AOC Rosette, vin blanc résistant

AOC Rosette, vin blanc résistant


Menacés de disparition dans les années 1950, les vins de l’appellation Rosette, en terres bergeracoises, traversent le temps en toute discrétion.

Crédit photo : Les Vins de Bergerac Duras – Facebook

Un vignoble installé depuis… 1322

Partir à la conquête des vins et appellations de Bordeaux et du Sud-Ouest impose une solide motivation tant leur diversité est grande. Si les vins prestigieux du Médoc ou charpentés de Madiran jouent les têtes d’affiche, d’autres se détachent de toute ambition de célébrité.

Ainsi, le vin blanc moelleux de l’AOC Rosette poursuit son bonhomme de chemin à travers les siècles. Son territoire correspond à celui délimité en 1322 sous l’appellation de « Vinée de Bergerac ». La vinée aurait d’abord correspondu à la fusion du vignoble du châtelain de Bergerac et de celui de la paroisse de Saint-Martin, avant de s’étendre plus au sud en 1495.

Malgré la modestie de sa surface de production, le Rosette profite pleinement du commerce des vins aquitains vers l’Angleterre pour asseoir sa réputation. Du 17e au 18e siècle, le développement du commerce avec la Hollande lui permet de contribuer au rayonnement des vins du Sud-Ouest, en apportant sa touche souple et moelleuse.

En 1881, la crise du phylloxéra ravage le petit vignoble, comme tous ceux de France. Les quelques pieds survivants ne résistent pas aux terribles gelées hivernales un an plus tard.

Replantées, les vignes reprennent leur existence confidentielle, à l’ombre des fameux Monbazillac et Pécharmant, leurs voisins de terroir. Tout vient à point à qui sait attendre, car en 1946 un décret hisse le Rosette au rang d’AOC, en récompense de sa qualité et de sa singularité.

Hélas, l’appellation ne contribue pas vraiment à son essor commercial. Jusqu’aux années 1980, sa consommation dégringole. Éloigné des attentes du public, à une période où la publicité impose la notoriété à ceux qui peuvent se l’offrir, le vignoble se contracte. La densification urbaine de Bergerac grignote aussi son territoire.

Il faut toute l’énergie d’une petite équipe de viticulteurs rapatriés d’Afrique du Nord pour lui éviter de disparaître.

Continuer d’exister

L’appellation Rosette dépend d’une aire de production délimitée entre les communes de Bergerac, Creysse, Ginestet, Lembras, Maurens et Prigonrieux. Le vignoble est installé sur les coteaux de la rive droite de la Dordogne, dans un environnement enchanteur composé de collines et de massifs forestiers.

Sa superficie officielle s’étend sur 125 hectares, mais seule une quarantaine est actuellement exploitée. La surface reste certes modeste, mais elle s’est étirée depuis les années 2000. En 2008, elle ne dépassait pas les 11 hectares. Le vignoble a su échapper à une disparition lente et inéluctable.

Il profite de sérieux atouts pour justifier sa survivance. D’abord, le microclimat qui couvre cette petite zone de la Dordogne se révèle particulièrement bien adapté à la maturité du raisin. Protégées par un amphithéâtre de collines et plantées sur des coteaux baignés de soleil, les vignes profitent de conditions précieuses.

Ensuite, le sol se compose de sables argileux, d’alluvions et de graviers charriés par la rivière. Riche en fer et en minéraux, il se réchauffe rapidement au printemps, aidé par les coteaux drainants.

Enfin, les trois cépages de l’AOC Rosette (sémillon, sauvignon et muscadelle) restent particulièrement appréciés des consommateurs, justifiant leur pérennité. Ils contribuent à singulariser le Rosette, considéré comme un blanc moelleux et non pas liquoreux.

Aujourd’hui, une dizaine de viticulteurs se consacre à l’appellation. Ils procèdent au passerillage pour obtenir une bonne surmaturation des grains et s’assurer d’une teneur en sucres résiduels suffisante.

Les vendanges sont lancées avant l’apparition du botrytis (ou peu après selon les parcelles) et suffisamment tôt pour conserver la fraîcheur, l’acidité et l’arôme des raisins. Toute l’identité de l’AOC Rosette tient en cette alchimie entre grains suffisamment sucrés et récolte pas trop tardive.

Les raisins sont pressés immédiatement et la fermentation alcoolique se produit en quatre à cinq jours. Le breuvage est ensuite conservé deux à trois mois en cuve ou barrique avant d’être embouteillé.  

La production reste modeste, pour atteindre les 14 000 bouteilles les années fastes.

Un plaisir forcément rare

Il n’est bien sûr pas envisageable de trouver des bouteilles d’AOC Rosette dans son supermarché de quartier, à moins, peut-être, d’habiter Bergerac et ses environs.  Le vin sait se faire discret pour encore mieux se faire désirer.

Les amateurs chanceux apprécient le travail d’assemblage effectué par les vignerons, signature d’un vrai savoir-faire.

À l’œil, le vin dévoile une robe pâle et un jaune paille aux reflets dorés.

Au nez, « les premières senteurs dévoilent un bouquet complexe où les fleurs blanches, l’acacia et le chèvrefeuille en tête, rencontrent les agrumes. À cela s’ajoutent des notes de mangue et d’ananas pour une pointe d’exotisme et de savoureuses touches de poire » écrit Le site spécialisé Tout le Vin.

Des notes anisées ou mentholées peuvent parfois se dévoiler, renforçant le sentiment de fraîcheur.

En bouche, le sucre apporte une sage onctuosité au nectar, en bon équilibre avec la fraîcheur. « Le sémillon apporte la structure, le gras, l’onctuosité, et le sauvignon, la fraîcheur aromatique. On retrouve l’alliance de notes suaves de fruits exotiques et de nuances plus fraîches d’agrumes, qui soulignent la vivacité de la finale » précise le Guide Hachette des Vins.

Le Rosette s’apprécie bien sûr à l’apéritif, servi entre 8 et 10°. À table, il accompagne les volailles, les fruits de mer, les poissons en sauce, le foie gras, les plats truffés ou encore les formages à pâte persillée.

Sa dégustation rend hommage à sa longue histoire, parfois tourmentée. Considéré comme élégant et de grande distinction, le Rosette continue d’exister vaille que vaille et en toute confidentialité.


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Boirons-nous toujours du bon vin de Bordeaux en 2050 ?

Boirons-nous toujours du bon vin de Bordeaux en 2050 ?


Le réchauffement climatique n’épargne pas le vignoble bordelais. Entre amère constatation, expérimentations et amorces de solution, les professionnels sont contraints de s’adapter pour préserver la qualité de leur vin.

Vignoble de Saint-Emilion – Crédit photo : Éric Chicouard – Flickr

Le Bordeaux à un moment charnière de son histoire

La réputation mondiale de la capitale girondine s’est construite, au fil des siècles, sur l’excellence de son vin. Il continue aujourd’hui de jouer un rôle économique majeur, avec des ventes annuelles frôlant les 4 milliards d’euros et une filière représentant près de 60 000 emplois.

Le réchauffement climatique, dont le dernier épisode caniculaire l’été dernier est venu rappeler la triste réalité, bouleverse les règles du jeu. Les températures augmentent (+1,4 °C depuis 1990), les périodes de sécheresse s’intensifient et se prolongent, la ressource en eau se raréfie.

La vigne n’échappe bien sûr pas au phénomène. « Nous sommes à un moment charnière. Le changement climatique est là, on le voit, on le subit » déplore Jérôme Despey, secrétaire général de la FNSEA, cité par France 3.

Inquiets, les viticulteurs ne peuvent que constater les symptômes. L’avancée de la date des vendanges en est peut-être le plus symbolique. Selon Christophe Riou, directeur adjoint de l’Institut français de la vigne et du vin, cette avancée correspond à un mois en 50 ans.

Les vignes, confrontées à des étés particulièrement secs, souffrent de stress hydrique et se fatiguent à une fréquence plus élevée. Elles se dessèchent et perdent leur rendement habituel.

Sous l’effet d’un soleil plus fort et insistant, le raisin subit une maturation rapide et, en conséquence, des niveaux de sucre plus élevés, donnant lieu à une teneur en alcool qui augmente. C’est, au final, l’équilibre du vin qui s’en trouve bouleversé.

Plus inquiétant, le changement climatique influence les arômes. Les odeurs de fruits frais, comme la fraise et le cassis, s’effacent au profit de celles de fruits confiturés et moins complexes, à l’instar du pruneau. La baisse de l’acidité contribue également à dégrader la fraîcheur des vins, pourtant essentielle à leur identité.

Cépage le plus répandu en terres bordelaises, le merlot est pourtant celui qui résiste le moins à l’évolution du climat. « D’ici 20 à 30 ans, le merlot risque de mûrir au mois d’août et ce sera clairement au détriment de la qualité des vins » estime Kees van Leeuwen, professeur à l’École nationale supérieure des sciences agronomiques de Bordeaux Aquitaine, dans la Revue des Vins de France.

En avoir le cœur net

Soucieuse de s’éloigner des seules prévisions théoriques, l’association des journalistes de l’environnement (AJE) s’est tournée en 2018 vers Pascal Chatonnet, œnologue et vigneron. Ce dernier a accepté d’anticiper la saveur d’un vin de Bordeaux en 2050. Il a ainsi choisi de récolter deux cépages typiques du Bordelais, le merlot et le cabernet-sauvignon, en Tunisie et dans le Minervois, pour concevoir sa « cuvée du futur ». Le résultat ne s’avère pas très concluant.

« À l’aveugle, j’aurais dit un Languedoc, mais basique. On n’a pas le terroir, le sol et le sous-sol, qui font une grosse partie du vin. C’est buvable, mais il y a un manque de finesse, d’authenticité » constate Monique Josse, du musée du vin de Paris, citée par la Revue des Vins de France.

Pour Pascal Chatonnet, interrogé par Vitisphère, « À la dégustation, ce Bordeaux 2050 est d’abord marqué par un nez d’orange et d’épice, qui ne serait pas éloigné d’un… vin chaud. Bordeaux a la typicité d’un nez de fruits frais, rouges ou noirs selon l’année, mais ici on tend vers le fruit cuit, voire sec. »

L’œnologue insiste néanmoins sur l’aspect expérimental de sa démarche, même si sa cuvée représente l’expression des cépages choisis sous ces climats (très) chauds.

Les incertitudes liées au réchauffement climatique ont également interpelé Bernard Magrez, le célèbre propriétaire viticole bordelais, dont quatre grands crus classés. Dès 2013, l’homme d’affaires a développé un dispositif s’appuyant sur les technologies de l’aéronautique pour simuler les conséquences de l’évolution du climat sur le vignoble. L’expérience vise à identifier les cépages susceptibles de résister aux assauts du soleil et à proposer le même niveau de qualité que celui qui entoure aujourd’hui les grands crus.

La phase d’expérimentation a ainsi permis de mettre en place un cuvier de vinification, « composé de 84 cuves thermorégulées permettant la vinification séparée de chacun des cépages de l’étude. Il permettra ainsi de mesurer le potentiel de ces cépages et des vins qui en seront issus comme voie d’adaptation au changement climatique » explique le Figaro Vin.

Les premières pistes de solution

Un patrimoine aussi riche que le vignoble bordelais mérite d’être protégé et sa pérennité passe par des enjeux d’adaptation. Si les inconnues restent encore nombreuses, elles n’empêchent pas les premières démarches.

Pour Nathalie Ollat, ingénieure de recherche, citée par Basta Media, « il n’y a pas une seule solution, mais un ensemble de solutions qui doivent être combinées. »

Depuis déjà quelques années, certains propriétaires de châteaux retardent l’effeuillage jusqu’à la fin de période de croissance du raisin, avec le souhait de réduire les brûlures du soleil. D’autres ne labourent plus le sol pour préserver l’humus.

Le choix peut également consister à introduire dans les vignes des porte-greffe plus tardifs grâce à un enracinement plus profond et à une meilleure captation de l’eau. Modifier la densité de plantation pourrait également soulager le vignoble en réduisant le stress hydrique.

Plus que tout, le changement climatique incite les viticulteurs à s’interroger sur l’encépagement de demain. Emblématique du Bordelais, le merlot souffre d’une maturation trop rapide due aux étés chauds. Les stratégies peuvent consister à retarder son cycle végétatif ou à l’abandonner au profit de cépages moins précoces, à la condition de ne pas dénaturer la caractéristique des vins de Bordeaux, à laquelle le merlot contribue beaucoup.

Les cépages alternatifs ne manquent pas. Les professionnels se tournent vers les cépages anciens, abandonnés à une certaine époque à cause, justement, de leur maturation trop tardive.

« Nous avons à notre disposition plusieurs centaines de cépages plus résistants à la sécheresse et qui produisent un raisin intéressant que nous pourrions planter dès à présent » explique Pascal Chatonnet à la revue Sciences et Avenir. À Bordeaux, des cépages originaires de la région comme le malbec, le carmenère et le petit verdot pourraient retrouver le chemin des coteaux.

D’autres cépages, issus des vignes portugaises, espagnoles ou grecques font également l’objet d’études attentives de la part de l’INRA et de Bordeaux Sciences Agro. Rompus aux fortes chaleurs, ils pourraient demain entrer dans la composition des vins de Bordeaux.

Face à l’enjeu climatique, les professionnels de la viticulture adoptent progressivement de nouvelles méthodes. Le défi n’est pas mince : adapter la vigne au réchauffement pour maintenir la réputation de leur vin.


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Sagarnoa: ne parlez plus de cidre basque !

Sagarnoa : ne parlez plus de cidre basque !


Consommé depuis des siècles par les Basques, le sagarnoa (ou sagardoa) est considéré à tort comme un cidre local. La différence se veut plus subtile.

Crédit photo : Mikel Arrazola – CC BY 3.0

Boisson traditionnelle du Pays basque

Les pommiers occupent depuis fort longtemps les terres basques, propices à leur développement. Fort logiquement, les autochtones ont su en tirer profit en aménageant des vergers et des pommeraies.  Devenue incontournable, la pomme s’est imposée comme la reine des fruits et l’unique ingrédient d’une boisson rattachée à la culture locale : le sagarnoa.

Ce terme basque désigne le « vin de pomme », et non pas le cidre. Le malentendu persiste depuis quelques siècles. Peut-être est-il dû à une traduction erronée puisque le terme basque « sagarnoa » équivaut au mot espagnol « sidra », lui-même (faussement) traduit « cidre » dans la langue de Molière. Cette double traduction a donc initié une mauvaise désignation du divin breuvage en France.

Une approche plus technique confirme d’ailleurs cette confusion.  La règlementation française relative au cidre impose une fermentation de moûts de pommes fraîches, extraits avec ou sans addition d’eau. De plus, le cidre doit afficher un titre alcoométrique volumétrique de 5% au minimum, une acidité volatile maximale de 1g/litre et une teneur en sucres résiduels de 35 g/litre.

Pour sa part, le sagarnoa n’est pas pétillant et ne reçoit aucun ajout de sucre. Essentiellement produit en Espagne, il atteint 2,2 g d’acidité, un niveau plus élevé que le cidre, et un degré d’alcool à 6°.  

Le vin de pomme basque laisse deviner des saveurs équilibrées et un caractère affirmé. Il est apprécié à l’apéritif, en accompagnement de délicieux tapas ou pintxos.

Des origines lointaines

Mythes, légendes et théories entourent l’apparition des pommiers au Pays basque. Certains estiment que les arbres fruitiers ont été introduits par les Arabes. D’autres considèrent que les Romains les auraient plantés lors de leur grande invasion. Quelques pistes évoquent même le rôle des oiseaux migrateurs, porteurs de pépins de pommes.

Il n’en demeure pas moins que le climat humide et tempéré du Pays basque a encouragé l’exploitation des pommiers. Les premières traces écrites seraient celles de règlements, ordonnances et décrets royaux publiés en 1189, relatifs aux pommeraies du Labourd.

Les pèlerins, en chemin vers Saint-Jacques-de-Compostelle, mentionnent eux aussi l’existence de vastes plantations au 12e siècle.

Il convient enfin de mentionner les écrits des « fueros », dédiés à la plantation des arbres et au commerce du sagarnoa, qui livrent des conseils sur la protection des pommiers contre les animaux et les voleurs.

marins basques chassent la baleine
Les marins basques chassent la baleine en Atlantique Nord.

Si la boisson emblématique du Pays basque s’installe assez largement dans les foyers, elle conquiert ses lettres de noblesse grâce aux marins. Ces derniers embarquent de nombreux tonneaux à bord de leur voilier avant de rejoindre les eaux froides de l’Atlantique pour pécher la morue et chasser la baleine. Le sagarnoa s’impose comme le remède parfait contre le scorbut grâce à son apport en vitamine C. Les contrats stipulent d’ailleurs que chaque membre d’équipage doit en boire entre deux et trois litres chaque jour. On imagine les joyeux chants basques sur le pont des bateaux !

Le vin de pomme, tout au long des siècles, contribue à la renommée du Pays basque et à sa puissance économique. La culture s’intensifie et les pressoirs se multiplient sur le territoire.

L’âge d’or du sagarnoa atteint son apogée au 16e siècle. L’introduction progressive de nouvelles cultures, dont celle du maïs, grignote les pommeraies. Au 20e siècle, la guerre civile espagnole et l’essor industriel relèguent la boisson basque à un moindre niveau de production et de consommation.

Heureusement, la province du Guipuscoa a su conserver les ressources et le savoir-faire, malgré la fermeture de nombreux pressoirs. La résilience des producteurs locaux a permis d’éviter la disparition de cette boisson emblématique, toujours appréciée aujourd’hui.

La production aujourd’hui

Le Pays basque compte une soixantaine de cidreries, dont la majorité se situe logiquement en Guipuscoa. Les établissements misent sur le regain des consommateurs pour étoffer les pommeraies et profiter de fruits locaux. Environ 400 hectares supplémentaires permettraient de ne plus dépendre des pommes venues de Normandie et même de République tchèque. Elles représentent aujourd’hui plus de la moitié de la matière première.

Le mouvement semble amorcé du côté français. De nouvelles variétés sont plantées et testées, en complément des pommes déjà connues comme l’Ondomotxa, la Peatxa et la Txakala. Plus d’un millier de variétés a été recensé.

La fabrication du sagarnoa débute bien sûr par la récolte des pommes, entre septembre et décembre. Les fruits sont ensuite lavés, triés, pressés avant de reposer quelques heures afin de décanter le moût. Il s’ensuit l’importante étape de la fermentation, dans des conditions de températures basses. Le jus de pomme est stocké dans des kupelas (tonneaux) pendant une période de quatre à huit semaines, nécessaire à la transformation du sucre en alcool.

Le produit final est un vin de pomme non pétillant, dont la teneur en alcool se situe entre 5 et 6°. Son goût équilibré et acidulé résulte du choix des pommes douces, acides et amères. Le léger perlé qui caractérise le sagarnoa (on ne parle même pas d’effervescence) provient du gaz résiduel généré pendant la fermentation.

Chaque producteur donne naissance à une boisson différente. Pour Bixintxo Aphaule, cité par le site En Pays basque, « la diversité est intéressante. Plusieurs producteurs font sensiblement le même travail à plusieurs endroits du Pays basque, pourtant aucun de leurs cidres n’a le même goût. »

La différence apparaît également entre le Nord et Sud du Pays basque. En Espagne, le sagarnoa est plus sec et acidulé.

Les niveaux de consommation varient énormément des deux côtés de la frontière, le sagarnoa étant lié à une certaine habitude culturelle du côté espagnol.

Le rôle crucial des sagarnotegis

Les cidreries, ou plutôt les « sagarnotegis », ont su préserver cet héritage de la culture basque, essentiellement dans les provinces espagnoles. Lorsque vient enfin le temps de la dégustation, de la mi-janvier à la fin avril, le public se presse nombreux dans les chais afin de se prêter à l’exercice du « Txotx ».

Il s’agit en quelque sorte d’un rituel. Les sagarnotegis proposent à leurs clients un repas roboratif, dont le menu, composé de produits locaux, ne varie pas d’un établissement à un autre : omelette à la morue, dés de morue frite, txuletta (côte de bœuf) cuite au feu de bois, fromage de brebis accompagné de confiture de coing et de noix. Le moment se veut convivial grâce aux grandes tablées et aux plats généreux dans lesquels chacun se sert.

cidrerie espagnole
C’est bien parti ! – Crédit photo : Kent Wang – Flickr

Dès que le maître des lieux crie « Txotx ! » pour annoncer l’ouverture d’une kupela après avoir retiré le bouchon, les convives sont invités à se rapprocher munis de leur verre. La mission est simple, mais requiert un peu d’habilité : placer son verre sous le jet de sagarnoa en l’inclinant légèrement et en remontant jusqu’à la source. L’opération vise à provoquer une oxygénation rapide de la boisson afin de l’apprécier davantage. La règle sous-jacente suppose de ne pas remplir son verre, car les dégustations se multiplient au fur et à mesure de l’ouverture des tonneaux. Chaque kupela révèle en effet un sagarnoa au goût différent.

Si l’écrasante majorité des sagarnotegis se situe au Sud du Pays basque, quelques établissements parviennent à faire vivre la tradition dans les provinces localisées en France, à l’instar de Txopinondo. La « cidrerie » artisanale, créée en 1999, ouvre ses portes tout au long de l’année à Ascain. On y retrouve l’esprit des sagarnotegis en profitant d’une visite des lieux et des explications sur la fabrication du sagarnoa.

Txotx !


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Tomate de Marmande, la saveur d’un terroir

Tomate de Marmande, la saveur d’un terroir


Loin des tomates insipides qui peuplent les étals des supermarchés, la Marmande revendique depuis plus d’un siècle ses arômes prononcés, issus d’un travail passionné et artisanal.

Belle, charnue, juteuse et gourmande, c’est la Marmande !

Au tout début, une histoire d’amour

C’est une légende charmante qui entoure l’apparition de la tomate de Marmande.

Il était une fois une très belle jeune femme, Ferline Giraudeau, fille d’un bourgeois de Marmande. Au grand désespoir de son père, veuf et vieillissant, aucun des prétendants ne trouvait grâce aux yeux de la belle demoiselle. Encore plus pauvre et plus timide que ses rivaux, Peyot Bory renonça à déclarer son amour et décida de s’embarquer pour les Amériques depuis le port de Bordeaux.

Après quatre ans d’aventures et de découvertes, Peyot revint à Marmande, riche d’un sac de graines. Il les sema dans le jardin paternel et, dès les premiers jours de l’été, obtint de superbes fruits rouges, ronds et lisses. N’ayant pas oublié sa chère Ferline, il prit l’habitude de lui déposer chaque matin une corbeille bien garnie au pied de sa fenêtre.

Intriguée, celle-ci finit par le surprendre :

– Dis-moi, ami, comment s’appelle donc ce fruit délicieux que tu m’apportes chaque jour ?

– Lorsque j’étais aux Amériques, les Indiens l’appelaient la « tomate », mais moi, je l’appelais « Ferline » en souvenir de toi, tant elle était belle !

Eh bien, lui dit-elle en se jetant dans ses bras, à partir d’aujourd’hui, nous l’appellerons « La pomme d’amour ».

Ce titre de pomme d’amour accompagna d’ailleurs de nombreuses années la tomate de Marmande.

Originaire des Andes d’Amérique et introduite en Europe au 16e siècle, la tomate fait son apparition dans le Marmandais en 1863. Sa culture permet de compenser les lourdes pertes engendrées par l’épidémie de phylloxéra, qui ravage les vignes.

Quelques décennies plus tard, les producteurs parviennent à croiser les variétés pondorosa et mikado pour donner naissance à la future tomate de Marmande.  Fruit à maturité hâtive (entre 55 et 65 jours), la tomate révèle des qualités gustatives supérieures et se prête fort bien au transport. Au 19e siècle, d’importantes quantités sont exportées en Angleterre.

Le succès commercial oblige à étendre la zone de production et agrandir les exploitations. L’apparition des conserveries marque le début du cycle de transformation de la tomate. Les établissements sont construits au bord de la Garonne, afin de faciliter le transport des produits et profiter de l’eau pour laver les fruits.

La qualité comme premier argument

Au cœur du Lot-et-Garonne, la tomate de Marmande bénéficie d’un climat océanique favorable, avec des températures douces en hiver, des étés chauds et des pluies abondantes au printemps.
La variété Marmande se compose de trois tomates bien distinctes :

– La tomate côtelée : avec une couleur qui varie du brun foncé au jaune orangé en passant par le rouge, elle se déguste en salade et même farcie.

– La tomate cornue : on la repère tout de suite grâce à sa forme de piment. Contrairement à ses sœurs, la cornue est avare en jus, ce qui permet de la passer au barbecue ou de l’ajouter à un sandwich, avec du fromage et du jambon.

– La tomate cœur : de forme allongée, impossible de l’apprécier autrement qu’en salade grâce à sa texture fondante, avec un filet d’huile d’olive ou une pointe de sel.

Sa culture répond à un cahier des charges méticuleux. Les meilleures variétés sont choisies, à même de développer une saveur prononcée, similaire à celle ayant contribué à la réputation du fruit. Bien sûr, pas de hors-sol en terres marmandaises. Le mode de culture se veut traditionnel, en pleine terre et sous abri. La plantation s’effectue à la main et l’irrigation est assurée grâce au système de goutte-à-goutte. L’apport de matières organiques et de minéraux permet une fertilisation traditionnelle. La pollinisation dépend de la mise en place de ruches à bourdons et le désherbage reste manuel, sans aucun produit chimique. La main de l’homme reste aussi le seul outil lors de la récolte et du conditionnement.

tomates de marmande
Encore un peu de patience – Crédit photo : Quisnovus – Flickr

D’un poids variant entre 200 et 400 grammes, la tomate de Marmande, très parfumée et sucrée, suscite le plaisir du goût retrouvé. Sa distribution, entre mai et octobre, se limite essentiellement aux magasins et marchés de la région, du fait aussi de sa faible production.

En effet, seule une quinzaine de producteurs se consacre aujourd’hui à la culture du fruit de bouche. Sur une surface de 14 hectares, la production ne dépasse pas les 1 500 tonnes. « Si l’on ne fait rien, dans quinze ans, ce mode de production aura disparu car, progressivement, les producteurs arrêtent, confrontés à une rentabilité qui n’est pas au rendez-vous » constate Gilles Bertrandias, le directeur général de Paysans de Rougeline, cité par le site Business Les Échos.

Les tomates destinées à la transformation (jus, sauce, tourin, ketchup) donnent lieu à une activité plus soutenue. Près d’une centaine de producteurs s’affaire, sur une zone de culture dépassant les 500 hectares. La production annuelle s’établit à environ 35 000 tonnes, dont une partie en bio. Cette étape de la transformation permet une diffusion commerciale beaucoup plus large de la pomme d’amour.

Une marque en attendant l’IGP

Soucieux d’assurer une meilleure image de son produit roi, l’association des fruits et légumes du Lot-et-Garonne (AIFLG) a lancé en 2020 la marque collective « Tomate de Marmande ». Elle est depuis commercialisée par les supermarchés et les grossistes.

L’enjeu consiste avant tout à « valoriser le savoir-faire et le terroir », selon Danielle Marcon, la présidente de l’AIFLG. La tomate de Marmande doit en effet faire face à la concurrence redoutable des produits exportés d’Espagne, d’Italie et du Maroc.

Pour Gilles Bertrandias, « l’objectif, c’est qu’il n’y ait plus aucun producteur qui arrête son activité, mais aussi que de nouveaux producteurs lancent la leur. Si on ne faisait rien, cette production locale risquait de disparaître ! »

Adhérer à la marque « Tomate de Marmande » suppose de respecter le cahier des charges établi par l’AIFLG. « Il faut faire partie d’une zone géographique qui, en gros, s’étend sur la vallée fluviale de la Garonne, du Lot, de la Dordogne. Il faut aussi respecter des critères de variétés, de traçabilité, de respect de l’environnement. En matière de variétés, il faut par exemple cultiver ses tomates en pleine terre et non en hors-sol. Autrement dit, pour le consommateur, c’est une promesse de qualité et surtout de production locale » explique Frédéric Marchezin, producteur implanté à Puch d’Agenais et cité par le site Actu.fr.

La création de la marque, reconnue par l’INPI, constitue la première démarche visant à décrocher l’IGP (Indication Géographique Protégée), qui s’attache aux produits dont la qualité est liée au lieu de production, de transformation et d’élaboration. À ce titre, le cahier des charges a été rédigé au premier semestre 2022, mais le combat sera long et difficile. L’instruction du dossier « peut prendre jusqu’à 15 ans » reconnaît Danièle Marçon.

Il est également question de lancer le chantier du Label Rouge, véritable Graal des producteurs locaux. Félix Pizon, le directeur de l’AIFLG, indique à La Dépêche que le processus a déjà été initié : « Nous voulons recentrer la production autour du bassin du Marmandais (…) Les recherches variétales vont dans le sens d’une amélioration gustative, plus de sucre parfois, ou encore une chair différente. Pour la tomate transformée, il s’agit surtout de travailler la résistance aux maladies. »

Les espoirs apparaissent donc forts au sein de la filière, qui concerne un millier d’emplois directs. Les producteurs restent persuadés que la qualité de la Marmande contribuera à une meilleure reconnaissance et à une plus forte rentabilité, essentielle à la pérennité de l’activité.

Ils peuvent en tout cas compter sur la confrérie des chevaliers de la tomate de Marmande. Ambassadrice zélée, elle assure tout au long de l’année la promotion et la valorisation de la pomme d’amour, notamment lors de la fête de la tomate, organisée chaque été dans la cité gasconne.


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Le château de Monbazillac fait peau neuve

Le château de Monbazillac fait peau neuve


Décidée à réveiller un monument assoupi, la coopérative de Monbazillac a lancé un ambitieux programme de rénovation et de promotion.

Crédit photo : Jonny – Flickr

Image emblématique des célèbres liquoreux

Les vins de Monbazillac, outre leurs qualités gustatives évidentes, profitent d’une image de marque particulière, que leur apporte le château de même nom. Le magnifique monument, édifié au 16e siècle, attire inévitablement le regard grâce à ses quatre grosses tours circulaires. Acquis par la cave coopérative de Monbazillac en 1960, il domine les 25 hectares de vignes et contribue à leur réputation.

Mais « le lieu ronronnait » depuis quelques années, comme le reconnaît Guillaume Barou, président de la cave. Soucieux de réveiller le château, classé aux Monuments historiques, les vignerons ont initié un projet en 2017, à même de faire entrer pleinement l’appellation Monbazillac dans l’ère de l’œnotourisme.

Après un investissement de deux millions d’euros et huit mois de travaux, le prestigieux édifice révèle un nouveau visage, tout entier tourné vers les visiteurs. « Le château de Monbazillac s’ancre dans le tourisme d’avenir avec cette restructuration de notre offre oenotouristique, et devient ainsi une pépinière d’initiatives » se réjouit Guillaume Barou, cité par le site d’information Vitisphere, dédié aux professionnels de la vigne.

Programme ambitieux et ludique

Depuis le mois de juin, le public est invité à découvrir les trois espaces thématiques.

Le premier, agencé sur une superficie de 300 m², suit une finalité muséographique. Les visiteurs découvrent l’histoire de l’appellation et le processus de vinification, de la vigne à la mise en bouteille. Les concepteurs ont insisté sur les outils high-tech, à grand renfort d’images et de son. L’ambition est de proposer « une approche instructive, ludique et humaine », selon Pauline Auban, la responsable de l’œnotourisme citée par Sud-Ouest.

Le deuxième espace se consacre aux expositions dédiées à l’histoire du terroir, selon différents aspects. La première porte sur le protestantisme et la seconde évoque la famille de Bacalan, habitante des lieux pendant la Révolution française.

Enfin, le troisième et dernier espace ouvre ses portes aux artistes. Depuis le 24 juin, Marlène Mocquet et Laurent Mareschal, respectivement céramiste et sculpteur plasticien, exposent le fruit de leur création. Le château suit aussi une politique de résidence d’artistes, en leur offrant l’histoire des lieux et la beauté du parc pour nourrir leur imagination et leurs projets.

Une demi-journée d’immersion

La variété des animations impose de consacrer quelques heures au château de Monbazillac. Les visites se concluent évidemment par une dégustation du divin breuvage, au pavillon des Arômes.

Même si le vin ne les concerne pas de prime abord, les enfants n’ont pas été oubliés par les organisateurs. Ils peuvent se rendre dans les caves, où différentes attractions les attendent, comme la conception et l’édition d’une étiquette d’une bouteille de jus de raisin.

Des animations sont prévues tout au long de l’été, construites autour de quatre thèmes : le métier, l’utilisation de la robotique, le château dans le territoire et le rendez-vous des vignerons. C’est l’occasion rêvée de rencontrer les viticulteurs et d’échanger en leur compagnie.

Le cadre prestigieux du château de Monbazillac se prête aussi fort bien à l’organisation d’un petit pique-nique, à moins que l’on ne préfère profiter du restaurant maison, le Pavillon Brizay.

Les visiteurs enthousiastes et les amateurs de bon vin concluront certainement leur visite par un passage à la boutique, entièrement rénovée.

Tarifs :

 Deux formules sont proposées :

  • Le Monba’licieux : visite de tous les espaces et dégustation commentée de trois vins : 15 €
  • Le Monbazill’Art : visite libre du château et dégustation d’un vin parmi la sélection : 10 €

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Le Pousse Rapière, apéritif gascon (encore) trop méconnu

Le Pousse Rapière, apéritif gascon (encore) trop méconnu


A l’instar du Floc de Gascogne, le Pousse Rapière s’impose comme un apéritif authentique et goûteux, à même de séduire un public plus large.

Crédit photo : Château de Monluc

Le château Monluc, fief du Pousse Rapière

À quelques kilomètres au sud de Condom, dans le Gers, le village de Saint-Puy profite d’une vue exceptionnelle. Juché sur une colline, il accueille le château de Monluc, dont la première pièce fut posée il y a près de dix siècles.  L’édifice a bravement traversé les péripéties de l’Histoire. Il subit pourtant les assauts du comte d’Armagnac en 1272, qui l’assiégea et le brûla en partie après le refus du Comte de Gaure de le lui céder. Fort heureusement, le château fut reconstruit sous l’impulsion du roi de France, Philippe le Hardi.

En 1425, le roi Charles VII fait cadeau du comté de Gaure à son cousin Charles d’Albret. Ce dernier offre le château en 1470 à son maître d’hôtel, Pierre de Lasseran-Massencôme, Seigneur de Monluc, rattaché à la Maison de Montesquiou.

C’est dans cette vaste demeure que naît Blaise de Monluc en 1500. L’homme connaît une carrière militaire brillante grâce à sa fougue et à son entière dévotion aux rois de France. Il reçoit d’ailleurs le titre de maréchal de France en 1574, au crépuscule de sa vie.

Surtout, Blaise de Monluc a ramené des guerres d’Italie une longue et fine épée, la rapière, particulièrement appréciée des Gascons. Légère et tranchante, elle se révèle redoutable au combat, à la différence des lourdes épées du Moyen-Âge. Il était d’usage de « pousser la rapière » sur l’ennemi.

chateau de Monluc
Le château de Monluc, à Saint-Puy – Crédit photo: Google Street View

Le seigneur de Monluc profite aussi sur ses terres de la culture des vignes, introduite par les Romains en Gascogne. Au 15e siècle, les vignerons commencent à distiller une partie de leur production et donnent naissance à l’armagnac.

Ces éléments historiques ne laissent pas de marbre René Lassus, l’héritier du château de Monluc. Issu d’une famille de vignerons, il entreprend de champagniser les vins de son vignoble, en considérant qu’ils pourraient joliment se marier avec un fond d’armagnac.

Sa démarche s’inspire d’une recette familiale, qu’il entend améliorer. Il a ainsi la bonne idée d’aromatiser la liqueur d’armagnac à l’orange amère, dont toutes les saveurs se révèlent dès lors qu’on y ajoute un vin gascon brut et mousseux.

Une création et une fierté gasconnes

L’année 1961 voit donc naître un nouvel apéritif qui revendique son origine et son terroir. René Lassus le surnomme Pousse l’Amour et limite sa diffusion auprès de ses amis, dont ceux de la Compagnie des Mousquetaires d’Armagnac.

Néanmoins, le divin breuvage suscite un tel enthousiasme qu’il envisage de le commercialiser. Il réfléchit à un nouveau nom et se tourne presque naturellement vers l’histoire du seigneur de Monluc, redouté en son temps grâce à son maniement de la rapière. C’est ainsi qu’il choisit le terme de Pousse Rapière avant de partir à l’assaut des clients.

Son concept, consistant à marier la liqueur d’armagnac au vin brut produit selon la méthode traditionnelle champenoise, fait mouche. « Son succès tient au fait que les deux composants sont élaborés, dès l’origine, dans le souci de réaliser un mélange équilibré. Le vin et la liqueur sont faits l’un pour l’autre, à partir du même terroir, du même vignoble et leur mariage est le plus naturel et heureux qui soit » expliquait Noël Lassus, le fils de René, à Sud-Ouest en 2011.

La liqueur d’Armagnac est ainsi préparée avec le jus issu de la macération des zestes d’orange amère et une pointe de sirop de sucre. L’orange apporte ce goût inimitable au Pousse Rapière.

Il convient également d’utiliser, si l’on souhaite pleinement profiter de l’apéritif gascon, le vin sauvage produit par le château de Monluc. Issu du même vignoble, il se compose des mêmes cépages blancs que celui de l’armagnac, le gros manseng et l’ugni-blanc. La première cuvée permet la fermentation du raisin. La seconde fermentation intervient lors de l’assemblage final, au cours duquel sont ajoutées de la liqueur de sucre et des levures. L’opération permet de donner naissance aux bulles, après élimination des levures mortes et leur remplacement par une « liqueur de tirage ».

Dans un souci de qualité, l’assemblage se nourrit de vins produits au cours de l’année, mais aussi de ceux des deux années précédentes

Il en résulte un vin mousseux brut, à la saveur vive et au léger goût de citron.

Le Pousse Rapière fête ses 50 ans

Déjà un demi-siècle d’existence pour l’apéritif gascon, quelquefois imité, mais jamais égalé. Sa dégustation obéit à une règle simple : 1 volume de liqueur de Pousse Rapière pour 6 volumes de vin sauvage, sorti du réfrigérateur. On peut y ajouter un quart de rondelle d’orange.

En l’absence de vin sauvage, un autre vin mousseux peut être utilisé, à la condition qu’il soit brut. Un vin demi-sec ou doux ne conviendrait pas, du fait que la liqueur d’armagnac est déjà sucrée.

Malgré ses indéniables qualités gustatives, le Pousse Rapière peine à rencontrer un plus large public, qu’il mérite pourtant. Le précieux nectar reste surtout distribué dans le Sud-Ouest du pays. Le château Monluc écoule ainsi 150 000 bouteilles chaque année.

affiche pousse rapière
Le Pousse Rapière et son vin sauvage avant leur relooking.

Si la vente en ligne peut contribuer à améliorer les ventes, les propriétaires du domaine consentent des efforts en matière de marketing et de promotion commerciale. Le château Monluc a ainsi rejoint le Club des marques en 2018, qui regroupe d’autres maisons d’armagnac, en vue de développer son activité à l’export.

Le design a également été entièrement revu, donnant naissance à une bouteille en verre noire, sur laquelle se détache une étiquette relookée.

Autre nouveauté, le Pousse Rapière se décline désormais selon trois degrés d’alcool différents : 20, 24 et 36 degrés, signalés par une couleur différente de l’étiquette.

Enfin, la liqueur orangée est aujourd’hui commercialisée sous deux formats de bouteille (70 et 35 cl) afin de mieux répondre aux attentes des consommateurs.

Le produit ne change pas, heureuse conclusion d’une recette familiale toujours gardée secrète. Tout comme le Floc de Gascogne, le Pousse Rapière offre une alternative singulière lorsque sonne l’heure de l’apéritif. Il promet un plaisir sincère de dégustation, et, surtout, toute l’authenticité d’un pays dédié à l’art du bien vivre.


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Jock, le petit Nestlé de Bordeaux

Jock, le petit Nestlé de Bordeaux


Commercialisée dès 1938, la célèbre crème vanillée a posé les fondements d’une entreprise familiale empreinte de gourmandise et de nostalgie.

Crédit photo : Maison Jock via Facebook

Quasiment une institution bordelaise

C’est dans l’atelier de sa biscuiterie de la rue Bergeret, quartier des Capucins, que Raymond Boulesque conçoit en 1938 une poudre avant-gardiste. Sa formulation permet en effet de remplacer 30 % de sucre, cher à l’époque, par des farines de céréales, essentiellement du blé.

« Au départ, c’était de la poudre à épaissir avec du lait pour en faire de la bouillie pour enfants. Puis, les femmes ont utilisé ce produit pas cher, goûtu et nourrissant pour en faire des desserts pour toute la famille », précise Carole Boniface, responsable des boutiques Jock, au journal Sud-Ouest (04/08/21).

D’abord commercialisé en pharmacie, puis dans les épiceries de la ville, le produit rencontre un vrai succès. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les denrées restent rares et onéreuses. La crème Jock s’invite presque naturellement parmi les desserts appréciés des Bordelais.

publicité d'époque de Jock

En 1946, Raymond Boulesque imagine un petit-déjeuner chocolaté qu’il intitule Mars. Hélas, il oublie déposer le nom et, surtout, ignore qu’une barre au chocolat homonyme existe déjà au Royaume-Uni depuis 1932.

Malgré ce revers, l’entreprise poursuit sa croissance et s’installe en 1955 dans une usine flambant neuve rue de Bethmann. Jock continue d’innover en matière de poudres déshydratées, notamment celle permettant de préparer la crème Tradition au chocolat, toujours en vente aujourd’hui.

En 1999, l’entreprise déménage de l’autre côté de la Garonne, quai de Brazza. Dirigée par Jean-Philippe Ballanger, descendant de Raymond Boulesque, elle continue de miser sur la diversification en profitant de l’attachement de ses clients, fidèles depuis des générations.

Des desserts faciles, rapides et goûteux

Si la crème vanillée originale continue d’être commercialisée, Jock a su étendre sa gamme de produits pour coller au plus près des attentes des consommateurs. Depuis 2006, elle propose sa pâte à gâteau prête à cuire.

« Qu’on le veuille ou non, aujourd’hui, trouver les 3 minutes de touillage en casserole de la recette qui garantissent la réussite de la crème Jock, ce n’est pas si évident que cela. Nous mettrons le temps qu’il faut pour parvenir à proposer la solution qui facilite tout » déclare ainsi Jean-Philippe Ballanger à Objectif Aquitaine (23/09/2016).

De fait, les produits estampillés Jock invitent à une dégustation rapide. Baba au rhum pur beurre, moelleux au chocolat, pain d’épices au sucre complet de canne et miel français, fondant caramel… Ces recettes n’appellent aucun ingrédient supplémentaire. Il suffit de verser la préparation dans un moule beurré et d’enfourner.

produits Jock
Crédit photo: Maison Jock

D’autres produits nécessitent en revanche l’ajout de quelques ingrédients de base (œufs, beurre) avant de révéler toute leur saveur. C’est le cas du gâteau aux noisettes du Lot-et-Garonne ou encore du gâteau aux amandes de Méditerranée.

Ces produits contribuent certes à l’identification de la marque Jock, mais ne représentent pourtant qu’une faible part du chiffre d’affaires. L’entreprise consacre en effet une large part de son activité à la production de levure et de sucre vanillé, vendus en marques distributeurs.

Pour autant, il n’est pas envisagé une seconde d’abandonner les produits emblématiques de la maison, qui jouissent d’un réel capital sympathie auprès des consommateurs. « Avec Jock et lait en toute saison, régal et santé dans votre maison » proclamait la première publicité dans les années 1940. Un message qui semble toujours faire mouche aujourd’hui, en pleine période de pandémie.


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Le gâteau basque, sujet sensible

Le gâteau basque, sujet sensible


Sa simple évocation suscite une gourmandise immédiate et provoque des réactions parfois passionnées sur la manière de le préparer, dans le respect de la sacro-sainte tradition. Mais pourquoi tant de haine ?

Il a pourtant l’air si bon et si inoffensif – Crédit photo : Joselu Blanco – Flick

De toute façon, t’y connais rien

C’est un fait. Le gâteau basque participe aujourd’hui à la culture de même nom. À l’instar de la langue, du folklore, de la pelote et même du béret (même si le béret est béarnais), il constitue une lourde pierre de l’édifice basque, à laquelle on ne touche pas.

Ce respect bétonné de la tradition ne tolère aucune déviation, s’agissant même de la recette du gâteau basque. Chaque gourmet est en effet persuadé d’avoir découvert le VRAI gâteau, acheté dans une petite boulangerie typique d’Ustaritz ou une maison réputée de Bayonne. Et forcément, les autres dégustations se sont révélées décevantes à cause d’une recette jugée un peu différente ou d’un savoir-faire moins bien maîtrisé.

Sans le vouloir, chacun s’improvise spécialiste ou gardien du temple. En discuter avec une connaissance peut gentiment tourner au pugilat, en considérant que l’autre n’y connaît pas grand-chose.

Il suffit de parcourir les commentaires laissés sur Internet pour constater le degré de passion. Ainsi, cette pauvre habitante de Montréal qui a dévoilé les photos de son « gâteau basque à la vanille et aux bleuets » a dû faire face à quelques remarques sarcastiques, dont celle d’un pâtissier bayonnais : « Tout ce qui ne respecte pas la recette n’a en aucun cas le droit de s’appeler gâteau basque. Le respect des valeurs avant tout. » Et vlan !

Sur les sites de cuisine, les recettes approximatives ou personnelles appellent des réactions nettes et claires : « nul », « aucun goût de gâteau basque », « allez faire un tour au musée du gâteau basque », « un vrai désastre cette recette », « tout est passé à la poubelle » …

La pâtisserie basque ne tolère aucune improvisation. Les puristes y veillent. Il n’est même pas raisonnable d’évoquer les deux versions, la première à la crème pâtissière et la seconde à base de confiture de cerises noires d’Itxassou.

À l’origine, le « gâteau de Cambo »

Si l’histoire du peuple basque se perd dans la nuit des temps, celle du gâteau se veut plus contemporaine. L’entremets aurait été popularisé par Marianne Hirigoyen, pâtissière à Cambo-les-Bains, dans les années 1830, après avoir hérité de la recette de sa belle-mère.

Ladite recette était déjà réalisée dans les foyers basques environnants tout au long du 19e siècle, chacun l’interprétant à sa manière.

Pour couper court aux inutiles polémiques, les garnitures pouvaient varier au gré des ingrédients disponibles : crème, cerise, prune, abricot…

Déjà heureuse de profiter d’une clientèle fournie et internationale grâce aux thermes de la ville, Marianne se rend chaque jeudi au marché de Bayonne, où ses fidèles clients attendent de se régaler du « etxeko bixkotxa » (gâteau maison). La réputation s’envole…

petits gâteaux basques
Reconnaissables entre mille – Crédit photo: anonphotography.com – Flickr

Au fil des décennies, les boulangers et pâtissiers locaux s’emparent de la recette et contribuent au succès du gâteau, que vient aider l’essor du tourisme à Biarritz dans les années 1930.

Le gâteau de Cambo devient le gâteau basque.

Protéger le patrimoine

Si le gâteau basque a connu différentes interprétations dans les foyers basques depuis sa naissance, la base n’a jamais varié : beurre, œufs, farine, sucre et sel. La crème pâtissière peut recevoir de la poudre d’amande, du rhum ou de la vanille. Bien sûr, la confiture de cerise noire d’Itxassou (et de nulle part ailleurs) est la bienvenue.

L’association Eguzkia, fondée en 1994, veille à défendre un gâteau basque authentique. Son cahier des charges, déposé à l’INPI, vise à privilégier l’utilisation de matières premières naturelles et le respect a minima de la recette traditionnelle.

« Eguzkia est une association d’artisans militants, convaincus que le gâteau basque doit se faire selon une charte de qualité, mais c’est également le ciment d’une amitié indéfectible entre tous ses membres » déclare ainsi le président. Aujourd’hui, le combat de l’association vise à obtenir le Label Rouge, avec l’appui de la Chambre des métiers des Pyrénées-Atlantiques.

affiche de la fête du gâteau basque 2021

Cette quête de la qualité se traduit notamment par la fête du gâteau basque, organisée chaque année en octobre à Cambo-les-Bains. L’évènement permet depuis 2003 de rapprocher les artisans et les milliers d’amateurs. C’est aussi l’occasion de participer à un atelier de fabrication, d’assister au spectacle du folklore basque, de découvrir la ville et bien sûr de se régaler des meilleurs gâteaux, auxquels veille la confrérie.

Le gâteau emblématique du Pays basque a aussi son musée, situé à Sare. L’établissement partage la mission de l’association Eguzkia en faveur des artisans. Outre la possibilité de découvrir des centaines d’objets usuels de la maison basque, il permet aux visiteurs de participer à différents ateliers et de cuisiner leur propre gâteau avec fierté sous l’égide d’un chef pâtissier.

La (vraie ?) recette du gâteau basque

Afin de ne pas susciter davantage de polémique, la recette ci-dessous est celle publiée par l’association Eguzkia. Bien sûr, si vous souhaitez ajouter du chocolat ou du mascarpone, évitez de publier vos photos sur les réseaux sociaux. Les puristes veillent, prêts à dégainer.

Pour 6 personnes – Préparation: 30 minutes – Cuisson: 30 à 40 minutes (160°C)

LA PATE

  • 300 gr de farine
  • 3 pincées de sel
  • 120 gr de beurre
  • 200 gr de sucre cristallisé
  • 2 œufs
  • 2 cuillères à soupe de rhum ou de vanille
  • 1 sachet de levure

LA CREME

  • 4 œufs
  • 125 gr de sucre semoule
  • 40 gr de farine
  • 2 cuillères à soupe de rhum
  • 1-2 gousse(s) de vanille

Préparation de la pâte :

Dans un saladier, commencez par bien mélanger le beurre coupé en morceaux et le sucre cristallisé.

Ajoutez les œufs, le sel, la farine, la levure et l’arôme.

Mélangez le tout jusqu’à l’obtention d’une pâte sablée non collante.

Laissez reposer la pâte au réfrigérateur à +4°C pendant au moins 1 heure.

Préparation de la crème pâtissière :

Dans un bol, fouettez les œufs et le sucre semoule afin d’obtenir un mélange mousseux.

Ajoutez délicatement la farine et mélangez.

Portez le lait à ébullition avec les gousses de vanille ouvertes et un peu de rhum.

Après avoir retiré les gousses de vanille, précipitez la moitié du lait dans le bol contenant la préparation d’œufs et de sucre.

Mélangez puis remettre le tout dans la casserole.

Portez le mélange à ébullition 3 à 4 minutes en remuant sans cesse, afin que la crème s’épaississe.

Versez la crème dans un récipient et laissez‐la refroidir à température ambiante.

Montage :

Préchauffez votre four à 160°C (thermostat 6).

Beurrez un moule de 22 cm de diamètre, puis le fariner.

Prendre la pâte reposée, la travailler légèrement et l’étirer grâce à un rouleau à pâtisserie sur une table farinée, afin d’obtenir une pâte de 4 à 5 mm d’épaisseur.

Disposez un cercle de pâte au fond du moule puis abaissez les bords.

Une fois la crème refroidie à 20‐25°C, garnissez le moule.

Vous pouvez également remplacer la crème pâtissière par de la confiture de cerises noires.

Allongez la pâte restante pour faire le « couvercle ». Veillez à bien refermer les bords afin que la garniture ne puisse sortir.

Dorez le dessus du gâteau avec du jaune d’œuf et le rayez à l’aide d’une fourchette.

Cuire à feu doux à 160°C pendant 35 à 40 minutes.

Qu’est-ce qu’on boit avec ça ?

Autant rester en terres du Sud-Ouest, en privilégiant un vin blanc plutôt jeune et tranquille, comme un jurançon, un saussignac, un haut-montravel ou un monbazillac (à consommer avec modération même si l’on se ressert une part de gâteau).


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L’huile de noix du Périgord décroche l’AOP

L’huile de noix du Périgord décroche l’AOP


Décernée en février dernier, l’Appellation d’Origine Protégée vient récompenser le travail des producteurs et huiliers, héritiers d’un savoir-faire séculaire.

Depuis la préhistoire…

La noix et le Périgord partagent une histoire commune. Les nombreuses fouilles archéologiques menées dans les grottes de la vallée de la Vézère ont permis de retrouver la trace de coque de noix vieilles de 17 000 ans.

Tout au long des siècles, la noix s’impose comme un produit local incontournable. Outre sa consommation, elle sert de matière première à l’élaboration de l’huile, que l’on utilise notamment pour l’éclairage, la fabrication de savons et même comme monnaie d’échange.

Au 19e siècle, les producteurs lui redonnent sa valeur initiale, en misant sur la qualité. Car si l’huile de noix ne supporte pas la cuisson, elle se révèle précieuse dans l’univers de la gastronomie.

Une fabrication bien huilée

Au 20e siècle, une nouvelle variété, la franquette du Dauphiné, s’impose dans les noyeraies périgourdines, du fait de sa grande résistance. Néanmoins, elle ne signe pas la mort des autres variétés, à l’ancrage plus ancien : la marbot, la rustique corne et la grandjean.

Toutes ces noix dépendent de la même zone de production, comprise entre les départements de l’Aveyron, de la Charente, de la Corrèze, de la Dordogne, du Lot et du Lot-et-Garonne, où le climat apparaît particulièrement propice.

La conception de l’huile répond à un cahier des charges bien précis, jalonné de différentes étapes : le broyage, le chauffage (sauf en cas d’extraction à froid) et le pressage de la pâte de cerneaux.

Même si les techniques ont évolué au fil du temps, le procédé de fabrication repose toujours sur le savoir-faire des huiliers, transmis de génération à génération.

Deux méthodes d’extraction interviennent dans le processus. Extraite à froid, l’huile profite d’une véritable intensité aromatique, aux accents de mie de pain. Extraite à chaud, elle libère une saveur fuitée, de croûte de pain et de biscuit.

Elle accompagne à la perfection les salades (chicorée, pieds de pissenlits) et les légumes. Il convient toutefois de l’utiliser avec parcimonie, car son gout prononcé et volontaire peut à tout moment couvrir les produits qu’elle est supposée accompagner !

La juste récompense

Ingrédient indispensable des restaurants gastronomiques, l’huile de noix du Périgord semble aujourd’hui avoir trouvé sa juste place. Elle récompense le travail important mené par la filière depuis le début du 20e siècle.

Cette quête de qualité s’est traduite par l’obtention de l’AOC en 2018, qu’est venue compléter l’AOP en février 2021. Le label s’attache à des produits issus de fruits qui ont été récoltés, transformés ou élaborés dans une aire géographique déterminée. Il permet également de reconnaître un savoir-faire indéniable et des produits considérés comme les meilleurs dans leur catégorie.

Pour rappel, la noix du Périgord avait déjà bénéficié de l’AOC en 2004 et de l’AOP en 2004. La boucle est bouclée.


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Vin de sable des Landes : le nectar des dunes

Vin de sable des Landes : le nectar des dunes


Produit depuis le 13e siècle, le vin du littoral landais a régalé les cours royales européennes avant de disparaître. Il renaît des sables depuis une vingtaine d’années, grâce aux efforts de vignerons passionnés.

Crédit photo : Domaine de la Pointe

De la nécessité de fixer les dunes

On le sait, la période gallo-romaine a permis la plantation des vignes, particulièrement dans le Sud-Ouest. Si le vignoble de Bordeaux s’est imposé de manière assez incontestable, la culture viticole a pu s’étendre aux contrées voisines.

Dans les Landes, les vins de Tursan et de Chalosse ont également rencontré un réel succès. Ils sont d’ailleurs servis à la table des empereurs romains. Au 12e siècle, le mariage d’Aliénor d’Aquitaine et d’Henri II Plantagenêt permet leur exportation vers l’Angleterre. On les savoure même aux Pays-Bas.

Mais évoquer les vins landais sans mentionner le vin de sable n’offrirait qu’une vision incomplète de la production locale.

Dès le 13e siècle, les paysans et les pêcheurs du littoral, de Capbreton à Hossegor, réussissent à fixer les dunes grâce au vignoble. Les ceps enfouis dans le sable donnent naissance à de multiples racines, qui s’allongent parfois sur plusieurs mètres, contribuant ainsi à stabiliser le sol sableux.

Cette fixation s’avère nécessaire pour protéger les cabanes de pêche, les habitations et les cultures de l’ensablement.

Le vignoble des dunes se compose de petites parcelles, divisées par des palissades faites de genêts, de fougères et de brandes. Leur rôle est de préserver les cultures des vents dominants venus de l’océan, dont les embruns se révèlent particulièrement néfastes.

Face à un environnement aussi difficile, les vignes se doivent d’être basses. Les jeunes sarments ne reçoivent aucune taille. Les grappes reposent ainsi sur le sable chaud en plein été, qui contribue à leur maturité grâce à la réverbération du soleil.

La proximité de l’océan permet également de ne pas subir les gelées printanières.

L’influence des Templiers puis l’apogée commercial

Si la vocation première du vignoble a consisté à fixer les dunes, les habitants ont constaté que leur vin se révélait particulièrement bon. Grâce à la qualité de ses couleurs et la finesse de son bouquet, le vin de sable acquiert une jolie réputation.

Installé à Capbreton, l’Ordre des Templiers encourage sa production. La boisson est servie aux pèlerins de Compostelle, aux malades des hospices et sert bien sûr de vin de messe.

Les Templiers utilisent également leur réseau commercial pour vendre et diffuser le doux breuvage.

Il convient donc d’entretenir les vignes, au prix d’efforts importants. Les hommes étant en mer, le labeur revient aux femmes et aux enfants. La pente des dunes n’autorise pas le recours aux chevaux et charrettes. C’est en posant des corbeilles sur leur tête que les femmes transportent le sable, alors que les enfants se chargent de ramasser le guano, qui sert d’engrais aux cèpes.

Ce travail fastidieux finit par payer. Le vin de sable devient prisé, hors des limites du territoire landais. Au 17e siècle, le vignoble de Messanges permet la production de 300 000 litres de vin, destinés au pays, mais également exportés vers les capitales européennes.

Le vin rouge de Capbreton est servi à la cour du royaume de France, où il est particulièrement apprécié. On n’hésite d’ailleurs pas à le surnommer le « vin des rois ».

La qualité du vin de sable assure sa pérennité jusqu’au 18e siècle. Les villages de Capbreton, Vieux-Boucau, Seignosse, Messanges et Moliets contribuent à la production pour répondre à la demande. Les hivers rigoureux et la Révolution française perturbent les récoltes, sans jamais les condamner.

Selon l’anthropologue Frédéric Duhart, le vin de sable est considéré comme un produit précieux puisqu’une pièce de vin vieux de Capbreton vaut cent livres en décembre 1789.

Disparition et renaissance

Tout au long du 19e siècle, les crises de l’oïdium, du mildiou et du black rot ravagent le vignoble des dunes. La production s’effondre. Seules quelques vignes subsistent à Capbreton, Moliets, Lit-et-Mixe et Messanges.

vignes sur les dunes au 19e à Capbreton au
Le vignoble des dunes à Capbreton au 19e siècle.

En 1895, le comte Clément d’Astanières, ancien hussard et sculpteur, s’installe à Capbreton, où il décide de lancer une exploitation agricole sur une trentaine d’hectares. Grâce à son initiative, les vignes repartent à la conquête des dunes, mais sur un périmètre limité.

Au 20e siècle, le vignoble, laissé à l’abandon, périclite. Sur le littoral, la construction du mur de l’Atlantique porte un coup fatal aux ceps, arrachés sans ménagement.

Les années 1950 marquent l’essor du tourisme. Les communes du bord de mer landais se transforment en stations balnéaires. Le vin de sable devient un souvenir, de plus en plus lointain.

Il faut attendre 1995 pour que les vignes se réinstallent dans le paysage sableux, à l’initiative de Nicolas Tison, exploitant du Domaine de la Pointe.

La modernité au service des traditions

L’ingénieur agronome, soucieux de respecter les pratiques séculaires de culture, décide de relancer la production à Capbreton, utilisant du compost pour la fertilisation et procédant à un désherbage mécanique. Il privilégie également le bio et la biodynamie.

La vigne la plus éloignée du littoral, à environ 800 mètres, profite des dunes pour se protéger du vent salé. Celle à proximité de la mer se destine à un vin classé IGP Landes.

Comme à l’époque, le soleil et la chaleur du sable facilitent la bonne maturité du raisin. Les vignes continuent d’être basses, en taille courte, selon une densité de plantation importante pour un rendement faible.

Les cépages sont similaires à ceux que les marins vignerons utilisaient : chenin et crouchen pour les blancs ; cabernet franc, cabernet-sauvignon, tannat pour les rouges.

L’environnement fragile et accidenté interdit bien sûr les vendanges mécaniques.

Toutes ces contraintes n’empêchent pourtant pas le vigneron de persévérer. Après avoir été triés, les raisins sont travaillés manuellement. Le vin est ensuite stocké dans de petites cuves afin de faciliter les interventions.

Le Domaine de la Pointe propose aujourd’hui deux cuvées, en blanc sec, rouge et rosé.

L’initiative de Nicolas Tison, qui a cédé son domaine en 2018, semble en avoir encouragé d’autres. Ainsi, Philippe Thévenin exploite depuis quelques années le domaine de Malecarre à Messanges. Son vignoble de 70 ares ne permet que de produire 650 bouteilles, mais le vigneron contribue à la renaissance du vin de sable, à l’image de la demi-douzaine d’exploitants installés sur le littoral. Le vignoble des dunes s’étend aujourd’hui sur 300 hectares, de Lit-et-Mixe à Capbreton.

Des vins appréciés et salués

Les efforts consentis ces dernières décennies semblent porter leurs fruits. Malgré sa production limitée et sa diffusion commerciale restreinte, le vin de sable recueille des critiques enjouées.

Selon le Figaro, « Les vins produits sont marqués dans l’ensemble par des arômes fruités, toujours présents. Les rouges présentent plus précisément des structures douces aux tannins mûrs et suaves, tandis que les rosés et blancs se démarquent par leur équilibre, leurs arômes fruités et leur fraîcheur. »

« Cette cuvée, Les pieds dans le sable du Domaine de la Pointe, est un vin blanc très intéressant alliant intensité aromatique, fraîcheur et vivacité ! bref c’est un blanc qui a du pep’s ! » écrit le site Simplement Vin. Impression confirmée par le site Les Grappes : « La robe est claire, limpide et brillante, le nez riche, frais et aromatique, la bouche vive et franche. On y retrouve des notes d’agrumes et de fruits exotiques. Il nous laisse une finale saline avec une jolie tension. »

bouteilles de vin de sable
Des vins originaux qui méritent d’être découverts – Crédit photo: Domaine de la Pointe

La production du domaine de Malecarre séduit également les professionnels : « Plantées dans les sables, quasi en bord de mer, les vignes de cabernet franc et sauvignon donnent naissance à ce rosé à la robe claire et délicate entre pétale de rose et peau d’orange. C’est sa grande fraîcheur qui lui confère tout son charme : au nez, à travers des parfums acidulés de citron nuancés de silex, et dans une bouche mêlée de fruits rouges et d’agrumes. » – Guide Hachette des vins.

Les amateurs et curieux, frustrés de ne pas trouver le doux nectar landais chez leur caviste, se tourneront vers les sites de vente en ligne, pour des tarifs compris entre 10 et 20 € la bouteille.

Un prix somme toute modeste pour découvrir un vin jadis considéré comme prestigieux.


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