sont environ 60 000 unités qui sortent de l’atelier chaque année.
Les lames, en forme de feuille de saule, ne sont plus forgées ni conçues sur place depuis 1928. L’acier provient des aciéries de Bonpertuis, en Isère, puis les lames sont forgées à Laguiole avant d’être envoyées à Nontron.
Les couteaux de poche bénéficient d’une lame en acier au carbone, qui s’oxyde au fil des années, alors que l’acier des couteaux dédiés à la cuisine est enrichi de chrome afin de rendre la lame inaltérable.
Le bois utilisé pour le manche est généralement du buis, coupé après une quinzaine d’années dans les forêts environnantes, et séché pendant quatre ans. Néanmoins, certains manches sont conçus à partir d’autres variétés de bois dur : genévrier, amourette, ébène, bois de rose ou palissandre.
Le coutelier découpe d’abord les branches de bois à l’aide d’une scie à ruban. Les pièces sont ensuite tournées en utilisant un outil dédié, qui apporte la forme définitive au manche. Plusieurs finitions sont possibles : queue de carpe, violon, boule, sabot…
Une fois le manche terminé, l’artisan procède à l’assemblage, consistant à installer la virole fixe, monter la lame, riveter le clou, placer la virole tournante.
L’opération de pyrogravure peut être considérée comme la signature du Nontron. Le coutelier utilise deux fers : le premier pour les pointillés, le second pour le fameux motif en forme d’arc entouré de trois points.
Un motif mystérieux…
Les supputations ont d’ailleurs toujours été nombreuses et diverses autour de la signification de cet étrange motif. Compas tiré du symbole des Compagnons du Devoir ? Clin d’œil maçonnique ? Signe du « Vittor » des étudiants de Salamanque au XVIe siècle pour fêter leurs diplômes ? Dessin maure, témoignage des invasions sarrasines en Périgord au VIIIe siècle ? Le mystère reste entier et insoutenable.
Enfin, la dernière étape de conception, et non des moindres, est la finition. Après une minutieuse observation de la pièce qu’il vient d’assembler, le coutelier procède au ponçage et au polissage du manche, au réglage de la lame et à son affûtage.
Alléluia ! C’est terminé. Le plus ancien couteau fermant de France, rustique mais sophistiqué, doré mais modeste, sage mais joueur, vient une nouvelle fois de prendre vie dans les mains de l’artisan, continuant de nourrir la longue histoire de la coutellerie périgourdine..
S’adapter au marché d’aujourd’hui
S’il n’est certes plus le fidèle compagnon des paysans périgourdins (même si cela demande à être vérifié), le couteau de Nontron profite de la qualité de sa fabrication et de ses siècles de présence pour répondre aux attentes des collectionneurs et des clients à la recherche de produits soignés.
Depuis l’année 2000, la Coutellerie Nontronnaise fait régulièrement appel à des designers prestigieux qui apportent un regard nouveau et leur créativité. Ainsi, Christian Ghion, créateur du vase Gorgonia pour Daum Design et de nombreux flacons pour Dior et Saint-Laurent, a dessiné les collections TD ou Kanjin. Sa gamme de couverts a obtenu en 2009 le 1er prix des TADI (Trophées Aquitains de Design Industriel).
Olivier Gagnère, à qui l’on doit diverses créations pour les porcelaines Bernardaud, a quant à lui conçu les pièces de la collection qui porte son nom. La réputation du Nontron a permis d’orienter la fabrication vers d’autres gammes de produits : fourchettes, casse-noix, couteaux à pain, pelles à gâteau… Mieux, les objets des arts de la table sont dotés de manches en frêne densifié, une astuce leur permettant de subir les assauts répétés du lave-vaisselle, ce qui n’aurait pas été le cas si le buis avait été conservé.
Aujourd’hui, bon nombre de ces pièces intègrent des tables prestigieuses à travers le monde. En France, on les trouve notamment au Château du Prince Noir, de Jean-Marie Amat, au Saint-James de Michel Portos ou encore à l’Auberge du Vieux Puits de Gilles Goujon.
Enfin, le couteau de Nontron est fièrement représenté chaque année à la Fête du Couteau, organisée dans la même ville, qui attire des milliers de visiteurs au début du mois d’août. L’évènement est l’occasion de réunir une centaine de couteliers du monde entier et de découvrir tout le processus de fabrication des couteaux. Les plus passionnés peuvent même s’essayer à la forge.
La présence humaine est attestée en Dordogne depuis 450 000 ans. Ce furent d’abord les Homo erectus ou Acheuléens, dont des traces ont été découvertes dans le gisement de la Micoque aux Eyzies, puis les Hommes de Néandertal (-100 000 ans), repérés au Moustier, et les Homo sapiens sapiens (-35 000 ans), aussi connus comme les Hommes de Cro-Magnon, selon le nom du lieu-dit aux Eyzies.
Les Homo erectus (dont le qualitatif est tiré du fait qu’ils se tenaient droit et marchaient sur leurs deux pieds) savaient allumer un feu, tailler des silex, dits bifaces, et édifier des huttes sommaires à l’aide de branchages. Leur survivance reposait sur la chasse et la cueillette de végétaux.
Les Hommes de Néandertal ont également vécu dans la région périgourdine, jusqu’à leur disparition vers -35 000. À la différence des Acheuléens, les Néandertaliens enterraient leurs morts. Des tombes d’adultes et d’enfants ont ainsi été retrouvées au Moustier, au Pech de l’Aze ou encore à la Ferrassie.
Ce furent enfin les Homos sapiens sapiens, sans doute originaires de l’Est de la Méditerranée, qui s’installèrent en terres périgourdines. Les Hommes de Cro-Magnon, considérés comme nos ancêtres directs, savaient concevoir des statuettes, peindre sur les parois des grottes, fabriquer des outils, pêcher des poissons à l’aide d’hameçons et profiter des nombreuses ressources offertes par leur territoire. En revanche, il semblerait qu’ils n’aient jamais dépassé les phases éliminatoires de Questions pour un champion.
Grâce aux fouilles menées depuis 1863, plus de 200 gisements préhistoriques ont été découverts en Dordogne, principalement dans la zone des Eyzies-de-Tayac et tout au long de la Vézère et de la Beune. Ainsi, l’abri de Laugerie-Haute a servi de refuge pendant des millénaires aux populations préhistoriques. Le gisement de la Madeleine, en aval de Tursac, a révélé lors des premières fouilles d’innombrables richesses : outils en ivoire, accessoires de parures, silex taillés et même une plaquette d’ivoire affichant un magnifique dessin de mammouth. L’abri du Moustier a permis d’exhumer le squelette d’un adolescent de type néandertalien.
Dans le domaine de l’art pariétal, la grotte des Combarelles provoqua l’étonnement puis la joie des préhistoriens, dont le célèbre abbé Breuil, lors de son exploration en 1901. Près de 300 figures y furent découvertes (pour la plupart gravées), datant du magdalénien et représentant notamment des animaux, une main cernée de noir, des formes humaines et même des anatomies génitales, ce qui tendrait à prouver que les graffitis vulgaires que l’on observe parfois sur les murs de nos cités modernes seraient en fait l’œuvre de personnes particulièrement cultivées et férues d’histoire.
En 1940, quatre adolescents découvrirent accidentellement, à proximité de Montignac, une grotte dont les parois étaient ornées de somptueuses fresques d’animaux, éclatantes grâce à leurs coloris préservés depuis près de 17 000 ans. La grotte de Lascaux suscita rapidement l’engouement phénoménal du public et des scientifiques. Les visites de multiplièrent et, en l’espace d’une vingtaine d’années, la pollution engendrée par les curieux commença à dégrader les peintures. Il fut décidé de fermer définitivement le site en 1963.
La dernière découverte est celle de la grotte de Cussac, en septembre 2000, à proximité de la commune du Buisson de Cadouin. La grotte révèle des centaines de gravures d’animaux (mammouths, chevaux, rhinocéros…) dont certaines sont gigantesques. On y a également retrouvé des ossements humains de plus de 29 000 ans.
Par souci de conservation, la plupart des sites préhistoriques de la Dordogne sont fermés au grand public. Il est possible de se consoler en visant le site de Lascaux II, fac-similé situé à 200 mètres de la grotte originale. Les plasticiens ont effectué un travail de grande qualité, reproduisant, au centimètre près, les peintures originales de la salle des Taureaux et du diverticule des Félins. La précision de la reconstitution semble avoir séduit le public puisque 250 000 visites sont enregistrées chaque année.
Enfin, les passionnés de grottes et de silex peuvent visiter le musée national de la Préhistoire, aux Eyzies, qui conserve des dizaines de milliers de pièces issues du paléolithique. Il convient de mentionner également le centre d’accueil du pôle international de la Préhistoire, ouvert depuis 2010, dont la vocation est de valoriser le patrimoine de la vallée de la Vézère. Le centre fournit toutes les explications utiles à ceux qui envisagent d’emprunter le parcours des sites préhistoriques et de s’imprégner d’une époque au cours de laquelle les hommes réussissaient à (sur)vivre sans smartphone ni GPS. Chapeau.
L’Antiquité et le Moyen-Âge
Les terres de la Dordogne, essentiellement les vallées de l’Isle, de la Vézère et de l’Auvézère, furent longuement habitées par les Petrocorii (ou encore Pétrocores ou Prétocoriens), peuple gaulois d’origine celte, dont l’étymologie signifie « quatre tribus » ou bien « quatre armées », selon les historiens. C’est d’ailleurs ce terme de Petrocorii qui a fini par donner le nom de Périgord.
En -52, les Prétocoriens, réputés pour l’excellence de leur travail du fer, envoyèrent 5 000 hommes prêter main-forte à Vercingétorix pour lutter contre l’invasion des légions romaines, en toute connaissance de cause si l’on se réfère à ce court passage historique :
« Prends garde, fier Pétrocorien,
Réfléchis avant de prendre les armes,
Car, si tu es battu,
César te fera couper les mains ! »
C’est donc légèrement amputés que nos ancêtres durent se résoudre à accepter la présence romaine dans leurs belles contrées, qui était déjà avérée depuis quelques décennies. La culture, la langue, la pratique religieuse changèrent. Les terres reçurent de nouvelles cultures, comme le châtaignier et la vigne. L’architecture urbaine se modifia, au profit d’un agencement en plan ordonné autour de deux axes : le cardo (nord-sud) et le decumanus (est-ouest). Vesunna (Périgueux) qui devint une cité réputée et prospère, riche de 10 000 habitants, illustre bien ce nouvel agencement citadin. Les curieux peuvent retrouver quelques vestiges, comme ceux de l’amphithéâtre (construit au 1er siècle, considéré comme l’un des plus vastes de Gaule) et des remparts de l’ancienne citadelle.
Au Ve siècle, les Wisigoths installèrent leur empire en Aquitaine et dans tout le midi de la Gaule. En 507, la bataille de Vouillé, aussi brève que violente, contraria quelque peu les projets du roi Alaric II, ce dernier se faisant transpercer par l’épée vengeresse de Clovis en personne, rois des Francs et guerrier redoutable. Désemparés, les Wisigoths prirent la sage décision de décamper plus au Sud. Grâce à cette victoire, qui précéda la conquête de Toulouse un an plus tard, Clovis repoussa les limites du royaume jusqu’aux Pyrénées.
Quand même un peu fatigués par toutes ces invasions de gens pas forcément sympas (on ne parle même pas de celles des Gascons et des Normands), les habitants du Périgord durent encore supporter les hordes sarrasines au début du VIIIe siècle. Leur présence est toujours visible à travers le nom de certaines communes du département : Maurens, Sarrasac, Mauriac…
Le Périgord fut ensuite érigé en comté et rattaché au royaume d’Aquitaine, sous l’impulsion des Carolingiens. Au cours du Xe siècle, quatre baronnies se firent jour : Mareuil, Brison, Bourdeilles et Beynac, toutes dévouées à la cause royale.
Parmi la lignée de comtes, l’histoire retient Adalbert, réputé pour son appétit guerrier, successeur d’Hélie de Talleyrand-Périgord. En juillet 987, la proclamation d’Hugues Capet comme roi de France sonne le glas de la dynastie carolingienne. Le nouveau souverain, élu par les vassaux, doit faire face à Adalbert, qui combat le comte de Blois aux portes de Tours. Le roi lui enjoint par lettre de lever le siège et lui rappelle que les comtes sont avant tout des fonctionnaires au service de la royauté. Piqué, Adalbert lui répond que ce sont pourtant les ducs et les comtes qui l’on élu roi.
L’échange est resté célèbre :
« – Adalbert, qui t’a fait comte ?
– Hugues, qui t’a fait roi ? »
Ca-ssé !
Aliénor d’Aquitaine
En 1154, le mariage de la jolie duchesse Aliénor d’Aquitaine avec Henri II Plantagenêt fit basculer le Périgord du côté british de la force, ce qui émoussa quelque peu l’humeur pourtant joviale des comtes périgourdins. De longues décennies durant, des châteaux furent édifiés et de nombreuses batailles engagées contre l’envahisseur angloy. Ainsi, en 1356, les assauts de l’armée anglaise contre la ville de Périgueux furent repoussés à trois reprises. Mieux encore, jamais Sarlat-la-Canéda ne courba l’échine face aux Anglais. Le Périgord dut néanmoins faire face à des épisodes moins heureux tout au long de la guerre de Cent Ans, comme les violentes chevauchées du Prince Noir, fils d’Edouard III, et de son armée, dépêchés sur place pour défendre les possessions familiales. Fort heureusement, Bertrand du Guesclin parvint à reprendre quelques territoires, dont Bourdeilles en 1377 et Saint-Astier en 1379.
Au terme de multiples soubresauts et changements de souverains, le comté du Périgord rejoignit la couronne de France en 1454, non sans une dernière petite baston entre amis, qui est restée gravée dans l’histoire : la bataille de Castillon.
De la Renaissance à la Dordogne
Ce qu’il y a de bien avec les guerres, c’est que même quand on n’en veut plus, il y en a encore. Aux conflits territoriaux succédèrent les luttes religieuses. Au XVIe siècle, le Périgord fut particulièrement perméable à la Réforme et à l’expansion du protestantisme. Périgueux tomba ainsi en 1575 sous l’influence de Guy de Montferrand, dit Langoiran, et son fidèle copain Geoffroy de Vivans. La cité resta aux mains des protestants jusqu’en 1581, date à laquelle ils furent renversés par les catholiques. D’autres villes périgourdines subirent également les sanglantes ambitions des protestants à cette période : Bergerac, Monpazier, Ribérac, Nontron…
L’édit de Nantes, promulgué en 1598 par le roi Henri IV, mit un terme aux troubles secouant le Périgord et les autres territoires du royaume. La révocation du verset religieux de l’édit, décidée par Louis XIV en 1685, provoqua finalement l’exil de milliers de protestants des principales cités de la région. Beaucoup d’entre eux s’installèrent définitivement en Hollande.
La Révolution française ne souleva pas de puissants bouleversements à l’échelle locale – quelques nobles décapités pour marquer le cou(p) – et permit la création du département de la Dordogne en 1790, aux contours proches de l’ancienne province du Périgord.
NATURE ET PAYSAGES
♫♫ « Pourtant, que l’Périgord est rare,
Comment, peut-on s’imaginer,
En voyant un vol de canards,
Que l’hiver vient d’arriver ? » ♫♫
Telles auraient pu être les paroles de la célèbre chanson de Jean Ferrat si ce dernier avait jeté son dévolu sur cette province du Sud-Ouest.
Tout le monde le reconnaît : la Dordogne, c’est très joli. Cette beauté naturelle s’explique peut-être par la foultitude des petits pays qui composent le département. On apprécie tout autant les denses forêts de chênes, les murailles calcaires au sommet desquelles se dressent de fiers châteaux, les rivières sinueuses qui traversent les vallées et les coteaux mangés par la vigne.
L’omniprésence du sol calcaire et la densité des cours d’eau souterrains ont contribué à la naissance d’un grand nombre de gouffres et de grottes, pour la plus grande joie des spéléologues.
Ce cadeau de la nature a suscité la création de trois réserves: Liorac, marais de Groléjac et Peyssac.
La forêt est maîtresse en terres périgourdines, puisqu’elle occupe près de la moitié de la superficie (400 000 hectares). Elle est essentiellement composée de chênes, de noyers, de châtaigniers de frênes et de hêtres, mais les résineux marquent une belle progression, jusqu’à occuper 100 000 hectares.
La profusion des cours d’eau s’accompagne naturellement d’une grande diversité de poissons, parmi lesquels il convient de citer le saumon atlantique, la lamproie fluviatile, la carpe, la truite ou encore l’esturgeon. Plus au sec, la faune se compose de différentes espèces animales : sangliers, blaireaux, chevreuils, lièvres, grands corbeaux et encore faucons pèlerins à flanc de falaises.
Il est d’usage de considérer la Dordogne selon une palette polychromique, chaque Périgord revendiquant fièrement sa particularité et la richesse de son terroir.
Le Périgord vert
C’est Jules Verne qui est à l’origine de l’expression, après un séjour dans le pays de Brantôme. L’écrivain avait remarqué la prédominance des prairies et des forêts dans cette partie nordique du département, où tombe souvent la pluie et émergent les rivières comme la Dronne, l’Isle ou le Bandiat qui vont ensuite devenir plus matures et imposantes dans les vallées du Périgord, plus au sud.
Le Périgord vert est une terre de polyculture, qui privilégie l’élevage. Il n’est pas rare d’observer les gentilles vaches limousines se la couler douce dans les nombreux prés aux abords des petites routes.
Les amoureux de la nature ne manqueront pas d’aller à la découverte du parc naturel régional Périgord-Limousin, qui fut créé en 1998. Proposant une superficie de près de 2 000 km², habité par 50 000 Périgordins, l’espace est richement doté de forêts de châtaigniers, de plateaux calcaires, de rivières vives et autres sites naturels magnifiques. On y organise chaque année des fêtes qui valent le détour (festival des bandas, fête du cèpe, carnaval des Soufflets…) et de nombreux édifices et musées sont ouverts au public.
La Dronne à Brantôme, au cœur du Périgord vert – Crédit photo: O.S. pour FranceSudOuest
Le Périgord blanc
Plus au sud, après avoir traversé la noble forêt de la Double, se distingue le Périgord blanc, dont l’appellation est tirée des plateaux et des falaises calcaires, sans oublier les pierrailles du Causse. Composé des vallées de l’Isle et de l’Auvezère et de paysages joliment vallonnés, le pays regroupe entre autres les communes de Périgueux, de Saint-Astier, de Neuvic ou encore de Sorges.
Les sols de cette partie du département, essentiellement composés de sable et d’argile, ne permettent pas une polyculture aussi riche qu’en Périgord vert mais la diversité de ses terrains autorise de jolies productions de blé, de maïs, d’orge et de fraises.
Le Périgord pourpre
C’est la couleur que prennent les feuilles de vignes à l’automne qui est à l’origine de l’appellation de ce territoire du département situé au Sud-Ouest. Nous sommes ici dans le pays de Bergerac, de Monbazillac et de Monpazier. Le climat agréable contribue aux nombreuses cultures du pays, comme le maïs, les vergers, le tabac. C’est avant tout la terre des vignobles et des bastides.
Le Périgord noir
Enfin, au Sud-Est se trouve la dernière entité du département, qui tire son nom des épaisses forêts de chênes-verts et de châtaigniers dont la canopée assombrit les paysages. Le Périgord noir est essentiellement calqué sur l’arrondissement de Sarlat-la-Canéda et l’on y trouve la majeure partie des sites préhistoriques (Lascaux, Les Eyzies…) ainsi que les châteaux hauts perchés de la vallée de la Dordogne (Domme, Castelnaud…). Les gastronomes trouvent ici la béatitude grâce à la truffe et au cèpe, sans oublier la production de foie gras.
Forte d’une histoire qui remonte aux temps préhistoriques, la Dordogne peut s’enorgueillir d’un patrimoine copieux et varié constitué à travers les siècles : grottes ornées, dolmens et mégalithes, villages gaulois puis cités romaines, églises bâties dès le XIe siècle, châteaux et forteresses, bastides… Après Paris, c’est le département de France affichant le plus grand nombre de monuments historiques.
L’on dit du Périgord que c’est la terre aux mille et un châteaux. Cette surproductivité architecturale s’explique essentiellement par l’esprit de rébellion qui habita moult nobliaux hostiles aux attentes du comté du Périgord. De nombreuses forteresses furent alors érigées, aidées en cela par les tensions entre Plantagenêts et Capétiens, comme en témoignent les solides constructions de Beaumont-du-Périgord ou de Monpazier. Il convient également de mentionner les terribles invasions que subit le Périgord tout au long des siècles, sans omettre la guerre de Cent Ans, qui a encouragé l’édification de châteaux forts et de bastides.
On trouve aussi, et fort heureusement, de magnifiques bâtisses sans vocation guerrière ou défensive. Généralement construites au cœur de grands domaines, elles servaient d’habitations principales ou de lieux de plaisance, à l’image de Château-l’Evêque ou de Vaugoubert.
La Dordogne est également remarquable par la diversité de ses demeures, qu’elles soient à colombages, creusées dans le roc, à toiture constituée d’ardoises, de tuiles ou de lauzes. À l’instar de nombreux autres territoires du pays, les matériaux ayant servi à la construction des habitations ont été trouvés à proximité. Ainsi, dans la région de Nontron, le granit est souvent utilisé ; dans le Ribéracois, la forte présence du calcaire influe sur l’architecture des maisons ; dans le pays de la Double, à l’ouest du département, ce sont l’argile et le bois qui ont constitué les matériaux de base.
Ce foisonnement patrimonial représente une sacrée aubaine pour les films dont le scénario évoque les temps passés. Parmi les multiples tournages, citons Le capitan, tourné en 1960 à Biron avec le virevoltant Jean Marais, Les duellistes, réalisé par Ridley en 1977 ou encore La fille de d’Artagnan, avec la very jolie Sophie Marceau, tourné en 1994. Ah, il faut la voir à dos de cheval dans les ruelles du village, se battre comme une furie avec sa longue épée sur la toiture du château, paraître innocente, belle et fraîche dans sa jolie robe jaune pinson.
Au regard d’une histoire aussi riche, les Périgourdins (ou Périgordins, c’est selon) revendiquent fièrement les traditions qui se sont nourries des siècles passés. L’occitan y fut parlé dès le Xe siècle, grâce notamment aux histoires narrées par les troubadours de villages en bastides. On continue d’ailleurs de rendre hommage à cette culture occitane chaque année en Dordogne, à travers la Félibrée, organisée le premier dimanche de juillet dans un chef-lieu de canton, et ce depuis 1903. La fête folklorique réunit à chaque manifestation plusieurs dizaines de milliers de personnes. Le Président du Bournat, l’association en charge de l’évènement, a bien résumé en 2015 la finalité de la Félibrée : « Il s’agit de mettre en valeur la langue, la musique, les danses et les chants occitans, mais aussi d’être une vitrine des savoir-faire de notre département ».
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